Biennale de la Langue Française

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Radu Ciobotea

Conseiller diplomatique à l’Ambassade de Roumanie à Paris. Docteur des universités d’Artois (Arras) et Babes-Bolyai (Cluj, Roumanie). Maître de conférences à l’Université « Aurel Vlaicu » Arad, Roumanie.


Le français comme langue de communication dans les crises traversées par la Présidence française de l’Union Européenne

Motto

« Après avoir fréquenté des idiomes dont la plasticité lui donnait l'illusion d'un pouvoir sans limites, l'étranger débridé, amoureux d'improvisation et de désordre, porté vers l'excès ou l'équivoque par inaptitude à la clarté, s'il aborde le français avec timidité, n'y voit pas moins un instrument de salut, une ascèse et une thérapeutique. A le pratiquer, il se guérit de son passé, apprend à sacrifier tout un fonds d'obscurité auquel il était attaché, se simplifie, devient autre, se désiste de ses extravagances, surmonte ses anciens troubles, s'accommode de plus en plus du bon sens, et de la raison. »


Emil Cioran, La tentation d’exister, Gallimard 1956


Analyser la présidence française sous l’angle du rôle de la langue française, et tant qu’outil de communication au niveau international, paraît une entreprise assez risquée. Il y a, d’une part, tout l’univers de la communication post-moderne, qui semble annuler l’effet direct d’une certaine langue, soit-elle la langue d’une présidence européenne tournante, qui change tous les six mois. Que peuvent donc signifier six mois, par rapport à l’Histoire, ou même par rapport au futur immédiat ? Et d’ailleurs, n’est-ce pas justement l’Histoire qui vient de boucler sa boucle, comme le prévoyait Francis Fukuyama dans son best-seller, La Fin de l’Histoire et le dernier homme (....)? Nous voilà donc dans la post-histoire, dans la post-modernité, où on déclare des post-guerres et on ressent des post-crises. Tout ce qui pouvait advenir est déjà arrivé, et nous sommes engloutis par un présent qui refuse de déclarer ses racines et qui ne veut pas s’inscrire dans la logique d’un avenir.


1 . Un défi : La post-modernité de la communication


Ces propos, si exagérés soient-ils, recèlent néanmoins un noyau de vérité. Vue par le biais de la communication actuelle, l’Union Européenne est en proie à de nombreux et subtils défis, qui exercent une influence accrue sur l’ensemble de ses 450 millions de citoyens. La disparition de l’Histoire n’est pas un anéantissement du temps, de la chronologie et des changements de la réalité, mais la modification de la manière dont nous nous rapportons à la réalité, y compris à la réalité politique. Grâce aux médias et au numérique, nous assistons à un incessant élargissement de l’espace public, ce qui nous amène à un paradoxe. Au lieu d’être d’autant plus connecté à une réalité complexe qui envahit les écrans et les moniteurs de nos ordinateurs, nous glissons vers un nouveau type de fiction.

L’Europe de la présidence française vient vers notre perception par le biais d’un monde virtuel, dominé par l’imaginaire. Il y a vingt ans, en France, trois chaînes de télévision publiques proposaient moins de cinq heures de fiction par jour. Aujourd’hui, c’est plus d’un millier d’heures qui est quotidiennement proposé à un abonné au satellite ou à un câble numérique. Par la « fiction » nous entendons tout ce qui nous envoie dans d’autres dimensions que la réalité et dans d’autres temps que le présent, notamment film, jeu et musique, c'est-à-dire des formes d’évasion. Car, à présent, on s’évade le plus souvent de la réalité immédiate. Le baladeur, l’ordinateur, l’Internet, le téléphone mobile, le iPod ou le cd player nous accompagnent partout, en nous offrant un virtuel au choix, ou, du moins, en changeant les couleurs de la réalité qui nous entoure et que nous croyons apercevoir. Ce « bain dans l’imaginaire » est ressenti par le chercheur et journaliste Pascal Josèphe (La Société immédiate) comme un nouveau type de solitude dans des échappées virtuelles qui « renforcent la tendance à la réduction du temps de connexion de l’individu au réel, et à la progression du temps passé « ailleurs ». (Pascal Josephe, op. cit. p. 52)

