Biennale de la Langue Française

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Dominique SOUDAIS


Directeur du marketing Larousse, Paris



Le Petit Larousse, un outil papier et multimédia



L’objet de mon propos est de vous délivrer à la fois une expérience et une intuition sur le devenir du papier face au développement de l’édition électronique.

Chez Larousse, les supports électroniques nous sont familiers pour deux raisons : la première est que nous éditons depuis plus de cinq ans des dictionnaires électroniques, tant cédéroms que disquettes ou machines types calculettes ; la deuxième raison, plus importante, est que nos bases sont informatisées depuis longtemps et que, avant d’être imprimés sur du papier, nos dictionnaires sont d’abord et avant tout des données numériques. Nos éditeurs travaillent sur clavier et la mise à jour de nos données est informatisée. Aussi ai-je souvent l’habitude de dire que notre métier est de produire des bases ordonnées, c’est-à-dire accessibles et informatives, plus que d’imprimer des dictionnaires, ce que d’ailleurs nous faisons faire à l’extérieur.

Ce préambule pour dire que l’électronique est pour nous d’abord et avant tout un moyen, et ce depuis longtemps.
Mais le message que je souhaiterais faire passer, c’est que le dictionnaire papier, au fond, est un multimédia, et que la familiarisation avec le multimédia, dans l’apprentissage de l’enfant, passe naturellement aussi par la maîtrise de l’outil papier.

L’outil multimédia. Le Petit Larousse, que je vais prendre en exemple pour la démonstration, associe, sur le même support papier, du texte et de l’image. Le texte est traité en noir, sous forme de tableaux, de listes chronologiques, etc. L’image est un dessin, un schéma, un écorché, une photo – parfois du géosatellite SPOT –, la reproduction d’une œuvre d’art, un graphique, etc. On voit que, même si tous ces supports sont statiques, ils sont variés et font appel à des technologies très différentes ; on pallie même l’absence de cinétisme par des schémas « en mouvement » comme celui du mouvement de la terre ou des pièces du jeu d’échec par exemple.

À ce titre, le Petit Larousse est donc bien un multimédia puisqu’il associe plusieurs types de médias, d’outils.
Hypertexte et hyper-liens. Dans le même ordre d’idées, le rangement des articles est alphabétique, comme l’ascenseur d’un cédérom, et le texte est 100% hypertexte puisque nous avons veillé à ce que tous les mots utilisés dans les définitions soient par ailleurs l’objet d’une entrée qui les définit. D’ailleurs la vérification de ce que je viens d’énoncer est rendue possible par une fonction électronique !

La mise en page facilite le repérage, par exemple, des dates clés d’une chronologie en gras pour le règne de Louis XIV ou pour la seconde guerre mondiale. Notre texte est ainsi rempli d’hyperliens à la fois texte-image, bien sûr, mais aussi texte-texte par le principe des renvois.

Navigation. Mais surtout, ces deux fonctions d’hypertexte et d’hyperliens encouragent le lecteur à la « navigation » en sautant d’un article à l’autre par des liens logiques. Par exemple, passer de l’article nom commun lolita, où l’on évoque Nabokov et l’on utilise le beau mot de nymphette..., à ce même mot nymphette défini comme « une très jeune fille au physique attrayant et aux manières aguichantes ».

Et puis, encore plus important, la navigation se fait de manière aléatoire grâce au désordre alphabétique qui fait que, parti pour vérifier le sens de damassine – cette prune dont on fait de la liqueur dans le canton du Jura suisse –, on se surprend à découvrir le sens d’une dame – d’onze heures – plante dont les fleurs ne s’ouvrent qu’en fin de matinée, et non pas en soirée comme pourraient le penser les esprits pervers –, et à contempler le visuel, à l’article danse, d’une troupe de jeunes gens dansant la sardane, dont on rappelle l’origine remontant au XVIe siècle.

