Biennale de la Langue Française

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Les apprenants de français en Allemagne

Philippe GUILBERT


L’importance de l’apprentissage du français en Allemagne est au cœur des traités de coopération entre la France et l’Allemagne dans le domaine éducatif depuis 1963. Pourtant, depuis plus de 10 ans, un fléchissement du nombre global d’apprenants de français se fait remarquer. Si des raisons d’ordre sociétal et conjoncturel (baisse globale du nombre d’élèves, accueil massif de migrants et de réfugiés) ou propres aux systèmes éducatifs allemands et donc plus structurels (réformes scolaires successives, en particulier réduction de la durée de la scolarité) expliquent cet état de fait, le poste a développé une stratégie pour renforcer l’apprentissage du français basée en particulier sur :

-       Un lobbying institutionnel fort et une mise en réseau des acteurs aux niveaux fédéral et régional ;

-       Le développement et l’intégration des certifications de langue française ;

-       Une modernisation de l’image du français par des thématiques et des formats nouveaux (Francophonie, mobilité, orientation professionnelle, articulation forte entre langue, culture et éducation, éducation citoyenne et à l’Europe, liens avec le monde du sport).


1.      Contexte : une relation bilatérale institutionnalisée

Dans la relation franco-allemande, il convient de rappeler que l’apprentissage de la langue du partenaire occupe une place particulière. Si le Traité de l’Elysée en fait une « ardente obligation », le Traité d’Aix la Chapelle fixe un objectif d’augmentation du nombre d’apprenants et les déclarations récentes comme celle émanant du Conseil des ministres franco-allemands du 16 octobre 2019 en rappellent l’importance fondamentale – au service des relations entre nos deux pays. Dans ce contexte, les statistiques fédérales allemandes montrent un état préoccupant de l’enseignement du français, en miroir de la tendance baissière de l’apprentissage de l’allemand en France.


2.      Une baisse installée du français dans les systèmes éducatifs en Allemagne

Il convient de rappeler que les compétences éducatives sont du ressort exclusif des 16 Länder : l’Allemagne n’a pas de structure décisionnelle centralisée pour l’éducation qui reste un domaine composée de 16 systèmes scolaires différents, peu poreux entre eux. Il est néanmoins possible de dégager de grandes tendances en s’appuyant sur les statistiques fédérales sur l’enseignement du français en Allemagne publiées par l’Office fédéral des Statistiques (OFS) – les derniers chiffres disponibles informent jusqu’à la rentrée 2020-2021.


Apprenants de français en Allemagne : effectifs globaux tous niveaux et toutes voies confondus :

-       1 868 363 élèves soit 16,0% des apprenants en 2006-2007

-       1 502 720 élèves soit 14,1% des apprenants en 2017-2018

-       1 308 187 élèves soit 12,2% des apprenants en 2020-2021

Primaire :

-       143 834 élèves soit 4,5% des apprenants en 2006-2007

-       113 225 élèves soit 3,9% des apprenants en 2017-2018

-        75 117 élèves soit 2,5% des apprenants en 2020-2021

Secondaire, voie générale :

-       1 550 648 élèves soit 28,9% des apprenants en 2007-2008

-       1 324 843 élèves soit 26% des apprenants en 2017-2018

-       1 188 443 élèves soit 23% des apprenants en 2020-2021

Secondaire, voie professionnelle

-       109 818 élèves soit 3,9% des apprenants en 2006-2007

-       64 652 élèves soit 2,4% des apprenants en 2017-2018

-       44567 élèves soit 1,8% des apprenants en 2020-2021


Les données chiffrées depuis 1992 présentent une évolution en trois temps : augmentation forte sur la période 1992-2006, légère stabilisation entre 2006 et 2010, baisse régulière s’installant à partir de 2010. Même si les chiffres recouvrent des réalités différentes selon les Länder et les filières, la tendance générale est à la baisse. En Allemagne, malgré cette baisse, le français reste la seconde langue la plus apprise, derrière l’anglais (LV1 largement majoritaire) et toujours devant l’espagnol et le latin.