Cette fuite vers l’imaginaire s’accompagne d’un changement profond de la manière dont l’individu perçoit l’homme politique et la politique en général. Le numérique nous plonge, désormais, dans une sorte de présent qui s’étend partout mais qui, en même temps, nous échappe. On sait à peu près tout sur à peu près tous, mais rien ne devient vraiment intéressant que lorsque la réalité se transforme en spectacle. L’homme politique perd sa dimension héroïque, il n’a plus de mystère, et le charisme individuel ne passe que très difficilement pas les arcanes du multimédia. C’est plutôt la vie privée qui constitue un sujet, et de moins en moins les idées, le militantisme, les doctrines politiques. L’on connaît maintenant une frénésie de la « désacralisation », une mise en question de nos représentants dans les hautes instances politiques du continent et du monde. Cette frénésie est fortement soutenue par la fièvre des sondages, qui doivent nous raccrocher chaque jour aux changements collectifs d’humeur et de perception sur un homme ou sur un projet politique. Ceci n’est pas une forme de participation à la vie politique, mais, bien au contraire, une forme de jugement par le truchement des autres. Le sociologue Gilles Lipovetsky décrit ainsi l’individu postmoderne qui veut préserver sa liberté de choisir en se plaçant au-dessus de sa propre participation à la réalité politique : «  On ne vote pas, mais on tient à pouvoir voter ; on ne s’intéresse pas aux programmes politiques, mais on tient à ce qu’il y ait des partis ; on ne lit pas des journaux, pas de livres, mais on tient à la liberté d’expression » (Gilles Lipovetsky, L’Ere du vide, Gallimard, 1993) . La situation est la même en ce qui concerne l’intérêt pour les sujets médiatiques liés à l’Union Européenne. Selon l’Eurobaromètre publié début novembre 2008, 80 % des Français demandent à la presse de couvrir de tels sujets, mais, en même temps, seulement 2,5% des Français en sont réellement intéressés lorsque les médias traitent le thème européen. Entre un film d’action et un reportage sur l’Europe, on préfère le film. Ce décrochage entre la vie quotidienne, qui subit profondément les tentations de l’évasion dans l’imaginaire, et la vie politique, attachée à une réalité plutôt institutionnelle, provoque aussi une systématique perte de mémoire. L’on ne se sent plus partie d’une histoire, on vit dans l’immédiateté, on réclame de la vitesse.

Dans de telles conditions, avoir la présidence de l’UE pour six mois semble une chance assez dérisoire d’imposer une vision politique, de faire face aux crises, de réunir les principaux facteurs de décision autour d’un projet et de le mettre en place. On peut dire même que la France a eu, jusqu’à présent, la présidence la plus spectaculaire, car la plus mouvementée. Mais c’est là, justement, un des éléments qui font de cette présidence une occasion d’affirmer un système de valeurs, une forme d’esprit et une manière de communication. Des événements assez inattendus (comme le « Non » irlandais, l’intervention militaire de la Russie en Géorgie ou l’écroulement successif des grandes banques internationales) ont annulé une grande partie de l’agenda présidentiel conçu auparavant, en valorisant la capacité de réaction, les solutions urgentes, et surtout l’engagement personnel. Du coup, la politique est devenue intelligible, car moins institutionnelle et plus personnalisée. L’Europe est passée, soudain, de la rubrique des faits divers à la une des journaux. Elle s’est avérée capable de gérer des conflits qui ont pris tout le monde au dépourvu. On vivait encore, jusqu’en août 2008, dans une histoire post-tragique, où rien de grave ne pouvait plus advenir, où les grandes puissances avaient appris la leçon des deux guerres mondiales, et où la paix, et même le progrès paraissaient inébranlables. Et voila, brusquement, le retour de l’Histoire, avec ses grandes menaces, avec ses fulminantes terreurs, avec des leaders qui peuvent tout changer. On suspend les négociations de l’UE avec la Russie, on a le sentiment qu’un nouveau rideau de fer peut séparer, à nouveau, Est et Ouest.

