Biennale de la Langue Française

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La diversité culturelle, un enjeu senghorien, un enjeu actuel

Moustapha Tambadou


Permettez-moi d’abord, d’exprimer mon amicale gratitude à notre cher président Roland Eluerd et à nos chers vice-présidente et secrétaire général Jeanne et Gildas Ogée. C’est, en effet, à leur délicate attention que je dois le privilège de participer à cette table-ronde et, donc, de retrouver l’ombre bienfaisante de Senghor, qui, de son vivant, m’a, mais je ne vous apprends rien, honoré de son estime et reste pour moi, à travers ses écrits un maître et une référence.

Mes amis Jacques Chevrier et Mwatha Musanji Ngalasso me comprennent certainement quand je dis que les thèmes de notre biennale sont la part de vin que nous avons offerte à la terre pour inviter l’esprit de Senghor à partager notre banquet.

L’Ancêtre est, de ce fait, déjà parmi nous. Il nous écoute.

Profitons-en pour le rassurer :

« cher Léopold Sédar Senghor nous restons tes disciples fidèles toujours soucieux de contribuer à l’avènement d’un monde de différences harmonisées.

Notre détermination est d’autant plus intacte que la mondialisation, telle que nous la vivons, menace de se résumer en la diffusion planétaire d’un seul modèle socioculturel. Elle est bien loin de la Civilisation de l’Universel que tu as, toute sa vie durant, appelée de tes vœux. »

Heureusement, je l’ai dit, nous résistons.

Pour illustrer cette affirmation, et, aussi, rendre compte à Senghor de ma part de fidélité, permettez-moi de vous entretenir brièvement d’un projet à la réalisation duquel les circonstances m’ont permis d’apporter ma modeste contribution.

Il s’agit, du projet d’« Instrument international sur la Diversitéculturelle ».


En ma qualité de membre des Groupes de rédaction et de contact, mis en place par le Réseau international sur la politique culturelle 1, j’ai, en février dernier, accompagné une délégation de ministres de la Culture venus de 17 pays, de tous les continents, proposer au directeur général de l’Unesco l’inscription d’un tel instrument parmi les priorités de l’Organisation.

Le Conseil exécutif de l’Unesco a favorablement accueilli cette initiative et porté le dossier à l’appréciation de la Conférence générale.

L’Instrument, nous le constatons souvent, est surtout perçu comme un moyen de défense de la diversité culturelle face aux négociations commerciales internationales. Ainsi, en en commentant l’avant-projet, transmis par le RIPC, le Conseil de l’Europe après  s’être réjoui d’y trouver un moyen de « soutenir et de promouvoir la diversité culturelle » insiste cependant sur le fait qu’il s’agit de faire « contrepoids aux instruments juridiques internationaux actuels de l’OMC […] afin d’améliorer la situation présente du commerce et des échanges internationaux de produits et services culturels ».

Bien entendu, cet enjeu est déjà de taille. En effet, il renvoie à la nécessité de défendre, d’une part, la liberté d’expression de création ainsi que la libre circulation des œuvres et de leurs créateurs, d’autre part le droit des États ou Groupes d’États d’élaborer librement leurs politiques culturelles afin de tirer le meilleur profit de l’exploitation du potentiel économique de leur patrimoine 

Ce nonobstant, nous devons garder à l’esprit que le RIPC appréhende la diversité culturelle comme étant « la multiplicité et l’interaction des cultures qui existent dans le monde et qui constituent le patrimoine commun de l’humanité ». Je souligne interaction. Une telle définition nous renvoie donc, et surtout, à la dialectique senghorienne de l’enracinement et de l’ouverture c’est-à-dire au rêve, toujours senghorien, de dialogue des cultures.

Mesdames et Messieurs, 

Il est heureux que la communauté internationale se soit massivement rangée derrière le RIPC pour œuvrer à l’aboutissement d’une idée s’abreuvant aux sources premières de la francophonie.


C’est ainsi que, réunis à Dakar en juin dernier (vous me pardonnerez de préciser avec fierté que le gouvernement sénégalais m’avait confié l’organisation de la rencontre) les ministres de la Culture du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique 2 ont non seulement exprimé leur adhésion à l’Instrument mais, encore, leur intention de revisiter désormais toute la coopération intra-ACP en fonction de préalables et de finalités culturels.

Lui emboîtant le pas le 10 juillet dernier, à l’issue du Sommet d’Addis Abéba, le Conseil de l’Union africaine a adopté une décision réaffirmant l’impérieuse nécessité d’une Convention internationale sur la diversité culturelle afin de préserver et « promouvoir la diversité culturelle en tant qu’élément indissociable de la culture de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du développement ».

De leur côté, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe soutiennent la démarche et les objectifs du RIPC.

Cher esprit de Léopold Sédar Senghor,

Vous le voyez, la communauté internationale emprunte les voies que vous avez balisées, je veux dire qu’elle est en passe de tourner résolument le dos à la mondialisation unipolaire que nous dénoncions.

Et, comme l’a affirmé le président Chirac, au cours d’une réception qu’il a bien voulu offrir à la délégation du RIPC, en présence de tout le gotha culturel et artistique français : « (Il) y a des frontières que la mondialisation n’a pas le droit d’abolir. Ce sont celles qui nous permettent de passer d’une culture à une autre, qui nous apprennent qu’il n’y a pas une langue mais des langues, que l’universalité s’incarne dans le particulier et que nous devons conserver cette richesse comme l’un des biens les plus précieux de l’humanité. »

La Biennale de la langue française est fière de vous dire, à vous et à votre complice Alain Guillermou, que nous voyons assis à vos côtés, qu’elle reste l’un des gardiens les plus vigilants de cette frontière-là.


Notes

1. Le Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) est un forum international de ministres de la Culture animé par l’Afrique du Sud, le Canada, la France et le Sénégal et la Suisse. Près d’une soixantaine de ministres de tous les continents prennent  actuellement une part active à ses travaux. [RETOUR]

2. Groupe ACP, 78 États liés à l’UE par des accords de coopération. [RETOUR]

 


Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXe Biennale

SOMMAIRE

Accueil

Vœux de la XXe Biennale

Langue française et langues partenaires

1. Le concept, les objectifs et les réalisations synthèse rédigée par Roland Eluerd

Marius Dakpogan

Roland Delronche

Atibakwa-Baboya Edema

Chérif Mbodj

Christian Pelletier

Louis-Jean Rousseau

Joseph Yvon Thériault


2. L'exemple canadien

synthèse rédigée par Alain Traissac

Denis Monière

Norman Moyer


3. Questions de traduction synthèse rédigée par Line Sommant

Claire-Anne Magnès

Mariana Perisanu


L'œuvre de Samuel de Champlain

Synthèse rédigée par Liliane Soussan

Pierre Murith

Marie-Rose Simoni-Aurembou


Présence de Senghor

Introduction

Amadou Lamine Sall

Moustapha Tambadou



A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93