Imprimer

Janry VARNEL


Producteur responsable Émissions Jeunesse
Télévision suisse romande


Bus et Compagnie



Bus et Compagnie est une émission de divertissement pur. Peut-être que cela paraîtra un peu éloigné des travaux de cette assemblée. Mais souvent les émissions pour enfants ont des vertus éducatives. Certes il est bien clair que l’enfant qui regarde la télévision ne le fait pas pour retourner à l’école mais, dans le divertissement, on peut faire passer des éléments éducatifs.

Bus et Compagnie, c’est d’abord un concept d’habillage. La plupart des chaînes ont les mêmes émissions pour enfants, d’autant plus que beaucoup de pays ne peuvent pas produire leurs propres émissions pour des raisons économiques. L’habillage est donc quelque chose d’important. Depuis le début de cette année, l’habillage est commun pour la Télévision suisse romande et pour TV5 avec un décalage de quatre mois.

Cet habillage, quel est-il ? Il s’appelle Bus et Compagnie. C’est ce qu’on appelle en termes de télévision une sitcom (situation de communication) : une petite histoire tournée avec des moyens restreints sur un lieu unique de tournage. Là c’est une grange, et, à l’intérieur de cette grange, il y a un bus que des jeunes ont aménagé. Ils s’y retrouvent tous les soirs, après l’école, après l’apprentissage, après le travail, pour vivre des aventures comme en vivent tous les jeunes, découvrir leurs premières amours, parler de leurs problèmes de travail, de chômage, d’orientation professionnelle et aussi pour s’amuser, pour bricoler.

Ils reçoivent parfois des invités. Parmi ces invités, certains sont plus petits. Ces jeunes paraissent 16 à 18 ans (pour des raisons professionnelles ce sont des comédiens d’environ 20 ans), et recevoir les petits qui habitent dans les environs du bus permet de faire passer des messages divers. Il y a aussi un vieux monsieur, le professeur Sémaphore, qui est un enseignant à la retraite et qui peut répondre à de nombreuses questions.

L’émission est faite de trois séquences de deux minutes. Au total six minutes tournées en une demi-journée, ce qui fait douze minutes par jour de production. C’est énorme en termes de télévision et de fiction quand on sait que dans un long métrage, par exemple, on tourne deux à trois minutes par jour.

Voilà pour l’habillage des émissions qui passent sur la Télévision suisse romande et sur TV5. Par contre, le contenu est un peu différent selon les chaînes pour des raisons économiques. Acheter les droits mondiaux, c’est difficile, les négociations sont assez compliquées. Nous nous efforçons de passer des produits de réalisation exclusivement francophone mais ce n’est pas toujours possible. Pourtant, on a pu passer les Contes du chat perché, les Histoires du Père Castor, produits typiquement francophones, qui ont déjà été diffusés sur d’autres chaînes, parce qu’il est impossible d’avoir une exclusivité.

Les autres éléments sont les « apports des membres », comme nous les appelons. Pour l’instant, ils proviennent de la Télévision suisse romande. Ce sont de petites séquences de deux à trois minutes, mises ensemble pour faire une petite histoire.

Il y a les Babibouchettes, un « must » des enfants depuis une douzaine d’années. Ce sont de petites chaussettes qui s’adressent aux 3 à 7 ans, qui se promènent dans le vaste monde, aussi bien dans un monde poétique et irréel que dans une réalité concrète comme l’hôpital, les chemins de fer, le conservatoire, etc. Ces marionnettes – une main dans une chaussette avec deux boules de ping-pong pour faire les yeux –, permettent aux enfants de découvrir un certain nombre de choses.

Autre produit du même genre, Capitaine Fox. C’est une émission qui a fait les beaux jours de la TSR pendant cinq ans tous les samedis et dimanches matin. Trois personnages vivent sur une île, voyagent et se penchent chaque fois sur un sujet. On peut découvrir un peintre, Picasso par exemple, un pays, se demander pourquoi le ciel est bleu, etc. Et puis il y a d’autres productions, je ne peux pas toutes les énumérer, qui constituent la matière principale sur TV5 de Bus et Compagnie. L’émission est diffusée tous les jours, à des heures où les enfants peuvent la regarder, cela en fonction des fuseaux horaires, et avec une reprise les samedis et dimanches sur certains satellites.

Une dernière séquence intervient, tous les jours, de une à deux minutes. Pour moi la plus importante. C’est une séquence interactive qui est faite vraiment pour TV5. On échange du courrier à travers les concours. Par exemple cette année, grâce au Salon du livre, on a recueilli les adresses d’environ 2500 petits Suisses qui avaient envie d’avoir un correspondant dans le monde, et grâce à TV5 on a pu mettre en face de chaque nom celui d’un petit Africain, d’un petit Asiatique. Comme Bus et Compagnie, en Suisse, est lié à un journal, on peut s’y abonner, même si on habite dans une autre région du monde, pour renforcer les liens créés.

Et puis, tout le temps, c’est très important, il y a un concours. Cette année, il s’appelait Bus 2000. On demandait aux enfants de nous envoyer un dessin sur la manière dont ils imaginaient le troisième millénaire. Je vous jure qu’en ouvrant certaines des 4000 enveloppes reçues nous avons eu parfois de très fortes émotions. Un petit Africain de onze ans a dessiné des visages d’enfants du monde entier, tous en train de pleurer, et qui disaient : « Au troisième millénaire, c’est l’Amérique qui dominera le monde et il y aura plus d’Afrique ! »

L’essentiel de notre courrier vient d’Afrique : Madagascar, le Niger, le Togo, le Congo, toute l’Afrique noire. Ensuite le Maroc et la Tunisie. Puis vient l’Europe du Nord avec la Suède, la Finlande, la Norvège. Beaucoup de courrier de l’Europe de l’Est. Par contre peu de courrier d’Asie et d’Amérique du Sud.

Nous sommes sur Internet, là aussi avec un immense retard sur nos amis québécois. Notre site n’est pas encore très bien tenu à jour, ni très séduisant.

La langue française dans tout cela ? Je dirai que nous sommes parfois obligés de rappeler un peu à l’ordre les jeunes comédiens, parce qu’ils parlent le langage qui est le leur, très branché, avec beaucoup d’anglicismes. Mais, en Suisse, nous sommes sûrement moins attentifs donc moins sévères que les Québécois.

Une petite anecdote pour conclure. J’étais dans mon bureau l’année dernière. On me dit : Il y a deux petits enfants à l’entrée qui veulent voir Albert Le Vert. Albert Le Vert c’est une des chaussettes qui parlent. Je descends, je trouve une grande dame blonde, très jolie, avec son mari, et deux petits blondinets, le plus grand avait environ 11 ans.

Il me dit :

– Voilà, on vient de Finlande, on voudrait voir Albert Le Vert.
Alors je lui explique :
– Albert Le Vert n’est pas là, mais je vais vous donner quelque chose de sa part.
Je leur donne une casquette, un magazine, enfin tout ce que je peux trouver dans la maison. Puis je dis au plus grand :
– Mais tu parles bien le français.
– Oui, je l’ai appris à la télévision.
– Et tes parents, ils parlent le français ? – Non, pas du tout.

Les deux enfants avaient appris le français en regardant les émissions pour enfants sur TV5. Voilà. On croit faire du divertissement, et on fait de la pédagogie !



Renseignements sur l’émission :
Télévision suisse romande
ÉMISSIONS JEUNESSE
20, quai Ernest-Ansermet
Case postale 234
CH – 1211 GENÈVE
Téléphone : (41 22) 708 84 85
Télécopie : (41 22) 708 98 05