La crise irlandaise, la crise géorgienne et, finalement, la crise financière ont engendré une nouvelle approche des médias et une nouvelle sensibilité des opinions publiques des Etats membres. La plupart des journaux français ont saisi l’essence de ce changement : le retour de la France en Europe, le retour de l’Europe comme puissance solidaire et cohérente dans le monde. C’est toute une série de retours auxquels nul ne pouvait penser il y a quelques mois, mais qui s’imposent, désormais, comme des certitudes.

« La presse française se réjouit du retour de l'Europe sur la scène internationale grâce à son plan commun sur la crise financière » ouvre Libération son édition de 14 octobre, en faisant une synthèse de la presse française qui, pour une fois, se rassemble autour d’un constat commun.

«Sarkozy fait bouger les lignes», titre Le Figaro; «L'histoire montre que l'Europe n'avance que dans la crise » lance la Tribune , «Cette démonstration d’une Europe agissant de concert tranche avec les réactions nationales et dispersées du début du mois», note pour sa part La Croix, « Il a su jouer collectif», estime Le Monde, en précisant qu’il était grand temps pour chaque état européen de «  renoncer à faire cavalier seul et d'assumer leur responsabilité collective ».. La presse foisonne d’images et d’expressions qui séparent un « temps en dérive », situé avant les crises, et un « temps fort », celui des crises et de la lutte commune. On est passé, déjà, vers un autre type de discours public, qui s’étend, par le biais des medias, vers la perception collective : le discours de la séduction. Le concept, analysé par Alain Finkielkraut (Nous, les modernes, Ellipses, 2005), a été développé au cours des dernières années, par les sociétés spécialisées dans la communication et le marketing des entreprises, mais il a gagné un terrain remarquable dans la presse politique. Le discours de la séduction ne déclare pas une attitude d’admiration envers un homme politique, mais tâche de le mettre en valeur en tant que personnage. Or, entre le personnage réel et le personnage fictif, la ligne est parfois incertaine, ce qui nous amène dans un territoire déjà familier : l’imaginaire. Par les bonnes phrases et par les bonnes images, l’on peut construire la réalité en utilisant les reflexes de la fiction. Parce que ces reflexes sont essentiellement narratifs, donc communs à l’expression écrite et à l’enchaînement de scènes télévisées. A cet égard, le président du Conseil Européen, Nicolas Sarkozy a su jouer son rôle, en devenant très vite le personnage principal d’une série médiatique de succès. Cette fois-ci, le succès auprès du public n’a rien cédé à l’audimat, en restant sur la substance de la réalité, en gérant avec lucidité et efficacité les conflits en déroulement. Néanmoins, l’effort de gérer des crises successives a abouti à une meilleure communication et à la construction d’une image nouvelle : celle de la famille des leaders européens, unis pour la première fois. C’est une forme beaucoup plus humaine des relations internationales, qui transforme une coopération institutionnelle dans un dialogue réel, doué même d’une certaine émotion. C’est le retour au spectacle.


