Biennale de la Langue Française

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Petre RAILEANU


Écrivain, journaliste, chercheur à l’Université de Paris III


Informatique et littérature.
Les avant-gardes littéraires et artistiques en Europe sur cédérom



Les nouveaux moyens multimédias nous facilitent une “traversée du miroir”, à l’instar d’Alice au pays des merveilles. Traversée symbolique, mais aussi effective. L’imagination est non seulement stimulée, mais aussi servie. Et c’est peut-être là le danger que ces médias représentent : un danger de manipulation ou, tout court, le danger de tout système qui fournit du “prêt à porter” dans le domaine qui devrait être, par excellence, celui de la pensée et de l’imagination. Pour cette raison, les moyens multimédias doivent être considérés, à mon avis, sur deux versants : le versant positif, enrichissant, stimulant, etc. et, le deuxième, symétrique, appauvrissant, qui induit un certain confort dans la pensée, pour ne pas dire paresse.



Les moyens dont nous parlons sont apparentés aux jeux et à la logique du jeu ; ils entraînent donc un certain nombre d’aptitudes : la volonté, l’attention, la concentration, la rapidité, etc. et le désir d’aller plus loin. Mais l’utilisateur n’est pas pour autant un joueur – il n’aura pas le profil d’un joueur – parce que le principe d’agon (compétition) est éliminé ; ou, s’il y a compétition, celle-là n’est pas perçue comme compétition avec soi-même, mais avec la machine. S’il veut gagner, il le peut même en trichant, sans que le sens moral ait à souffrir. Les utilisateurs, s’ils ne sont pas des personnalités d’ores et déjà accomplies, sont de futurs conquérants dépourvus de sens moral. Le paradis soft du virtuel, c’est la jungle du réel. Comment concilier les deux ?

Les moyens multimédias ont soulevé, dès l’apparition, des craintes multiples, parmi lesquelles la perspective menaçante de la disparition du livre. Pour l’instant, force est de constater que le livre se porte plutôt bien et les rapports avec les multimédias sont, je dirais, de complémentarité.

J’ai conçu un projet de cédérom consacré aux avant-gardes littéraires et artistiques en Europe à partir d’un livre ou, plus précisément, d’un numéro spécial de revue publié en français aux Éditions de la Fondation culturelle roumaine. C’est juste pendant mon travail à ce projet que je me suis rendu compte non seulement de la compatibilité du sujet avec le support choisi mais, plus que cela, de l’avantage que le cédérom représente pour mon sujet. Parce que, de par sa structure arborescente, le cédérom est le moyen le plus adapté à représenter le synchronisme européen du mouvement d’avant-garde. Il en va même de l’inextricable maillage texte-image qu’est le corpus d’avant-garde.



Prenons quelques exemples :

L’apparition et l’épanouissement des avant-gardes en Europe ne relève pas de l’imitation, mais d’une sorte de contagion spontanée. Avant la venue au monde du surréalisme, qui est un phénomène français, il y a sur le continent plusieurs centres de rayonnement des avant-gardes :

    – Paris, avec Alfred Jarry, Apollinaire, les Impressionnistes, les Fauves, etc. ;

    – Paris, encore, où Marinetti lançait son Manifeste futuriste ;

    – mais aussi Craiova, en Roumanie, où le même Manifeste de Marinetti était publié, en roumain, dans le journal local, le même jour, à savoir le 20 février 1909, que dans Le Figaro ;

    – Dresde, en Allemagne, avec le groupe Die Brücke et sa première exposition en 1906 ;

    – Moscou, avec le rayonnisme de Michaïl Larionov, en 1913 ;

    – Bucarest, de nouveau en Roumanie, avec Tristan Tzara, Ion Vinea, Marcel Iancu/Janco réunis en 1912 autour de la revue Simbolul/Le symbole et avec Urmuz, l’un des pionniers de l’absurde, et dont les écrits ont été révélés dans les années 20 ;

    – Londres, et le vorticisme d’Ezra Pound et Wyndham Lewis, 1914 ;

    – Saint-Pétersbourg, à nouveau en Russie, et le suprématisme de Kasimir Malevic, 1915 ;

    – Zürich, en Suisse, le Cabaret Voltaire et DADA, 1916, avec Hugo Ball, Richard Huelsenbeck, Marcel Iancu/Janco et Tristan Tzara.