Avouez que nous n’avions pas attendu le règne de l’électronique pour savourer, allongé sur le ventre, la magie de cette chasse au trésor des connaissances. Sans le savoir, à l’instar de Monsieur Jourdain, nous « naviguions » avant l’heure.

Interdisciplinarité. De la même façon, l’interdisciplinarité, « furieusement tendance », comme dirait Yolaine de La Bigne sur France-info, est à la source même de la consultation du Petit Larousse qui, contrairement à son prestigieux rival du Robert, n’a pas une approche exhaustive de la langue, mais apporte, quant à lui, les connaissances encyclopédiques de base associées au mot. Ainsi, quand le Petit Robert cite Apollinaire à l’entrée pont, le Petit Larousse propose quant à lui un schéma expliquant les différences entre six types de ponts parmi lesquels le pont suspendu, le pont à haubans ou le pont en béton précontraint.

Réalisée à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, à Paris, une récente étude sur les pratiques de consultation des ouvrages montre qu’une grande majorité des lecteurs recherche tout sur un sujet vague, généraliste, du type « révolution française » ou « Japon », et que la recherche pointue, du type « poètes espagnols du XVIIe siècle ayant eu comme sujet d’inspiration la mer », est assez rare. La conséquence est que la consultation d’ouvrages généralistes est le plus souvent suffisante, et que le plus extraordinaire de la recherche multi-critères qu’offre le multimédia reste assez pointu.

Découverte. Enfin le support papier est le plus adapté à une utilisation particulière, et très précieuse à mes yeux : la découverte. Plaisir de feuilleter au hasard, de manipuler, d’apprendre, d’être surpris. Dans un cédérom, on ne trouve guère que ce qu’on cherche, alors qu’à l’occasion d’une recherche dans le dictionnaire l’œil peut être arrêté à chaque double page par plusieurs images et des dizaines d’entrées. Nous devons, au moins dans ce domaine, inciter les apprenants au vagabondage. C’est là qu’ils acquerront le plaisir du livre et de la lecture, qu’ils nourriront leur curiosité, qu’ils apprendront qu’on peut prendre plaisir à se perdre dans le dictionnaire.

Je crois donc, et c’est mon deuxième point, que la maîtrise de l’outil papier est un excellent pré-apprentissage au multimédia en familiarisant l’enfant à l’ordre alphabétique, à la navigation, et surtout à une méthodologie d’accès et à une organisation de sa recherche.



Conclusion

En conclusion, je voudrais réaffirmer combien mon propos n’est pas d’opposer papier et édition électronique – encore une fois, notre métier chez Larousse, c’est d’éditer des ouvrages de connaissance sur tous les supports. Ce que je veux dire, c’est que le papier a de vrais atouts, qu’il ne faut pas céder à un effet de mode qui créerait une obsolescence du texte par rapport à l’image, et que, surtout, une bonne familiarisation avec un dictionnaire – que rien ne remplacera avant longtemps pour vérifier rapidement une connaissance ou une orthographe – est un excellent moyen de se pré-familiariser à l’électronique.

Une étude réalisée il y a quelques mois à peine sur plus de 2000 jeunes de 15 à 19 ans montrait que, selon eux, le meilleur moyen de transmission des connaissances était aujourd’hui, dans l’ordre décroissant : le livre (61 %), la télévision (50 %), les journaux (33 %), et déjà 20 % pour le cédérom et 7 % pour Internet. Mais cet ordre s’inverse pour la réponse à la question « pour demain » avec dans l’ordre : cédérom (69 %), Internet (61 %), le livre (21 %), la télévision (16 %), les journaux (9 %).
C’est contre ce fantasme collectif de substitution, entretenu par les médias, qu’il faut se battre, et non contre les supports électroniques en tant que tels.

C’est enfin parce que l’exclusion par le savoir est, elle aussi, une exclusion féroce que tous les outils qui rendent accessibles les connaissances et la maîtrise de la langue française au plus grand nombre sont indispensables et doivent être au cœur de nos préoccupations. Et à ceux qui considèrent l’orthographe défendue par les dictionnaires comme ringarde, je rappelle que l’ordinateur, quand on tape son mot de passe, ne tolère pas la moindre erreur « d’orthographe » !