2. La France et « l’ humanisation » des relations internationales


Si nous avons entamé notre analyse par un résultat plutôt sceptique de l’Eurobaromètre (2,5% des Français se sentent concernés par les sujets médiatiques liés à l’UE), nous rappelons maintenant un résultat également surprenant : Selon l'Eurobaromètre réalisé par TNS Opinion & Social, toujours début novembre, 60% des Français estiment que l'appartenance de leur pays à l'UE est une bonne chose. Les Français redeviennent, pour la première fois depuis une quinzaine d'années, plus europhiles que la moyenne européenne. Ce qui, en termes de sociologie, se traduit dans une hausse de 8 points depuis le printemps dernier. Si la cote de confiance de l'Union reste stable à 51 %, les autres indicateurs de soutien sont en forte hausse, 57% des personnes interrogées jugeant ainsi que la France a bénéficié de son appartenance à l'Union (+3). De même, le niveau de confiance dans le Parlement européen augmente de quatre points à 58 %. Cette étude est la première de cette ampleur réalisée depuis l'accession de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République Française en mai 2007.


L’on peut constater, arrivés à ce point, qu’il ne s’agit pas d’une démission de l’opinion publique par rapport aux responsabilités des citoyens envers l’Europe, mais d’une autre manière de percevoir l’Europe. La manière institutionnelle, traduite en communiqués de presse et en documents qui expliquent le fonctionnement de tel ou tel mécanisme, est remplacée par une Europe plus liée à la réalité quotidienne, racontée comme une histoire qui possède une certaine tension narrative et une remarquable force de l’expression. Que ce soit presse, radio, télé, Internet, téléphonie mobile, que ce soit l’amateur ou le professionnel de la communication qui réalise le matériel diffusé, on remet le sujet « Europe » sur les rails quand on plonge dans la réalité humaine avec les suggestions de l’imaginaire. Le bien et le mal, la souffrance et la joie du vécu, le héros ou le méchant, tout retrouve sa place dans la nouvelle saga de la famille européenne. De ce point de vue, la présidence française a eu la malchance de passer par les plus graves tremblements politiques, mais aussi la chance de pouvoir se reconstruire d’une manière infiniment plus saisissante, un but, une action et, finalement, une identité.


A ce jour, l’on perçoit l’Europe autrement. Elle est partout, mais sans une forme institutionnalisée. Et ceci est une construction dans l’esprit, pas forcément dans les pages des documents signes à Bruxelles ou Strasbourg, mais dans un monde simultanément virtuel et réel, incessamment mis à jour par l’ensemble Internet - médias. C’est par ce biais, beaucoup plus direct et plus humain, que sont passées les grands moments de cette présidence. Et ils sont liés, essentiellement, à l’élargissement de l’influence européenne dans des régions que l’on considérait, jusqu’ici, trop reculées, trop instables et même trop dangereuses. Il ya la grande reconstruction des relations avec les Etats Unis (et la mise en place du G 20, à Washington, en est une preuve), tout comme il y a le début d’une normalisation des relations avec la Russie, même si l’aide accordée à la Géorgie et le soutien du principe de l’intégrité territoriale reste une priorité. La rencontre des leaders européens avec Dmitri Medvedev, a Nice, est présentée par Le Figaro dans le même registre du discours de la séduction : « Voyant qu'il faisait fausse route, Dmitri Medvedev a entrepris une offensive de charme » (Le Figaro, 14 novembre 2008) , ouvre le journal sa page de relations internationales.


Il y a les bons contacts avec la Chine, mais aussi une prochaine rencontre entre le président Sarkozy et le Dalai Lama du Tibet, signe d’une forte volonté de mettre en avant le dialogue, en non pas les méthodes, non-diplomatiques, du silence, de l’isolement ou de la force.

La présidence de l’UE a relancé la France dans le Moyen Orient. Absente du dossier irakien et impuissante au Liban, spectatrice passive du conflit israélo-palestinien, piètre doublon des États-Unis au regard de la Syrie, la France avait peu à peu perdu ce qui faisait son originalité et donc sa pertinence au Moyen-Orient. Cet automne, où se sont superposées la présidence française de l’UE et la campagne électorale aux Etats Unis, Paris, en effet, a repris pied dans une partie du monde où son influence s’amenuisait. En étant le premier pays occidental à rompre de façon décisive l'isolement de Damas, Paris acquiert un atout non négligeable : un accès privilégié à l'un des acteurs les plus ignorés de la région. D’ailleurs, la France a montré son ouverture vers le dialogue et la paix envers tous les acteurs du Moyen Orient, a commencer avec la Lybie, et en allant jusqu’au Liban, mais aussi en relançant l’idée d’un Etat palestinien qui serait le partenaire d’un vrai et efficace dialogue de la paix avec l’Etat d’Israël.

