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Témoignage de Luc LAINÉ

Président de Orihwwa inc., Affaires publiques, gestion et développement autochtone, Wendake (Québec)


Les Hurons-Wendat et la langue française


Membre de la nation huronne-wendat, une des premières nations du Canada, je demeure à Wendake. Pour vous aider à localiser Wendake, je vous dirais comme les plus âgés chez moi le disent : la ville de Québec est dans la banlieue de Wendake. (Rires) Cela ne fera certainement pas plaisir à la grande ville qu'on est en train de bâtir à Québec... mais Wendake est tout près de la ville de Québec et nous y sommes depuis les trois cents dernières années. Le témoignage que je voudrais vous offrir cet après-midi est un peu comme la région de Québec, il est un peu montagneux. J'espère que vous allez me suivre. D'abord, voici un peu d'histoire: la nation huronne-wendat était, au seizième et à une bonne partie du dix-septième siècle, l'une des puissances au sein des premières nations ici, dans la partie Est de l'Île-de-la-Tortue, comme on l'appelait à l'époque. Aujourd'hui on l'appelle le Canada. Et la langue huronne-wendat était considérée comme la lingua franca. Elle était utilisée dans les relations commerciales, dans les relations diplomatiques et dans les relations militaires pendant une longue période du seizième jusqu'au milieu du dix-septième siècle. Dans notre langue, plusieurs alliances militaires et commerciales ont été signées avec la couronne française notamment avec le Sieur de Champlain. Lorsque je vous écoutais parler, je me reportais à des souvenirs de notre histoire.

Malheureusement, c'est une histoire assez tragique, celle des Hurons-Wendat. Dès le milieu du dix-septième siècle, en raison de maladies importées du continent européen, de guerres et aussi de conflits religieux, la nation huronne-wendat, en l'espace d'à peine deux décennies, est passée de plus de vingt mille citoyens à quelques milliers. Et, en 1650, les Hurons ont été forcés d'abandonner leur terre ancestrale qui se situait, pour ceux qui s'y connaissent un peu en géographie canadienne, le long de la Baie géorgienne, en Ontario aujourd'hui. Un groupe de Hurons s'est dirigé, en 1650, vers la ville de Québec, et un autre vers les Grands Lacs. Aujourd'hui on retrouve ces derniers en Oklahoma aux États-Unis, mais, pour le groupe qui est allé vers Québec, ce trajet a marqué graduellement mais définitivement la perte de la langue huronne-wendat. Le français est devenu la langue courante. Les Hurons ont été forcés d'adopter le français comme langue des affaires et comme langue parlée quotidiennement en tout; mais la langue française nous a quand même permis d'évoluer dans notre milieu, à Wendake, de préserver notre statut de nation et également de continuer à évoluer comme une société distincte, si on peut dire. Aujourd'hui on s'exprime toujours en français. On est entre deux mille sept cents à deux mille huit cents Hurons et la langue parlée est le français.

Ce qui est intéressant, c'est que l'histoire des Hurons n'est pas unique. L'ensemble des premières nations, au Canada, a été obligé d'adopter une langue seconde, soit le français soit l'anglais. Certaines premières nations ont malheureusement suivi le même chemin que nous, et ont perdu leur langue maternelle. Pour d'autres, le français est une langue seconde. Et, aujourd'hui, au Canada, et c'est un peu le témoignage que je voulais vous livrer en conclusion : nous avons des organisations nationales, des organisations autochtones nationales dont l'une des plus puissantes est certainement l'Assemblée des premières nations du Canada, qui regroupe plus de six cent trente premières nations. Et parmi ces six cent trente premières nations, environ une trentaine qui parlent le français. Depuis la création de l'Assemblée des premières nations, à peu près toutes les discussions se faisaient exclusivement en anglais. Les premières nations de langue française ont décidé de se regrouper et de faire des pressions auprès du leadership, des autorités de l'Assemblée des premières nations, pour que le français soit reconnu officiellement à l'Assemblée lors des rencontres. Et c'est une belle victoire pour les premières nations francophones et aussi pour la langue française, parce que finalement, après plusieurs tentatives, il a été finalement décidé que, dorénavant, toutes les rencontres de l'Assemblée des premières nations se dérouleraient autant en français qu’en anglais, et pour ce faire, qu'il y aurait deux coprésidents : un francophone et un anglophone. Personnellement, j'ai eu le privilège, depuis les trois ou quatre dernières années, d'être le coprésident francophone des réunions de l'Assemblée des premières nations.

Donc, pour les Hurons et pour d'autres premières nations d'expression française, c'est une véritable réussite. On doit se servir du français, on l'utilise de notre mieux et on essaie de se faire reconnaître autant que faire se peut auprès de toutes les instances autochtones du pays. Encore une fois, je pense que c'est une belle reconnaissance de la langue française et également pour les premières nations d'expression française de la part de l'Assemblée des premières nations du Canada. Merci beaucoup.