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Longue tâche ardue que de renverser les nationalismes étroits

Philippe ROBERTS-JONES

Oui, je suis heureux de vous dire, Monsieur le Président, l'amitié que nous portons à la Biennale de la langue française. Le oui doit d'ailleurs être présent dans nos consciences et on ne peut que souhaiter qu'il anime vos travaux. Il faut dire oui au progrès et ce vent de lassitude, de scepticisme, d'égoïsme qui semble s'être levé sur l'Europe est un signe inquiétant ou n'est-il que l'ébauche d'un scandale que les médias chérissent ?

Ce n'est pas à vous qu'il faut dire l'importance et la nécessité de ce traité constitutionnel que l'on nous propose. Cet écrit englobe, et c'est une première, les Droits fondamentaux. Il les veut inscrits au fronton de l'Europe que, depuis un demi-siècle déjà, certains s'efforcent d'édifier. Longue tâche ardue que de renverser les nationalismes étroits, les droits acquis dans l'oubli des devoirs.

La négation est ici le témoin de la peur, de la mesquinerie, d'une non volonté de bouger. Sans doute, dans des cas exceptionnels, faut-il savoir dire non. Au terrorisme, aux extrémismes, à la guerre, mon père y a laissé sa vie, la France a bien failli y laisser la sienne. Certes, aujourd'hui, il ne s'agit pas d'un conflit armé, mais d'indifférence. L'absence de désir peut être aussi mortelle !

Si le non l'emporte, que de joie pour les autres ! Pour tous ceux pour qui une Europe forte et unie présente un obstacle à leur propre ambition, pour ceux qui oeuvrent en sous-main dans cette optique précise. Peut-être êtes-vous surpris que je m'engage dans un débat qui n'est apparemment pas le mien, mais le vôtre. Je veux et je revendique le droit de dire aux Français qu'ils ne voteront pas simplement pour eux-mêmes mais pour tous ceux qui vivent en francophonie. C'est-à-dire pour nous et dans un lieu précis, la Belgique, où la liberté d'expression linguistique n'est pas garantie. Un vote négatif en France et la francophonie régresse vers une mort annoncée.

Le français est une langue qui vise, mieux que d'autres, à l'exactitude, c'est-à-dire à une possibilité de s'entendre. Par ailleurs, c'est une langue souple qui, en littérature, se permet d'ajouter une nuance à son étymologie pour mener sans hésitation à la beauté, de Stendhal à Julien Gracq pour ne pas remonter dans la nuit des temps.

Les attitudes matamoresques de ceux qui disent " on n'est pas contre l'Europe, mais on veut un autre texte ", comment feraient-ils pour concocter un écrit à opposer à celui qui a, non sans peine, obtenu l'accord de 25 gouvernements ? Chacun pourrait être tenté par des corrections, mais ce qui compte, en l'occurrence, est moins le mot que l'esprit et l'usage qui en sera fait ! Et là, nul n'est prophète. Il n'empêche que les garanties offertes sont grandes. Le terme libéral et le terme social n'éveillent pas, à chaque écoute, les mêmes résonances. Il serait fou de tenter une nouvelle graphie, mais il appartiendra à chacun d'entre nous de naviguer en eau claire.

L'Europe est déjà troublée par un franglais ou un basic english redoutables; un non offrirait à ceux-ci les clefs d'un royaume total. C'est à cela qu'il faut dire non en disant oui, dans le respect de toutes langues et de l'enrichissement qu'elles peuvent nous apporter dans un échange fraternel.

Philippe ROBERTS-JONES