XIXe Biennale

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XIXe BIENNALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
HULL OTTAWA
29 juillet - 2 août 2001
Jeunesse et langue française
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Compte rendu

Discours de clôture

L'enquête "La langue française et vous"

Voeux adoptés




Compte rendu

La XIXe Biennale de la langue française a réuni plus de 200 participants venus de 23 pays ou provinces. Par leur qualité, 50 interventions sur le thème Jeunesse et langue française ont reflété l'éclat du haut patronage accordé par Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson, gouverneure générale du Canada.

Moments particulièrement riches de cette Biennale : les séances d'ouverture et de clôture, respectivement à l'Université du Québec à Hull et à l'Université d'Ottawa, les premières analyses de l'enquête Le français et vous (7000 réponses de 25 pays), la remise des prix du concours de pages web Les mordus de la langue, organisé avec l'aide de Radio Canada – occasion d'un entretien téléphonique en direct avec un gagnant béninois –, les interventions et les récitals de poésie des jeunes poètes présents au Canada pour les IVe Jeux de la Francophonie, la table ronde sur le choc des cultures, la journée sur la francophonie nord-américaine, le dîner et la soirée culturelle à l'invitation de l'honorable Sheila Copps, Ministre du patrimoine canadien.

La XIXe Biennale a été l'occasion de nombreuses rencontres qui orienteront les travaux et les choix des futures biennales, en particulier dans l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, dans l'ouverture des biennales vers la jeunesse, les poètes et les langues partenaires de la francophonie, dans leurs réflexions sur les usages du français, dans leur participation à la défense et à l'illustration de la langue française.

En 2002, à l'occasion de la publication des Actes de la Biennale de Hull-Ottawa et de la synthèse de l'enquête Le français et vous un mini-colloque sera organisé à Paris.

Dix ans après la Biennale d'Avignon, la Biennale de la langue française retrouvera la France pour y fêter son quarantième anniversaire :

XXe Biennale de la langue française
LA ROCHELLE
2003



Discours de clôture
de M. le professeur Roland Eluerd,
président de la Biennale de la langue française

Nous avons vécu une belle et grande biennale.

Grâce à la parfaite organisation et à l'accueil chaleureux de nos hôtes canadiens que nous ne pourrons jamais assez remercier, grâce à la richesse de nos débats, grâce à tous ces jeunes biennalistes qui ont été avec nous, qui nous ont tant apporté et dont les remarques ou les vµux seront des lignes directrices de nos futures biennales, grâce à ces jeunes poètes qui m'ont convaincu, s'il était nécessaire, qu'une place d'honneur devait être faite à la poésie.

Lors de l'exceptionnelle soirée où l'honorable Sheila Copps nous avait conviés dans la Grande galerie du Musée canadien des civilisations, j'ai dit que la poésie n'était pas l'achèvement parfait de la langue, mais son origine même, ses racines les plus profondes et les plus chargées de sève future.

S'agissant de la place à lui réserver, il me revient en mémoire ce que René Char écrivait sur l'un de ses carnets de la période des combats de la Résistance, quand la mort guettait chaque jour les partisans : Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté.

Oui, nous avons vécu une grande Biennale. Elle nous permet d'entrer avec détermination dans le nouveau siècle et, autant prendre de l'élan, dans le nouveau millénaire.

Mais, pour demain, la détermination ne suffit pas. Il faut des projets.

Le premier concerne les éclipses de la Biennale, je veux dire ces années paires, années sans biennale, où nous disparaissons presque. Nous ne disparaîtrons plus puisque la publication des Actes sera l'occasion d'une rencontre, un mini-colloque organisé à Paris. Rendez-vous donc en 2002 !

Le second projet prolongera les liens noués ici avec les Jeux de la Francophonie. Il y a dans cette manifestation un tel potentiel de jeunesse, donc d'avenir, que la Biennale peut y jouer un rôle au regard de ce qu'ils impliquent comme partage et pratique du français. Les jeunes poètes qui ont vécu cette XIXe Biennale avec nous, les lauréats du concours conduit en partenariat avec Radio Canada ne me démentiront pas. Aussi, je proposerai à notre conseil d'administration, puis aux biennalistes que la XXIe Biennale viennent côtoyer de près les Ve Jeux, à Niamey, en 2005.

Mais 2003 me direz-vous, la XXe Biennale, celle du quarantième anniversaire ?