La même idée d’élargissement et de coopération est exprimée par la mise en œuvre de l’Union pour la Méditerranée, qui réunit 43 pays européens et du pourtour méditerranéen et qui a dégagé son consensus, le 4 novembre, sur sa composition et son fonctionnement, y compris sur la coopération, dans ce cadre, de la Ligue Arabe et d’Israël.

Côté social, la France vient de lancer, en collaboration avec les principaux acteurs de la mobilité internationale, le premier guide dédié à l’expatriation en Europe: « Cap Europe ». Il comprend des informations utiles sur l’emploi, la protection sociale, le chômage, la retraite, la banque et la fiscalité ou la formation. Il va devenir sous peu indispensable pour tous les candidats au départ professionnel pour les pays de l’UE. La notion d’ « expa » devient, comme l’on voit, de plus en plus dénuée de son sens tragique, suggérant l’étrangéité et la solitude. Il tend à suggérer, maintenant, une forme efficace de coopération, une chance de connaître les autres, un déplacement pas si lointain, dans un monde familier, celui de l’Union Européenne. Et c’est le mérite de la présidence française celui de construire, à force de sommets, dialogues, événements communs, l’idée de famille européenne.


3. La langue française, porteuse des valeurs dans le monde européen et francophone


Tout ce qui est arrivé dans les derniers mois, du point de vue communication et relations internationales, est passé vers le public par le truchement de la langue française, soit-elle perçue directement ou par des traductions. Il n’y en a pas une équivalence, assurément, car les deux manières de saisir le discours politique et médiatique sont assez loin l’une de l’autre, mais, au fond, il y a le sens qui réunit les lignes de force de ces discours. Une idée française, merveilleusement mise en relief par une bonne langue française, reste néanmoins une idée française même quand les détails sont traduits. Car ce ne sont seulement des idées, ce sont des idéaux, des mots-clés, des principes de la démocratie, vus et vécus d’une perspective française. Le message passe directement, en français, vers 70 millions de francophones et vers 12 autres millions qui sont en train d’apprendre le français. En tant que mode d’expression d’une culture, reflet d’une identité, la langue française est mise en relief d’une manière éclatante par la présidence.

C’est la langue française qui sous-tend tous ces efforts vers une Union Européenne plus unie et plus efficace, et c’est toujours elle qui offre les mots pour construire une syntaxe de la construction, de l’énergie politique et de communication media. Elle n’est plus exactement la même que celle qui brillait dès le 16e et qui touchait son apogée dans les 18e et 19e siècles, rayonnant dans toute l’Europe. C’était alors la langue des diplomates, celle dont usaient aussi tous les grands souverains, Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie, Gustave III de Suède. Ces chefs d’État s’exprimaient, lisaient et correspondaient en français et leurs Cours étaient les hauts lieux de l’art du siècle, celui de la conversation qui ne pouvait être que française. C’était le français dont Voltaire soutenait les raisons de l’universalité dans son Dictionnaire philosophique : « L’ordre naturel dans lequel on est obligé d’exprimer ses pensées et de construire ses phrases répand dans notre langue une douceur et une facilité qui plaît à tous les peuples ; et le génie de la nation se mêlant au génie de la langue a produit plus de livres agréablement écrits qu’on n’en voit chez aucun autre peuple. La liberté et la douceur de la société n’ayant été longtemps connues qu’en France, le langage y a reçu une délicatesse d’expression et une finesse de naturel qu’on ne trouve guère ailleurs. » (.....)