3.      Raisons de la baisse des apprenants de français : des systèmes éducatifs en changement

Depuis le début des années 2000, les systèmes éducatifs allemands opèrent d’importantes adaptations, face auxquelles l’enjeu de l’apprentissage du français pèse peu. Sont en cause le choc démographique lié à la baisse de la natalité, les évolutions liées au numérique éducatif, les efforts récents pour la scolarisation des mineurs réfugiés ou encore les différentes réformes en réaction aux comparaisons internationales (PISA 2001 et 2015) : réduction possible d’un an de la scolarité au Gymnasium selon les Länder (12 ans comme en France, au lieu de 13 ans antérieurement en Allemagne), mise en place des Ganztagsschulen (accueil à plein temps des élèves sur la journée, alors que l’école allemande laissait largement de libertés aux élèves les après-midis), abandon dans les lois scolaires régionales de l’obligation pour les élèves de poursuivre l’enseignement de la LV2 en cycle terminal. Ces transformations ont directement ou indirectement eu des effets négatifs sur l’apprentissage et la représentation du français. Plus globalement, les Länder misent moins sur les disciplines scolaires relevant des humanités (dont le français) au profit d’une perspective plus libérale de préparation à la vie active contemporaine.


4.      Stratégie du poste : une politique volontariste

Dans ce contexte, l’Ambassade de France et l’Institut français d’Allemagne conduisent une action résolue afin de soutenir l’apprentissage du français et la mobilité des jeunes dans les établissements primaires, secondaires et de la voie professionnelle. Le réseau de coopération en Allemagne s’appuie à la fois au niveau fédéral sur des projets structurants concernant l’ensemble des Länder et, au niveau régional, sur de nouveaux formats et de nouvelles stratégies proposées pour répondre aux besoins des partenaires institutionnels locaux. Nous recensons chaque année ainsi environ 550 000 élèves touchés et sensibilisés (hors pandémie) à l’apprentissage du français dans le cadre des actions de l’Institut français d’Allemagne.


5.1. Niveau institutionnel et partenariats

Le travail de ce poste est bien entendu marqué par un dialogue fort et continu avec les 16 ministères de l’éducation des Länder et les partenaires au niveau fédéral, mais aussi avec les nombreux interlocuteurs et acteurs compétents : ambassades francophones, opérateurs et partenaires du franco-allemand (OFAJ, Pro Tandem, UFA, Arte), opérateurs français (AEFE, France Education International, Institut Français, RFI, TV5 Monde, Atout France et Business France), avec les fédérations allemandes d’enseignants de français (VdF), les deux grands éditeurs de manuels scolaires (Klett et Cornelsen), la société civile (jumelages, fédération des sociétés d’amitiés franco-allemandes, Bundeszentrale für politische Bildung) et des fondations, entreprises et grandes fédérations sportives.


5.2. Faire du DELF un outil de coopération par l’intégration accrue dans les systèmes scolaires

L’Ambassade et l’Institut français voient dans la diffusion du DELF scolaire et son intégration expérimentale dans les cursus scolaires allemands un véritable outil de coopération éducative, dont le développement est inscrit dans les objectifs des deux pays. La certification DELF reconnaît et valide les acquis de l’apprentissage des élèves, leur donne un but et une motivation et reste un atout majeur pour leurs parcours d’étude ou de recherche d’emploi. L’intégration du DELF dans les systèmes scolaires des Länder en fait autant un moteur qu’un indicateur de la qualité de l’enseignement et entraîne un changement des pratiques pédagogiques via la formation des enseignants dans le cadre de leur habilitation comme correcteurs/interrogateurs : enseignement axé sur les compétences linguistiques, réflexion sur l’évaluation, etc. Le développement du DELF scolaire est ainsi l’une des priorités du poste.


5.3. