Biennale de la Langue Française

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Les Actes
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Mot de la fin de M. Norman Moyer

Sous-ministre adjoint au Ministère du patrimoine canadien

Vice-président de la Biennale de la langue française


Si mes responsabilités m'impliquent beaucoup dans la question linguistique au Canada, j'ai aussi une passion pour l'exploration de cette diversité ancrée dans la dualité linguistique canadienne. Personnellement, je ne parlais pas un mot de français à vingt et un ans quand j'ai décidé de pénétrer dans l'autre culture canadienne. J'ai vécu l'expérience comme plusieurs autres l'ont souligné de voir grandir en moi toute une autre capacité grâce à l'ouverture à cette autre culture. Maintenant, je vais essayer de dire le mot de la fin de cette journée.

Ce qu'on a vécu ensemble aujourd'hui ressemble un peu à un reportage du Front. Ici la francophonie en Amérique est sur le Front avec Planète Hollywood. Nous vivons radicalement deux thèses sur l'avenir de cette planète : d'un côté, un monoculturalisme qui ne fait pas nécessairement, ni explicitement partie de la politique de la grande république des États-Unis, mais qui est né de la vigueur de la place commerciale, culturelle, sociale, politique, qu'occupe cette république actuellement sur la Terre. De l'autre, ici, au Canada, nous vivons face à cette réalité, non pas depuis dix ans, mais depuis toute l'existence de notre relativement petit-grand pays. Petit en nombre de personnes, grand en superficie.

Même avant d'avoir décidé de faire partie des deux cultures du Canada, je réfléchissais avec les Canadiens anglophones sur l'existence et l'identité canadienne anglaise face à la présence américaine en Amérique du Nord. Beaucoup de mes collègues francophones ne savent pas jusqu'à quel point ils partagent cette même préoccupation avec les anglophones du Canada. Mais, si toutefois nous sommes sur le Front entre deux cultures, nous occupons une lisière entre forêt et plaine. Comme nous, les poètes ont parlé de lisière. Ils reconnaissent que dans la lisière se trouve une énorme richesse de diversité, de créativité et d'adaptabilité. Ce sont les mots qui, pour moi, reflètent l'histoire de la francophonie en Amérique du Nord.

Je vais tisser en quelques mots ce que j'ai absorbé aujourd'hui. Les mots qui restent dans ma tête sont des grands mots de lutte entre monoculturalisme et pluriculturalisme, mais aussi des mots plus simples comme fierté, volonté, endurance et effervescence. J'étais content d'ajouter cela à ma liste de mots, cet après-midi.

Situons-nous un peu dans le Canada. Notre histoire est complexe et notre histoire culturelle est d'une bizarre schizophrénie. Le Canada, né dans une histoire de colonisation francophone face à une population autochtone, a connu dès le début une certaine diversité. Après la Conquête, cette diversité s'est ancrée dans une réalité plutôt conflictuelle, où, pendant deux cents ans, elle était placée à son meilleur, sous le signe de la solitude de ces deux grandes cultures où souvent régnait un état de combat.

Tous, ici surtout les Canadiens francophones des régions hors Québec nous avons vécu de grands moments de notre histoire quand le Canada a raté le bateau; quand le Canada aurait pu mieux appuyer notre seconde culture partout au Canada. Mais, il y a à peu près quarante ans, le Canada s’est ouvert un peu les yeux, surtout le Canada anglophone dont je viens, et a réalisé qu'il avait ignoré une grande richesse. Il a adopté ce que j'appellerais une certaine réalité bifurquée depuis ce temps-là. Il y a maintenant au Canada, comme dans le monde entier, deux visions qui s'affrontent.

Une vision, dite de Pierre Trudeau, qui est une vision d'ouverture, où les mots clés sont multiculturalisme, diversité, bilinguisme, dans une vision de francophonie ouverte qui est en expansion à l'intérieur d'une plus grande société qu'est le Canada. Et l'autre vision, d'un nationalisme fort, fier et important aussi à l'intérieur du Canada, et qui est représentée surtout par les Québécois; quoique les Québécois ne soient pas seuls à penser que la fierté et le nationalisme sont la meilleure défense de la langue et la culture françaises.

Je ne suis pas parmi ceux qui croient que ce conflit ait seulement été négatif. Je crois que le conflit nous a réveillés et nous a appelés à mieux reconnaître ce que nous avons. Je ne connais pas le sort final de ce conflit, mais je sais qu'il peut ajouter ou enlever à ce que nous sommes.

Aujourd'hui, je vois quatre francophonies au Canada :

La québécoise où les francophones sont majoritaires ou au moins se croient majoritaires, tout en se rappelant qu'ils sont minoritaires en Amérique du Nord aussi. Une étrange majorité qui se sent quand même et probablement légitimement menacée.

Ensuite la francophonie des francophones vivant en situation minoritaire. Ils ont été bien représentés aujourd'hui. On a bien parlé de leur situation et ils ont bien parlé de leur fierté, de leur volonté et de leur endurance.

Il y a aussi la francophonie des francophiles qui ont été bien représentés dans le panel de cet après-midi. Lisa Balfour-Bowen et Joan Netten, ainsi que les personnes avec qui elles travaillent, ont vu progresser depuis vingt-cinq ans ce désir des anglophones de participer et je souligne un petit fait. Dans le monde entier, une population anglophone, depuis trente ans, a pris la décision de choisir le français comme langue seconde. Il y a aujourd'hui, au Canada, à peu près deux millions d'anglophones bilingues. C'est un phénomène qui n'existe nulle part ailleurs et nous voulons continuer de voir s'agrandir ce groupe de francophiles.