C’est une autre époque, ou la langue écrite joue un autre rôle, mais, sans doute, nous assistons maintenant à un spectaculaire retour du français et de la France dans le monde. Comme le disait très bien Xavier North dans sa conférence Territoires de la langue française (Herodote, no. 126, 3-e trimestre, 2007, p. 10), «  la langue est le lieu par excellence ou s’inscrivent toutes les tensions culturelles, économiques, sociales et donc géopolitiques du monde actuel ».

Les tensions géopolitiques du monde actuel sont saisies, directement en français, par un grand nombre de Roumains. Avec un système éducationnel qui met le français parmi ses priorités, avec les lycées bilingues, instituts culturels et d’autres filières francophones (comme l’Alliance Française), en ce moment, un sur quatre Roumains connaissent parfaitement la langue française. Dans un système culturel et de communication ou le sous-titrage remplace la synchronisation, les messages lancés dans les médias sont captés dans leur forme originaire, sans aucune translation. C’est une remarquable ouverture, qui justifie dans toute sa portée l’intensification des relations franco-roumaines par la mise en oeuvre d’un Partenariat stratégique et d’une Feuille de route qui construit, avec précision, chaque étape de notre rapprochement dans tous les domaines. La France d’à côté est déjà un état d’esprit pour beaucoup de Roumains, un sentiment qui est intimement lié à toute une histoire de convergences culturelles, depuis plus de deux siècles. Car la culture reste un des plus solides liens, y compris pour un public attaché aux valeurs historiques et artistiques de la France.


La dimension culturelle de la présidence est à son tour tout à fait remarquable. Vient d’être lancée la bibliothèque numérique Europeana, qui ambitionne de rassembler le patrimoine culturel européen et de donner accès non seulement aux livres, mais aussi aux manuscrits, peintures, cartes, photos, documents audiovisuels. Surchargée de demandes, déjà, Europeana doit reconstruire son site, afin de pouvoir répondre a une soif de culture que les initiateurs ne soupçonnaient même pas. Europeana a été conçue comme une riposte au projet du géant de l'internet: sur proposition de la France, plusieurs pays européens avaient réclamé en 2005 la création d'une bibliothèque numérique à l'échelle de l'UE. Une première ébauche, avec quelques milliers d'ouvrages français, hongrois et portugais, avait été mise en ligne en mars 2007 par la Bibliothèque nationale de France, forte de l'expérience acquise avec sa propre bibliothèque numérique, Gallica, lancée en 1996.


Et voila que l’histoire revient, non pas seulement dans le monde politique international, mais aussi – et surtout – dans le monde de la culture. Toute politique reste éphémère sans la profondeur de la culture et sans le génie de l’art. Il s’agit là d’une des plus grandes leçons de toute l’histoire de la France, leçon qui s’accompagne d’une unique et perpétuelle ouverture vers la diversité culturelle. La présidence française rassemble au nom des valeurs de la démocratie, mais aussi au nom d’une culture qui sait trouver son unité dans la variété de ses expressions. D’une manière symbolique, la fin de la présidence sera marquée par une tournée de la Comédie Française dans treize pays de l’Union. Treize pays qui n’ont pas été choisis au hasard. Il s’agit exclusivement d’Etats Membres de l'UE qui, il y a encore 20 ans, se situaient de l’autre côté du rideau de fer. C’est un symbole d’élargissement à des frontières insoupçonnées il y a moins de dix ans. Symbole d’unité, aussi. L’Union des 27, fédératrice de paix, d’échanges, de partages. Voilà un bel exemple de fusion des talents, totalement dans l’esprit de Victor Hugo qui, dès 1849, prophétisait une Europe unique, unie, bannissant les notions de frontières. La Comédie Française dans les pays récemment reçus dans l’UE, un spectacle d’art dans un spectacle du monde, un noyau de fiction dans un univers réel qui s’avère sensible surtout a l’imaginaire. Voila l’idée de notre conférence, qui aboutit a un cercle, car entre la politique, l’élargissement, le dialogue, la culture, il y a un langage qui relie les acteurs et les spectateurs de la vie internationale, en construisant le pont être la réalité et la fiction : le spectacle. La présidence française comme spectacle qui réunit ce qui auparavant était épars et qui construit ce qui auparavant était déchu, voila l’approche que nous avons choisie et l’idée que nous soutenons lors de cette ouverture de la Biennale de la langue française, moment de rapprochement, d’analyse et de relance vers un futur « immédiat », qui nous reste, néanmoins, à tracer.



