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José ENSCH

José ENSCH

Née le 22.5.1942 à Luxembourg. Professeur de langues et lettres au Lycée Robert-Schuman de Luxembourg, José Ensch se consacre exclusivement à la poésie.

Bibliographie :

Elle fut de fleuves lents
et de lacs si grands
que les vents y déposent leurs manteaux

Elle fut de graine et d'ombre claire
de patience dans le lointain
et de laine pour l'hiver

Avec ses plis sans hâte vers la mer
elle fut la soif st la source
où s'agenouillent les bergers

*

Quelqu'un parle à l'air
et au vent
quelqu'un dedans
et qui ne sait pas

Ô défunte dans les glaces
et les jungles
quelqu'un se fend
au cri des mouettes

Il est l'ombre
et la cime
il est l'air
et l'océan

Et quand le ciel avale
son plaisir
c'est un oeil qui se rompt
comme un pain dernier

*

L'ogive et le delta
la bouche voilée
de distance

Où réside le feu
sont les pierres, les entailles
et le souffle tombé

Ô suffocante dans l'air
dans l'eau et feu

Petite fille, la mort
dans le poids de ton chant.

*

Elle fut la pensée
la lumière aux bras d'enfant
l'eau ronde qui lave les blés

Les sources ont filés en arrière
Quelqu'un dénoue les tapis
l'histoire est de nuit sans amant

Où sont les miroirs qui ont fui
les lits où s'épousent les contraires

Quand les vents désertent les ports
un ciel y tombe à bras raccourcis.

*

Il faut t'asseoir au nord de toi-même
et puis au sud
établir ensuite un axe
pour tenir debout
le temps du désamour

La mer tiendra dans ton poing
si tu arrêtes tes larmes
et ta maison sera dans la clé

Empoigne le bois
le soleil se lèvera dans sa sciure
près du cirque vide
d'où auront fui les fauves
et ton cheval blond enchaîné

Elles auraient pu durer encore
les roses
mais tu ne l'as pas voulu vraiment...

Sens la fraîcheur de la nouvelle croix
La liberté s'inaugure
lourde mais si légère aussi
dans son humilité

Axe fumant à présent...
va vers le rien
quelqu'un t'y accueillera.

Extraits du recueil : " Le profil et les ombres "

A saute -mouton
à mémoire perdue
les sources

Et sur la ligne de mire
l'argent du ciel
ses becs effilés

C'est plus tard qu'on veut confisquer
le soleil
dans les mailles sans prémisses.

*

Il y eut les deuils en vitrine
les questions en suspens
les chapeliers marchands de nuages
Il y eut les orages
et la remise des fracas

Mais filent les ferveurs
sur les cadrans de naissance
Mais foisonnent les feux
sur les horizons étonnés
les rires, les luttes et le lilas.

*

Parfois il veut ramasser des mots
et son front se heurte
à leurs cimes

Parfois il veut colmater les brèches
et le silence vient
avec les voix

Les fêtes tombent à côté du temps
La nuit a une raie au milieu
Les pendules, elles, s'en vont sur la mer.

*

Ne retourne pas la feuille du temps
ne ferme ce ciel
ni dans la cendre ce fruit
qui se fend

N'aborde la mer avant l'âge
le champ de sel
Ô amère joie et l'océan
la stridence des berceaux

Ne danse devant le feu
que dévêtu comme lui
et sans robe prétexte
car le temps n'est pas venu.

Extraits du recueil : " Dans les cages du vent "

José ENSCH