À l’époque des avant-gardes, l’Europe vivait à l’heure de ses capitales.
Comment saisir cette géographie effervescente ? Comment faire pour rendre compte de l’étendue de la mouvance et de sa richesse, et comment mettre en valeur la part d’originalité apportée par tous les mouvements recensés ? Et tout cela en évitant de transposer tout simplement le livre sur le nouveau support, parce que le pari, c’était de tenir compte des possibilités spécifiques offertes par les moyens multimédias. Sans être sûr d’avoir trouvé la bonne solution à toutes les questions susmentionnées, j’ai choisi d’organiser le matériel selon plusieurs principes, autant de modules ouvrant chacun d’autres possibilités de navigation.

Ainsi l’utilisateur du cédérom trouvera un certain nombre de mots-clés qui lui permettront de voguer au gré de son intérêt :

    Introduction – ismes – pays – acteurs – lexique – manifestes – chronologie – bibliographie.



Que je m’explique :

L’introduction en la matière. Plusieurs pages de considérations préliminaires sur l’atmosphère culturelle, historique, idéologique dans laquelle prennent corps et se développent les mouvements qui font l’objet du cédérom.

Les ismes sont consacrés à la présentation des groupes et courants. Si tout le monde ou presque a entendu parler de dadaïsme, futurisme, surréalisme, constructivisme, d’autres sont peu ou ne sont pas du tout connus. C’est le cas du groupe unu en Roumanie, du zenitisme à Belgrade, du poétisme à Prague, du rayonnisme ou du suprématisme en Russie. Seront présentés : les doctrines, les membres, le parcours chronologique, thématique et problématique de chaque groupe et courant.

Le mot-clé pays ouvre la possibilité de recherche de différents mouvements d’avant-garde et de leurs manifestations spécifiques dans différents pays. Les pays concernés sont l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne, la France, la Suisse, la Yougoslavie, l’Autriche-Hongrie avant 1918, l’Italie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Tchécoslovaquie et les États-Unis pour quelques prolongements européens.

Acteurs. Sont recensés à peu près une centaine de personnalités : écrivains, peintres, photographes (Man Ray), musiciens (Éric Satie, etc.). Présentation de leurs œuvres et rôles respectifs. Possibilité d’illustration :

    – visuelle, pour les peintres et les sculpteurs. Pour chacun, photo ou portrait fait par les peintres amis ;

    – sonore, pour le domaine musical ; et les voix des écrivains là où il y a la possibilité ;

    – vidéo, là où c’est possible et nécessaire.

Cette multiplication des langages sur un même support, à savoir le cédérom, nous permet non seulement de connaître les acteurs, mais, pour ainsi dire, de les mettre en scène, dans leur contexte historique et culturel.

Lexique (thèmes, obsessions, procédés). Sont recensés 50 à 100 termes ou syntagmes dont la définition, l’explication et l’illustration faciliteront l’approfondissement de la matière. Seront ainsi mis en texte et en image : l’amour fou et le cadavre exquis des surréalistes ; les cubomanies de Gherasim Luca, le frottage de Max Ernst ou le fumage de W. Paalen ; les jeux des surréalistes et leur nouveau tarot ou jeu de Marseille ; les mancies indéchiffrables des surréalistes roumains et les mots en liberté des futuristes italiens ; la pictopoésie de Victor Brauner et Ilarie Voronca, la paranoïa critique de Dali ou le ready made de Marcel Duchamp, etc.

Manifestes (programmes, programmations). Une anthologie des principaux textes programmatiques. Une caractéristique des avant-gardes, c’est que le discours et le métadiscours se trouvent souvent dans un même texte. Proclamations, déclarations d’intentions, professions de foi, programmes théoriques constituent un chapitre essentiel des avant-gardes. C’est la première fois dans le vingtième siècle que les stratégies de communication commencent à jouer un rôle très important. Les avant-gardes ont introduit et pratiqué le slogan publicitaire et le style de la propagande idéologique.

