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James THÉRIAULT

Directeur général de l'Association régionale de la Communauté francophone de Saint-Jean et du Centre scolaire-communautaire Samuel-de-Champlain


Portrait de vitalité linguistique et culturelle

Le cas de la communauté francophone de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick


Livrer un témoignage sur l'état de la langue et de la culture françaises dans un milieu majoritairement anglophone - et de surcroît étiqueté de bastion loyaliste - s'avère quelque peu un défi compte tenu des paramètres de temps que nous impose le programme d'un tel colloque. Pour fins d'efficience, je me limiterai donc à effectuer un survol des caractéristiques principales du concept des centres scolaires-communautaires et des éléments clés de l'approche qui est utilisée chez nous. Je conclurai avec certaines réalisations qui témoigneront, je l'espère, de la vitalité de la langue et de la culture françaises au sein de notre communauté.


Le concept des centres scolaires-communautaires est fondé sur la notion que chaque communauté possède les ressources nécessaires pour répondre à ses besoins individuels et collectifs. Il s'agit d'une orientation qui permet à la communauté de prendre en main son propre développement.

Ainsi les centres scolaires-communautaires reçoivent au moment de leur conception le mandat de travailler à la survie et au développement de leur communauté. Ils doivent entre autres choses contribuer à bâtir cette communauté, à promouvoir sa culture, à défendre sa langue et à découvrir son héritage.

Le centre scolaire-communautaire Samuel-de-Champlain fut inauguré en 1985 et l'Association régionale de la Communauté francophone de Saint-Jean - l'ARCf - était incorporée la même année. Notre communauté est constituée de quelque 15 000 personnes dans un bassin de quelque 125 000 habitants.

Pour vous donner un aperçu de l'état actuel de notre communauté, je citerai un extrait du rapport que je présentais lors de notre récente Assemblée générale annuelle de l'ARCf en mai dernier. De façon objective, lorsqu'on examine notre communauté d'hier à aujourd'hui, un constat s'impose nettement : notre communauté ne cesse de progresser. Et, bien que tous les acteurs communautaires soient indispensables, l'ARCf est pour beaucoup dans cet état de choses. En effet, encore une fois, lorsqu'on regarde les principales réalisations présentées au rapport annuel de cette année, nous pouvons affirmer que l'ARCf exerce bien son leadership communautaire. Notre situation communautaire a ainsi beaucoup évolué au cours des dernières décennies et par conséquent nous nous retrouvons plus forts dans notre identité culturelle tant au niveau collectif qu'individuel.

Et, que dire de notre sens d'appartenance! La toute récente enquête de l'ARCf, de janvier dernier, confirme que 82% des répondants sont fiers des réalisations de l'ARCf; 87% sont fiers de la communauté francophone de Saint-Jean et 79% des répondants sont à l'aise de s'afficher francophones. Je suis d'avis que la connaissance de notre histoire locale et nos réalisations des dernières décennies font en sorte qu'il est clair, non seulement pour nous mais pour nos concitoyens, que nous sommes partie prenante à cette région que constitue le Saint-Jean métropolitain.

Qu'est-ce qui nous permet donc comme communauté d'arriver à ces constats en 2001? Surtout lorsqu'on tient compte de la réalité d'il y a à peine trente ans, où la plupart de nos francophones n'osaient parler français à l'extérieur de leur foyer; lorsqu'on tient compte du fait que les premiers enseignements français dans la région ne se firent qu'en 1976; ou, encore, lorsqu'on tient compte du fait que jusqu'au milieu des années 80, notre communauté a été victime d'un sérieux problème de transfert linguistique.

La réponse est à la fois simple et complexe. Elle est simple en ce sens que notre communauté a démontré une réelle volonté de survie et une réelle prise en charge. Et elle est complexe car les luttes ont été longues pour la reconnaissance de certains droits et complexe parce que le développement communautaire ethnolinguistique en milieu minoritaire comporte plusieurs défis et doit conséquemment incorporer simultanément différentes initiatives.

