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Pingwendé Herman ZOUNGRANA


Consultant spécialisé en droits de l'Enfant, coordonnateur des Projets de lABSE

Ouagadougou, Burkina Faso


L'engagement et le rôle des ONG dans la solidarité internationale


Je voudrais, avant de livrer mon propos, rendre vivement hommage à un grand ami de mon pays, monsieur Alain LANDRY. Le sort a voulu qu'il soit aujourd'hui président de cette séance de travail.

En plus d'être un ami personnel, il a fait beaucoup pour la jeunesse de mon pays depuis 6 ans à travers son soutien à l'ONG que je dirige aujourd'hui.

Je voudrais lui dire MERCI en mon nom propre et au nom de tous les jeunes du Burkina Faso.


Je voudrais aussi, en guise d'introduction, citer Monsieur Stélio Farandjis qui, interrogé il y a quelque temps sur les pays en voie de développement et la francophonie, disait ceci: Le lien, c'est l'étroite liaison entre la langue française et les droits de l'homme. Il ne peut y avoir en effet de dignité humaine sans reconnaissance du Primat de la raison, et la raison ne peut triompher si la langue n'est pas une langue de clarté, de précision, de loyauté dans le commerce social, une langue transparente dans l'expression des concepts et des principes logiques, sociaux et moraux.

La société humaine internationale doit évoluer vers un État de droit, mais à condition que le développement matériel de la masse du peuple soit assuré en même temps.


Dans un contexte mondial aujourd'hui fait de guerres, de calamités de toutes sortes, de famines et de maladies, d'actes de xénophobie un peu partout, il est devenu plus que jamais impérieux que des notions comme l'intégration, la paix, la solidarité soient tous les jours … à notre ordre du jour.

La solution ne réside plus seulement dans les rencontres occasionnelles ni dans les sommets ponctuels où le plus souvent les uns et les autres se retranchent derrière les beaux discours.

La solidarité dont il est question doit se vivre au quotidien. Et pour cela deux facteurs sont essentiels:

- d'abord, il faut OSER, c'est-à-dire qu'il faut avoir le courage d'ENTREPRENDRE et de s'ENGAGER,

- ensuite, il faut AGIR, parce que tout simplement l'action doit désormais primer sur la rhétorique.


La solidarité doit nous suivre comme notre ombre. De sorte que nous soyons des exemples concrets de partage et de paix.


Quel peut donc être l'engagement et le rôle des acteurs non gouvernementaux dans la construction d'un monde plus vivable, plus humain, moins excluant, plus démocratique …., bref, plus solidaire?

Telle est l'interrogation qui nous guidera le long de cette intervention.


Personnellement, je perçois cet engagement des ONG à plusieurs niveaux:


Premièrement: Les ONG doivent, à travers la création de réseaux, permettre de relier entre eux des femmes, des hommes, des jeunes qui travailleront ensemble pour améliorer les conditions de vie des populations, en constituant une intelligence collective mise à la disposition de chacun

Deuxièmement: Malgré le développement des Nouveaux Médias, nous vivons malheureusement tous au quotidien ce paradoxe de la surinformation d'un côté et du manque d'information de l'autre. Pourtant, l'échange d'information et d'expériences est, à mon avis, la façon essentielle de tisser des liens et de bâtir des ponts entre les hommes et entre les nations.

Les ONG doivent s'y engager fermement, car la réalisation effective de ces échanges permettra de découvrir ensemble des principes communs, au-delà de nos différences.

Saint-Exupéry le disait si bien: Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente et Stélio Farandjis d'ajouter: Nos différences sont nos richesses.

Troisièmement: Les ONG doivent Faire Société, c'est-à-dire aider les peuples à sortir de l'isolement en les mettant en contact et en établissant des relations de coopération et de partage. Ces relations devront être basées cependant sur la réciprocité (c'est-à-dire, le principe du donner et du recevoir) et non sur laide unilatérale. Les thèmes comme mondialisation et globalisation sont ainsi à l'ordre du jour depuis quelque temps.

À ce sujet, Alain Landry dans une intervention le 24 janvier 2000, sur le Dialogue des Cultures, nous mettait déjà en garde: l'uniformisation culturelle constitue une menace réelle si nous, francophones, ne réagissons pas. En effet, continue-t-il, mondialisation, globalisation et uniformisation sont des notions qui pourraient malheureusement se confondre si les institutions intergouvernementales, dont la francophonie, la société civile et autres acteurs non gouvernementaux n'interviennent pas.

Quatrièmement: Les ONG se doivent de mutualiser, d'animer, de coordonner et de se placer comme des lieux d'expertise en permettant que les savoirs se transforment en savoir-faire au service du développement international. Et en menant surtout des actions de développement à la base, c'est-à-dire qui intègrent tout le monde au processus.

Cinquièmement: Les ONG doivent être une force de proposition, de plaidoyer et de pression. Ainsi elles pourront contrebalancer, grâce à leur pouvoir financier, le poids excessif des gouvernements de nos pays.

Mieux encore, elles pourront forcer la main aux gouvernants pour la prise de certaines décisions politiques. (Exemple du Burkina Faso où l'action des ONG a permis la ratification de beaucoup de conventions et traités internationaux, la révision du droit interne burkinabé pour le conformer aux normes internationales de protection de l'enfant et de la femme, la fixation d'un quota de femmes dans les états-majors des partis politiques…)

Sixièmement: Les ONG doivent être des EXEMPLES à travers les actions concrètes de solidarité et de partage afin de susciter la mobilisation de tous. Je citerai d'emblée l'intervention d'ONG telles que Médecins sans frontières, l'Association TOCSIN et l'ABSE, comme d'ailleurs il y en a partout dans le monde entier… qui assistent directement les populations dans le besoin à travers le financement et l'exécution de projets de développement.