Chronologie XXe siècle. Elle comprend un tableau des principaux événements qui ont marqué le siècle. Et qui, en cette fin de siècle et de millénaire, devient extrêmement significative. Rappelons-nous seulement que le vingtième siècle s’ouvre avec l’Exposition universelle de Paris et par la publication, à Vienne, de l’ouvrage L’interprétation des rêves, par Freud.



Une bibliographie est aussi prévue.

D’autres possibilités sont encore prévues qui vont dans le sens de l’interactivité. Mais, comme il s’agit d’un projet, je me garde de tout dire.

L’habitant de la nouvelle Galaxie Multimédia, qui est l’utilisateur du cédérom et autre Internet, change sensiblement de statut par rapport au fidèle du système Gutenberg. Il garde sa qualité et sa fonction de lecteur, comme l’autre, mais il tire un peu plus de plaisir, parce que ce qu’il fait relève aussi du jeu. En naviguant, en choisissant, il construit en quelque sorte lui-même, avec la matière qu’on lui propose, un nouvel édifice qui est donc sa propre création. L’utilisateur du cédérom est à la fois lecteur, spectateur, joueur et, ce qui est nouveau, démiurge.

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XVIIe Biennale

SOMMAIRE DES ACTES DE LA XVIIe BIENNALE


SOMMAIRE

XVIIe Biennale de la langue française Neuchâtel 1997

Multimédia et enseignement du français

Sommaire

Préface de Roland ELUERD



SÉANCE SOLENNELLE D'OUVERTURE

Allocution d'Alain GUILLERMOU

Allocution de Jean-Jacques DE DARDEL

Allocution de Jean GUINAND

Allocution de Denis MIÉVILLE

Message de Sheila COPPS

Message de Hubert VÉDRINE

Message de Stélio FARANDJIS

Message de Xavier DENIAU

Message de Bernard QUÉMADA

Message de Federico MAYOR



I PANORAMA DU MULTIMÉDIA D'ENSEIGNEMENT

Jeanne OGÉE

Jean-Claude GUÉDON

Jean-Alain HERNANDEZ

Adrian MIHALACHE

Micheline SOMMANT

François DELAUNAY

Dominique SOUDAIS

Francis PIOT

Etienne BOURGNON et Alain VUILLEMIN



II. DONNÉES TECHNIQUES, USAGES PÉDAGOGIQUES ET DOCUMENTAIRES

Dominique LAMICHE

Frédérique PÉAUD

André OBADIA

Jean-Paul BUFFELAN-LANORE

Marie-Josée HAMEL et Eric WERHLI

Alain VUILLEMIN

Bernard EMONT


III. ESPACES FRANCOPHONES DU MULTIMÉDIA

Christian ROUSSEAU et Jocelyn NADEAU

Mariana PERISANU

Mioara TODOSIN

Marius DAKPOGAN

Théodore KONSEIGA

Kouaho Elie LIAZÉRÉ

Jean SOUILLAT

Marc MOINGEON

Bernard PÉCRIAUX



IV. IMPLICATIONS CULTURELLES DU MULTIMÉDIA

Jean BUREL

Mohamed TAÏFI

Rabah CHIBANE

Roland DELRONCHE

Claire-Anne MAGNÈS

Gabriela MARCU et Mariana MUNTHIU

Albert DOPPAGNE

Charles MULLER

Petre RAILEANU



V. TV5 ET L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

Arlette NIÉDOBA

Michel PERRIN

Danièle TORCK

Janry VARNEL

Valérie JATON

Jean SAVARD



TABLE RONDE «TV5, la télévision mondiale en français.La langue de l’autre»

animée par Marlène Bélilos avec Roger Francillon, Hugo Lœtscher, Charles Méla et Gilbert Musy


LA SUISSE ET LA FRANCOPHONIE

Jean-Jacques DE DARDEL

Claire LUCQUES

Jean-Marie VODOZ

Urs TSCHOPP



TABLE RONDE «La Suisse et la francophonie»

animée par Catherine Pont-Humbert avec Freddy BUACHE, Jacques CHEVRIER, Charles JORIS et Jacques SCHERRER


SÉANCE DE CLÔTURE

Vœux de la XVIIe Biennale

Discours de clôture d' Alain GUILLERMOU

Discours de clôture de Roland ELUERD

Échos de la XVIIe Biennale

Liste des participants



A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93