Incontestablement, la construction du Centre scolaire-communautaire Samuel-de-Champlain est la pierre angulaire de notre survie et de notre épanouissement communautaire. Puisque l'on y retrouve un centre scolaire francophone, un centre communautaire avec des infrastructures telles une salle de théâtre de 500 places, une bibliothèque à la fois scolaire et publique pour ne nommer que celles-ci, ainsi que des services tels des garderies pré-scolaires et après-classes, un centre d'accès communautaire à l'internet, une vidéothèque, des salles multi-fonctionnelles, des installations sportives, etc., le centre a servi et sert toujours de point de ralliement. Le centre a donc contribué à nous rendre fiers individuellement et collectivement. Il a servi à conscientiser tous et chacun. Il a servi à nous motiver.

Toutefois, les efforts ne peuvent et ne doivent pas s'arrêter là - car il y a des pièges, telle la ghettoïsation, qui guettent la communauté qui se satisferait de ces réalisations-ci. Ainsi, dans un premier temps, pour entamer un réel développement et épanouissement communautaire, il nous faut comprendre et connaître notre communauté : ses comportements langagiers, son sens d'appartenance, la connaissance de son identité, ses besoins, ce qui la motive, etc. Il nous faut comprendre les enjeux et les défis. Il nous faut souvent éduquer au sens large du terme. Il nous faut entre autres innover. Il nous faut être stratèges. Et il nous faut surtout oser!

Car, chez nous, à titre d'exemple, l'exogamie est une réalité omniprésente. Ainsi un enfant fréquentant le centre scolaire francophone peut vivre de façon bilingue au sein de sa famille car l'un de ses parents est anglophone. Puisque le milieu est majoritairement anglophone, un couple homogène francophone peut vivre sa vie professionnelle en anglais car le milieu de travail est anglais; et, de surcroît, bien que de plus en plus présents, les services et les produits bilingues demeurent limités dans la région métropolitaine de Saint-Jean. Il faut donc reconnaître ces réalités et en tenir compte lors de la mise en œuvre de stratégies de développement communautaire.

Dans un deuxième temps, il nous faut aussi comprendre et connaître les théories et pratiques de l'aménagement linguistique pour le mettre en œuvre au niveau local; les concepts de la complétude institutionnelle afin d'assurer un développement durable et complet; les réels indicateurs de la vitalité d'une communauté en situation minoritaire; et, surtout, il nous faut établir un réel dialogue avec chacune des composantes de notre communauté, tels les jeunes par exemple, afin de mieux comprendre comment inculquer cette fierté de la langue et de la culture, afin de maximiser les chances que cette éclosion culturelle se produise.

Finalement, il faut par la suite pouvoir canaliser toutes ces énergies, ces ambitions et ces constats de façon efficace et efficiente. Pour ce faire, l'approche associative est le moyen tout désigné. Une association devient un outil puissant pour rassembler les gens autour d'une vision et d'une mission communes. Des membres, une assemblée générale annuelle, de la consultation, un Conseil d'administration, un modèle de gouvernance stratégique, une planification stratégique, voilà d'autres éléments qui ont été incorporés dans notre approche.


C'est ainsi que notre association en est arrivée à se donner récemment une nouvelle vision qui se veut à la fois ambitieuse et stimulante. En effet, l'Association régionale de la Communauté francophone de Saint-Jean s'engage à donner aux francophones du Saint-Jean métropolitain le meilleur milieu de vie du Nouveau-Brunswick. Concrètement, l'Association mettra en œuvre sa vision

- en nourrissant le développement communautaire;

- en veillant à l'actualisation de la francophonie;

- et en étant le catalyseur de l'harmonie culturelle.