J'ai à l'instant parlé de détermination puis ajouté que la détermination ne suffisait pas, qu'il fallait des projets. Il faut aussi que cette détermination ne soit pas aveugle.

Après les biennales de Bucarest, de Neuchâtel, de Ouagadougou et de Hull-Ottawa, une conclusion me semble s'imposer.

Si l'avenir du français dépendait des francophones du monde entier, tout irait bien. Si l'avenir du français dépendait des francophiles du monde entier, tout serait bien. Mais l'avenir du français dépend d'abord des Français, et là tout se complique.

Beaucoup disent : " L'avenir du français appartient maintenant aux francophones non français parce qu'ils sont plus nombreux que les Français. " C'est une idée juste du point de vue de l'arithmétique, c'est une idée fausse du point de vue de la stratégie. Certes, la partie se joue et se gagnera dans le monde entier. Mais c'est en France qu'elle risque de se perdre.

Cinq pour cent des Français rêvent d'une France parlant anglais dans une Europe parlant anglais dans un World parlant devinez quelle langue. Ce sont souvent des gens en place, proches des pouvoirs et des médias. Leurs arguments sont courts mais ils brillent comme leurs dents, qui sont longues : l'anglais international est efficace et moderne, le français est ringard. Ils savent que ce monde leur réserverait les seules places dont ils se jugent dignes : les meilleures.

Cinq pour cent des Français pensent que leur langue est une ville assiégée. Ces Français sont parfois des bourgeois cultivés. Beaucoup sont des gens simplement soucieux de bien écrire et de parler convenablement. Leur attitude est respectable mais elle est trop défensive : les lignes Maginot ne servent jamais à rien.

Quatre-vingt-dix pour cent des Français ne voit pas le problème ou s'en moquent complètement, mais l'avenir du français est entre leurs mains.

Pour la XXe Biennale de la langue française, c'est donc en France que nous devons nous retrouver.

Où ? Je vous propose une ville, un port où il semble tout naturel de revenir au retour des terres d'Amérique : La Rochelle, dont la Lanterne guida les bons héros de Rabelais avant de saluer tant de vaisseaux venus de ces rivages.

Je vous propose une XXe Biennale éclatante, une Biennale combattive. Une Biennale qui dise à mes compatriotes : voyez la jeunesse actuelle de la francophonie, c'est la première génération francophone de l'Histoire. Elle vous regarde. Et maintenant, les yeux dans les yeux, osez lui dire : Nous sommes las, nous préférons nous coucher.

Et si même notre part devait être l'échec, si l'enjeu nous échappait, si la force des abandons l'emportait, n'avoir rien tenté ajouterait à notre honte.

Mais notre part ne sera pas l'échec. Quelque chose commence de bouger, l'opinion n'est pas indifférente. Il ne faut pas qu'elle n'ait de choix qu'entre les sirènes du prétendu village prétendument global et le repliement sur soi.

Amis biennalistes, il va falloir déplacer quelques montagnes. Soyons modestes, deux ou trois, pas plus.

Amis francophones, nous aurons besoin de votre aide.

La XIXe Biennale de la langue française s'achève.

Que vive déjà la XXe Biennale !



L'enquête "La langue française et vous" *
Survol des premiers résultats
par Jeanne Ogée

Le 30 juillet 2001, à la biennale d'Ottawa, furent présentés les premiers résultats de l'enquête internationale auprès des jeunes sur la langue française. Il était loisible de les comparer avec ceux de l'enquête menée en 1977 auprès des mêmes classes d'âge.


En voici un bref aperçu.


- En 1977, 4 000 jeunes avaient participé, de 14 pays ou provinces, dont 4 francophones : la France, la Belgique, le Québec et le Nouveau-Brunswick.


- En 2000, 7 000 jeunes de 26 pays répondirent, dont 12 francophones et parmi eux plusieurs d'Afrique. Quatre continents furent représentés, à l'exception de l'Australie : 11 en Europe, 6 en Amérique, 6 en Afrique, 3 en Orient.


En France, 5 200 jeunes répondirent, parfaitement répartis dans les 26 académies, ce qui a permis d'effectuer un sondage représentatif comme en 1977.


À l'étranger, 1 800 jeunes participèrent, 900 francophones et 900 non francophones : enquête menée sans la rigueur du sondage réalisé en France, vu les conditions différentes du recueil des réponses.


Quelques points importants sont à noter dès maintenant. L'analyse complète des trente points du questionnaire fera l'objet d'une étude ultérieure.