Et puis, nous avons une quatrième francophonie, présente dans cette salle, les immigrants au Canada, qui choisissent de venir au Canada ou au Québec et de s'associer à la population francophone du Canada. Et si on parle de la démographie du Canada, on se rend compte qu'on a bien besoin d'eux parce que le taux de remplacement par la natalité chez les Canadiens francophones ou anglophones n'arrive pas à maintenir la population du Canada. Le Canada doit être ouvert à cette nouvelle francophonie.

Alors quel est le bilan à la fin de cette journée ? Nous avons besoin de ces deux visions à l'intérieur du Canada. Nous avons besoin, en Amérique du Nord, au Canada, d'un Québec fier et capable de défendre la langue française à l'intérieur de ses frontières. Nous voulons être alliés avec le Québec dans ce défi. Il faut qu'une grande ville comme Montréal puisse être la porte d'entrée pour les immigrants qui veulent venir au Canada. Nous sommes fiers que les francophones puissent venir au Manitoba ou à Vancouver et se joindre à une communauté francophone. Mais, pour vraiment absorber une grande population qui vient de pays francophones et la garder à l'intérieur de la population francophone au Canada, Montréal est essentiel. Montréal est la seule ville, la seule métropole capable de cette grande transformation essentielle à notre société.

Mais le Canada, les Canadiens, d'un océan à l'autre, et les Québécois aussi, ont besoin d'une deuxième vision: le français comme langue internationale, le français comme porte-étendard de la vision de dualité linguistique et de diversité culturelle. Il faut promouvoir le français non seulement comme langue d'une nation, mais comme langue internationale. Il faut que les francophones du monde deviennent les premiers défenseurs de ce concept de pluriculturalisme, de cette idée de diversité culturelle.

Alors ce que je vois dans cette lisière entre monoculturalisme américain, pluriculturalisme et bilinguisme canadien, est un terrain de richesse. Une sorte de marais où de nouvelles idées peuvent pousser. Les poètes présents aujourd'hui ont vu que, dans l'expérience de la francophonie en Amérique du Nord, il n'y a pas seulement un présent fort, mais un avenir fascinant.

 


Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XIXe Biennale

SOMMAIRE

XIXe Biennale à Hull-Ottawa 2001

Jeunesse et langue française. Créer, partager, entreprendre.

Langue française au Canada et en Amérique du Nord.


Préface par Roland Eluerd

Remerciements

SEANCE SOLENNELLE D'OUVERTURE

Messages de:

La très Honorable Adrienne Clarkson

L'Honorable Lise Thibault

L'Honorable Sheila Copps

Allocutions de:

M. Marcel Proulx

S.E. M. Denis Bauchard

M. Marcel Hamelin

M. Francis R. Whyte

M. Roland Eluerd

et Hommage posthume à Henri Bergeron par Roland Eluerd

Résultats de l'enquête par Mme Jeanne Ogée

JEUNESSE ET LANGUE FRANÇAISE

I . Créer

I. A . La poésie

Débat la poésie

I. B . Les technologies de l'information

Alain Vuillemin

Jean-Alain Hernandez

Louise Guay

Frédéric Nolin

Synthèse de René Morin

Remise des prix du concours “Les mordus de la langue”par Alain Landry

II . Partager

II. A . Les mots

Albert Doppagne

Noëlle Guilloton

Claire-Anne Magnès

Débat sur les mots animé par Antonine Maillet

II. B . Les engagements, les O.N.G.

Angèle Bassolé-Ouédraogo

Herman Zoungrana

Gabriela Marcu

Débat

II. C . L'enseignement du français

Micheline Sommant

Pascale Lefrançois

Sally Rehorick

Pierre C. Bélanger

Débat 1 sur l'enseignement

Marius Dakpogan

Mioara Todosin

Cécilia Gaudet

Fabienne Cauchi

synthèse par Ibnou Dia

Débat 2 sur l'enseignement

Hommage à Philippe Desjardins

III . Entreprendre

III. A . Jeunes entrepreneurs

Théodore Boukaré Konseiga

Sidney Ribaux

Daniel La Bossière

Débat 1 sur Entreprendre

III.B . Espace linguistique de la jeune entreprise francophone

Éric Bergeron

Jean-Paul Buffelan-Lanore

Isabelle Plouffe

Débat 2 sur Entreprendre

LANGUE FRANÇAISE AU CANADA ET EN AMÉRIQUE DU NORD

A . Paysage linguistique canadien et nord-américain

Gratien Allaire

Lise Dubois

Paul Dubé

Geneviève Labrecque

Samia I. Spencer

Débat Canada Amérique 1

B . Langue et culture dans le contexte canadien et nord-américain

Lise Gaboury-Diallo

Naïm Kattan

Miléna Santoro

René Cormier

C . Vitalité de la langue française au Canada

Lisa Balfour Bowen

Michel Chartier

Joan Netten

James Thériault

D.Témoignages

Isabelle Chiasson

Luc Lainé

Anne Pham-huy

Débat Canada Amérique 2

Mot de la fin par Norman Moyer

Allocution de Jean-Louis Roux

TABLE RONDE Le choc des cultures

Animateur Jean-Louis Roy


SEANCE DE CLOTURE

Vœux

Discours de clôture par Roland Eluerd

Liste des participants

Échos de la XIXe Biennale


A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93