Septièmement: Les ONG doivent jouer, partout où elles interviennent, un rôle de sensibilisation et d'éducation. Elles doivent permettre aux populations de comprendre les différents enjeux du contexte mondial actuel et les inciter à s'impliquer davantage dans la lutte pour leur propre bien-être.


L'engagement des ONG, vous l'aurez constaté, est donc primordial. Il est une des conditions cardinales de la réalisation dune solidarité mondiale effective.

Mais alors, quels types d'actions doivent-elles mener pour la réalisation de cette solidarité ?

Comment trouver une capacité d'agir face à des défis planétaires qui nous dépassent, dans un monde complexe, à la fois infiniment divers et interdépendant dans lequel les facteurs écologiques, culturels, sociaux, économiques, physiques, politiques et techniques sont liés entre eux?

La réponse pourrait bien se trouver dans le fameux slogan anglo-saxon PENSONS GLOBALEMENT ET AGISSONS LOCALEMENT. Ce slogan nous interpelle en effet sur l'échelle des défis et nous incite, autant que nous sommes, à mettre en cohérence nos convictions et nos aspirations.

Mais il peut tout aussi être pervers, précisément parce qu'il est séduisant. Car en réalité nous ne pouvons pas choisir de penser à une seule échelle, la planétaire, et d'agir à notre petit niveau individuel.

Évidemment, on peut tout aussi bien défendre l'idée inverse qu'il faut PENSER LOCALEMENT ET AGIR GLOBALEMENT.

Penser localement, car c'est à cette échelle que l'on peut appréhender et respecter la complexité et la diversité;

Agir globalement, pour situer l'action à l'échelle des défis planétaires.

Tout compte fait, quelqu'un disait si bien que rien en ce monde ne sest construit sans passion. Et cela est d'autant plus vrai que le passionné, même si souvent sa raison en prend un coup, est COURAGEUX et il OSE; il est ENGAGÉ et il AGIT.

Vivement que tous ici présents, nous soyons des passionnés de paix et de solidarité et que nous ayons le courage de nous engager, à travers la langue française que nous partageons déjà si fièrement, à partager également nos convictions et nos valeurs.


Je voudrais enfin, en quelques mots, partager l'expérience de mon ONG, qui a initié un projet basé justement sur l'ENGAGEMENT, le PARTAGE et la JEUNESSE.


Il s'agit dune nouvelle approche dénommée Jeunesse engagée pour l'Enfance que nous sommes en train d'expérimenter actuellement.

Elle a consisté à former des jeunes (que nous avons appelés Ambassadeurs du Développement) et à les motiver à apporter leurs savoirs et leurs savoir-faire aux populations rurales.

Faut-il le rappeler:

•le Burkina Faso a un taux d'analphabétisme de près de 81 %. Cela fait plus de 9 millions de personnes en marge du savoir et donc du développement.

•Le phénomène est plus accentué au niveau des femmes où plus de 90 % d'entre elles ne savent ni lire ni écrire.

•70 % des femmes au Burkina Faso ont été excisées.

•Le taux de mortalité infantile est de 110 décès pour 1000 naissances; c'est-à-dire que près de 80 000 enfants meurent chaque année avant lâge de 1 an.

•Moins de 50% de la population a accès aux soins de santé primaires et la distance moyenne pour joindre un poste de santé est de 10 km.


Ces chiffres nous ont interpellé et nous ont incité à nous engager à apporter le message du développement aux populations défavorisées.

Ces Ambassadeurs du Développement sont des élèves, des étudiants, des sans-emploi, des employés…qui acceptent de parrainer un ou plusieurs enfants dans un quartier ou un village donné.

Régulièrement, chaque jeune rend visite à la famille qu'il parraine, suit l'évolution de son filleul, apprend à lire et à écrire le français aux parents, leur rappelle en cas de besoin le calendrier vaccinal de l'enfant, les initie aux pratiques de base de prise en charge de la santé de l'enfant, il leur apporte surtout de nouvelles habitudes alimentaires et hygiéniques en tenant compte des besoins spécifiques de l'enfant…


Ce projet a permis d'informer plus de 1000 parents sur des notions essentielles du développement et les jeunes profitent des séances de causeries pour leur parler d'autres thèmes plus importants, comme la démocratie, l'exercice de la citoyenneté par les femmes, les droits de l'homme, la solidarité et l'intégration, la culture de la paix…

L'engagement de ces jeunes ambassadeurs est remarquable justement à trois niveaux:

1-D'abord le fait de PARTAGER LEUR TEMPS

2-Ensuite de PARTAGER LA LANGUE FRANCAISE

3-Enfin, avec elle, de PARTAGER LEURS SAVOIRS


CONCLUSION


Vous l'aurez compris comme moi, le défi majeur de notre temps est celui de la cohabitation dans un monde à la fois unique et divers.

La vocation des ONG ne doit pas être seulement de promouvoir des outils techniques, mais de faire en sorte de sortir collectivement de l'impuissance et de la fatalité, de mobiliser, au service de tous les hommes, les connaissances accumulées par l'humanité tout entière pour mieux faire face aux grands défis qui nous assaillent en ce début de millénaire.