Bibliographie

drine Hubert, Continuer l’Histoire, Fayard, 2007.

Francophonie et mondialisation, Les Essentiels l’Hermes, CNRS Editions, 2008.

Finkielkraut Alain, Nous autres, modernes, Ellipses Editions Marketing, 2005.

Josèphe Pascal, La société immédiate, Calman-Lévy, 2008.

« Géopolitique de la langue française », Hérodote, revue de géographie et de géopolitique, No. 126, 3e trimestre 2007

Collections Le Figaro, Le Monde, Libération, L’Express, Le Point, 2008


Sources électroniques

http://www.eu2008.fr/PFUE/lang/fr

(site de la Présidence française de l’UE)

Le site de BVA ACTUALITE : Observatoire de la politique nationale BVA-Orange-L'Express (quotidiennement)

Bulletin d'information de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (quotidiennement)

EU Observer, Bruxelles (quotidiennement)












 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXIIIe Biennale

Sommaire

Remerciements

Allocutions et messages

M. le Président Gueorgui Parvanov

M. Alain Joyandet

L'Honorable James Moore

M. Roland Eluerd

Vœux de la 23e Biennale et Voeux en bulgare

Synthèse des travaux, rédigée par Roland Eluerd

Actes du colloque en Sorbonne, samedi 29 novembre 2008

M. Radu Ciobotea

M. Antony Todorov

Gueorgui Jetchev

René Meissel


Actes de la XXIIIe Biennale, Sofia, 29 octobre-1er novembre 2009

Vendredi 30 octobre

Présidents de séances : M. Vincent Henry, directeur délégué aux programmes, Agence universitaire de la Francophonie, Bureau Europe centrale et orientale. Mme Anna Krasteva, professeur de sciences politiques à la Nouvelle Université Bulgare. M. Alain Vuillemin, professeur à l'Université d'Artois. Mme Raya Zaïmova, Institut d'études balkaniques de l'Académie bulgare des sciences.

Mme Andromaqui Haloçi

Mme Cheryl Toman

Mme Mariana Perisanu

Mme Irina Babamova

M. Jean R. Guion

Mme Monique Cormier

M. Erich Weider

M. Stoyan Atanassov

Mme Roumiana L. Stancheva

Mme Rennie Yotova

Mme Mihaela Chapelan

M. Stéphane Gurov


Samedi 31 octobre.

Présidents de séance : M. Richard Lescure, maître de conférence des universités, attaché de coopération éducative au Centre culturel français de Sofia. Mme Line Sommant, docteur en linguistique, professeur associé à l'Université de Paris III, vice-présidente de la Biennale de la langue française. M. Abderrahmane Rida, directeur de l'Institut de la Francophonie pour l'administration et la gestion (IFAG), Sofia. M. Roland Eluerd, docteur d'État ès lettres, président de la Biennale de la langue française.


M. Stéphane Lopez

M. Gueorgui Jetchev

Mme Claire-Anne Magnès

M. Mohamed Taïfi

Mme Stephka Boeva

M. Simeon Anguelov

Mme Odile Canale

M. Jean-Alain Hernandez

M. Richard Lescure

M. Moustapha Tambadou

M. Amadou Lamine Sall

M. Andrey Manolov

M. Alain Vuillemin





A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93