Voici les sujets retenus pour Ottawa à la XIXe biennale :


- La langue française, soumise aux dérives modernes du langage courant, conserve pour les jeunes Français et francophones d'aujourd'hui une musicalité certaine chez les poètes et dans la littérature, mais beaucoup moins dans le quotidien (17%).


Pour les étrangers non francophones, la langue française reste musicale en toute circonstance, disent-ils à plus d'un sur deux, même s'ils y sont moins sensibles qu'il y a 25 ans.


- La langue française est-elle difficile sous ses angles divers : orthographe, vocabulaire, syntaxe ? Oui, disent la plupart des jeunes, aujourd'hui comme hier, mais ils sont 90% à y tenir, malgré leurs propres "écarts". Trois sur quatre rejettent en effet toute réforme alors qu'hier ils étaient partagés également entre réforme modérée et absence de réforme.


- Une question nouvelle, la féminisation des fonctions et des titres, sans leur plaire, ne les gêne pas. Les filles, naturellement, sont un peu plus favorables (à 50%) à "Madame la ministre". Mais ils sont tous absolument opposés à "Madame la docteure", en France comme ailleurs, à l'exception de l'Ontario francophone ! L'usage tranchera.


- La Charte européenne des langues régionales, mise à l'ordre du jour en 1992, laisse les jeunes très perplexes. Si près de la moitié refusent un statut juridique à toute langue régionale, les autres hésitent pour quelques-unes d'entre elles. S'ils reconnaissent qu'elles font partie du patrimoine, ils craignent des ghettos ou n'y voient qu'une utopie. Les jeunes étrangers oscillent suivant les conditions dans leur propre pays.


- Que pensent-ils de l'emploi grandissant des mots étrangers, surtout anglo-américains ? Ils sont 80% à dire que ces mots ne les gênent pas. Ils le disaient déjà il y a 25 ans. Simplement, les mots ont changé. "Casting", "web", "e-mail" font partie de leur langage. Le "crash" d'un avion ne leur plaît guère cependant et ils s'habituent à "jeu décisif" pour tie-break.


- En dehors des mots mêmes, l'emploi habituel de la langue anglaise par les personnes responsables en France et à l'étranger leur paraît sans doute abusif, et ils acceptent peu (20%) la raison donnée de la recherche d'audience, mais ils pensent que la résistance est inutile, francophones et non-francophones confondus. Leur "silence" à ce sujet d'il y a 25 ans s'est transformé en semi-acceptation.


- Alors quelle langue pour l'Europe à leur avis ? L'anglais sans doute ? comme en 1977 où 70% des jeunes trouvaient normale l'implantation de l'anglais sur la scène européenne et mondiale ? La surprise, en 2000, est grande. L'extension de l'Union européenne, de 9 à 15 pays et bientôt 25, a peut-être déclenché des réflexes d'auto-défense. Seuls 10% d'entre eux accepteraient la généralisation de l'anglais. 90% se prononcent contre cette menace : la moitié choisissant le français et une autre langue, l'autre moitié préférant un multilinguisme à définir.


- Une autre question, importante pour la Francophonie, neuve en 2000, portait sur l'exception culturelle, qui exclut des lois du marché les livres, les films, la musique, selon la décision votée par 50 pays de la Francophonie en 1993, au Sommet de l'Ile Maurice. Bien que les jeunes ne soient guère au fait de ces questions et que près de la moitié s'abstiennent, l'autre moitié l'approuve.


- Enfin la question difficile du rôle de la langue maternelle leur était, comme il y a 25 ans, posée.


Si les jeunes Français et francophones, à deux sur trois, sont plus nombreux qu'hier à estimer que leur langue maternelle, le français, reflète leur personnalité, ils sont moins persuadés de son rôle sur toute leur action, culturelle ou non : 40 % contre 60% hier.


Cependant, plus de la moitié d'entre eux voient la chance que leur offre leur langue maternelle. Et cette fois les jeunes Français ont rejoint les autres francophones pour s'apercevoir de leur chance.


Est-ce un heureux présage pour l'avenir de la langue française ? On ne défend que ce à quoi l'on croit.


S'appuyant sur les dernières réponses à cette enquête, un vµu relatif à l'emploi du français dans les organisations internationales, européennes en particulier, fut formulé à l'issue de la XIXe biennale. Ce vµu est reproduit ci-après.