Puisque le temps est limité et que ma présentation se veut aussi un témoignage de vitalité linguistique et culturelle, je vous présenterai maintenant, bien humblement, quelques-unes de nos réalisations :

- Cette année, nous sommes lauréats du prix Actifs et Fiers pour la région des provinces de l'Atlantique décerné par l'Association canadienne d'éducation de langue française - l'ACELF.

- En 2000, nous étions lauréats du même prix - cette fois au niveau national.

- En 2000, nous étions lauréats du Prix Racine décerné par le Conseil provincial des sociétés culturelles pour l'Initiative culturelle de l'année.

- L'édition 2001 du Festival de la Baie Française a attiré au-delà de 8000 visiteurs. Un succès sans précédent. De plus, pour la première fois, l'ensemble des activités se passait au centre-ville.

- Depuis la mise sur pied des rencontres hebdomadaires au centre-ville en 1993 - les 5 à 8 -, 226 spectacles-rencontres ont été présentés à quelque 4000 participants pour un total de 15 000 visites.

- Depuis 1988, le Programme culturel français a offert des spectacles à plus de 100 000 étudiants francophones et de l’immersion française.

- En 1998, l'ARCf ouvrait les portes de la première vidéothèque française à Saint-Jean. On y retrouve actuellement plus de 600 vidéocassettes et on y compte quelque 350 membres.

- En 1999, quelque 200 familles ont bénéficié du Service de garde français opéré par l'ARCf.

- L'ARCf de concert avec le Bureau de commerce a mis sur pied le Comité Avantage Saint John voué à la promotion des bienfaits économiques du bilinguisme.

- Lors de la production de l'édition 2000 du répertoire de services bilingues du Saint-Jean métropolitain, Le Bottin, nous avons été témoins d'une augmentation de plus de 100% des inscriptions, lesquelles se chiffrent à près de 500.

- En partenariat avec le centre scolaire, des parents et des étudiants, l'ARCf mettait sur pied le Comité du Franc-parler - comité qui vise à inculquer la fierté de la langue et de la culture françaises aux jeunes.

- À l'hiver 2001, plus de 18 000 livres français ont été lus par des étudiants et des adultes dans le cadre d'un défi communautaire intitulé Le tour du monde en lecture.

- Nous sommes témoins d'une croissance de 150% des effectifs scolaires durant les premières 14 années d'opération du centre scolaire.

- Cette année, après avoir remporté la première place à la dictée Paul Gérin-Lajoie au niveau provincial, une étudiante du centre scolaire Samuel-de-Champlain remportait la médaille de bronze au niveau international en se classant en troisième place.

- On entend maintenant parler français constamment dans les lieux publics.

- Les élus municipaux et fonctionnaires parlent volontiers de la valeur ajoutée de notre présence au Saint-Jean métropolitain.


Voilà, à mon avis, des réalisations qui nous permettent de parler de vitalité linguistique et culturelle au sein de notre communauté. Bien entendu, malgré certains succès, tout ne baigne pas dans l'huile pour autant, des défis subsistent toujours et ceux-ci sont bel et bien réels et complexes. Je peux toutefois vous assurer que nous continuons à nous positionner pour pouvoir les relever.


En terminant, comme je m'étais engagé à respecter le temps qui m'était alloué et que je n'ai pu partager avec vous toute l'information pertinente, vous me permettrez de vous passer un petit message d'intérêt public qui touche l'une de nos récentes réalisations. Nous venons de publier un ouvrage dont nous sommes particulièrement fiers, co-produit par Messieurs Greg Allain et Maurice Basque respectivement sociologue et historien, tous deux de l'Université de Moncton. Le livre s'intitule De la Survivance à l'effervescence : Portrait historique et sociologique de la communauté acadienne et francophone de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, un titre assez évocateur, vous en conviendrez, de notre vitalité linguistique et culturelle!

Pour ceux et celles qui veulent en connaître davantage sur notre communauté, voici une belle occasion. Je serai heureux de vous fournir les détails pour le commander.