Cessons d’opposer le papier au multimédia ! Chaque outil a ses avantages propres, et la meilleure façon de s’initier au multimédia, c’est bien de maîtriser la manipulation d’un dictionnaire.
Le nouveau Petit Larousse 1998 est rempli de visuels, encourage la navigation avec ses multiples renvois, et surtout incite à la découverte, au vagabondage culturel au hasard des pages, des mots, des images.

Arrêtons de croire à la substitution de l’électronique au papier, et formons nos enfants à manipuler le multimédia... dont le papier est l’un des acteurs !

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XVIIe Biennale

SOMMAIRE DES ACTES DE LA XVIIe BIENNALE


SOMMAIRE

XVIIe Biennale de la langue française Neuchâtel 1997

Multimédia et enseignement du français

Sommaire

Préface de Roland ELUERD



SÉANCE SOLENNELLE D'OUVERTURE

Allocution d'Alain GUILLERMOU

Allocution de Jean-Jacques DE DARDEL

Allocution de Jean GUINAND

Allocution de Denis MIÉVILLE

Message de Sheila COPPS

Message de Hubert VÉDRINE

Message de Stélio FARANDJIS

Message de Xavier DENIAU

Message de Bernard QUÉMADA

Message de Federico MAYOR



I PANORAMA DU MULTIMÉDIA D'ENSEIGNEMENT

Jeanne OGÉE

Jean-Claude GUÉDON

Jean-Alain HERNANDEZ

Adrian MIHALACHE

Micheline SOMMANT

François DELAUNAY

Dominique SOUDAIS

Francis PIOT

Etienne BOURGNON et Alain VUILLEMIN



II. DONNÉES TECHNIQUES, USAGES PÉDAGOGIQUES ET DOCUMENTAIRES

Dominique LAMICHE

Frédérique PÉAUD

André OBADIA

Jean-Paul BUFFELAN-LANORE

Marie-Josée HAMEL et Eric WERHLI

Alain VUILLEMIN

Bernard EMONT


III. ESPACES FRANCOPHONES DU MULTIMÉDIA

Christian ROUSSEAU et Jocelyn NADEAU

Mariana PERISANU

Mioara TODOSIN

Marius DAKPOGAN

Théodore KONSEIGA

Kouaho Elie LIAZÉRÉ

Jean SOUILLAT

Marc MOINGEON

Bernard PÉCRIAUX



IV. IMPLICATIONS CULTURELLES DU MULTIMÉDIA

Jean BUREL

Mohamed TAÏFI

Rabah CHIBANE

Roland DELRONCHE

Claire-Anne MAGNÈS

Gabriela MARCU et Mariana MUNTHIU

Albert DOPPAGNE

Charles MULLER

Petre RAILEANU



V. TV5 ET L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

Arlette NIÉDOBA

Michel PERRIN

Danièle TORCK

Janry VARNEL

Valérie JATON

Jean SAVARD



TABLE RONDE «TV5, la télévision mondiale en français.La langue de l’autre»

animée par Marlène Bélilos avec Roger Francillon, Hugo Lœtscher, Charles Méla et Gilbert Musy


LA SUISSE ET LA FRANCOPHONIE

Jean-Jacques DE DARDEL

Claire LUCQUES

Jean-Marie VODOZ

Urs TSCHOPP



TABLE RONDE «La Suisse et la francophonie»

animée par Catherine Pont-Humbert avec Freddy BUACHE, Jacques CHEVRIER, Charles JORIS et Jacques SCHERRER


SÉANCE DE CLÔTURE

Vœux de la XVIIe Biennale

Discours de clôture d' Alain GUILLERMOU

Discours de clôture de Roland ELUERD

Échos de la XVIIe Biennale

Liste des participants



A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93