Jeanne Ogée

vice-présidente



Voeu adopté par la XIXe biennale de la langue française

Employer le français dans les organisations internationales

Prenant en compte le souhait exprimé par la presque totalité des 7000 jeunes de 25 pays ayant répondu à l'enquête "La langue française et vous", considérant qu'à l'heure de la mondialisation il importe que le français consolide sa place de langue de travail et de communication dans les grandes instances internationales, la XIXe biennale de la langue française émet le voeu

que la Francophonie institutionnelle et les gouvernements mettent tout en oeuvre pour que, en application des règlements, la langue française soit utilisée dans les débats, informations et publications des organisations internationales européennes et mondiales et non l'anglais comme langue unique.

Le rapport complet de cette enquête est paru sous la forme d'un livre de 300 pages au format A5. Il peut être commandé au Secrétariat de la Biennale, 113 rue Galliéni, 78670 Villennes-sur-Seine, France, au prix de 9 euros franco.

Voeux adoptés


1. " Nous, jeunes francophones... "


La XIXe Biennale de la langue française adopte l'appel rédigé par les jeunes biennalistes pour en faire son premier voeu.


" Nous, jeunes francophones de plusieurs pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie, réunis durant la XIXe Biennale de la langue française autour du thème JEUNESSE ET LANGUE FRANÇAISE, formulons les voeux suivants :


que les liens entre les pays francophones soient renforcés pour que le terme " communauté francophone " prenne véritablement tout son sens avec un large concours des jeunes;


que le programme PAJE soit généralisé et reçoive un supplément de crédits;


que le Plan Mobilité Jeunesse soit renforcé;


que soient instaurés la reconnaissance générale des acquis et l'établissement des équivalences de diplômes dans tout l'espace francophone;


que les jeunes reçoivent des bourses de formation doctorale dans les secteurs de l'éducation, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et de la recherche;


que, par la création d'un passeport francophone, soient facilités les déplacements lors des séjours à court ou moyen terme;


qu'un programme d'histoire de la francophonie soit mis en place dès le secondaire. "


2. Soutenir le travail des professeurs de français.


La XIXe Biennale de la langue française remercie la Fédération internationale des professeurs de français pour l'aide apportée lors de l'enquête " Le français et vous " et félicite cette fédération pour le remarquable congrès de Paris.


La XIXe Biennale de la langue française émet le voeu


que la Francophonie institutionnelle se dote d'une politique de promotion dynamique de l'apprentissage de la langue française par les jeunes du monde entier, en particulier en soutenant activement le travail fondamental des professeurs de français qui bâtissent chaque jour la francophonie de demain.


3. Employer le français dans les organisations internationales.


Prenant en compte le souhait exprimé par la presque totalité des 7000 jeunes de 25 pays ayant répondu à l'enquête " Le français et vous ",


considérant qu'à l'heure de la mondialisation il importe que le français consolide sa place de langue de travail et de communication dans les grandes instances internationales,


la XIXe Biennale de la langue française émet le vµu


que la Francophonie institutionnelle et les gouvernements mettent tout en oeuvre pour que, en application des règlements, la langue française soit utilisée dans les débats, informations et publications des organisations internationales européennes et mondiales et non l'anglais comme langue unique.


4. Favoriser la création poétique et sa diffusion.


Consciente des richesses et des promesses de la jeune poésie francophone,


la XIXe Biennale de la langue française émet le voeu


que les programmes d'enseignement encouragent très tôt la sensibilisation aux formes d'expression poétique pratiquées en langue française dans les différents pays francophones;


que soit favorisée la création poétique francophone sous toutes ses formes, y compris celles qui font appel aux technologies numériques;


que la poésie de langue française reçoive l'aide nécessaire pour accéder à tous les moyens de diffusion et d'édition : impression, numérisation, télévision ou radiodiffusion


que la langue française en ses divers modes artistiques établisse des liens avec les langues partenaires de la Francophonie;


que soient organisées des manifestations poétiques et des rencontres sur et autour de la poésie susceptibles d'être relayées par les grands médias d'information.


5. Renforcer la " loi Toubon ".


Face à l'utilisation de plus en plus courante, en France même, de la langue anglaise à la place du français pour les communications scientifiques, les réunions d'affaires, les séminaires professionnels,


constatant que ce mauvais exemple donné par la France est préjudiciable à toute la Francophonie,


la XIXe Biennale de la langue française émet le voeu


que l'application de la " loi Toubon " soit affermie éventuellement en la révisant pour la rendre plus efficace.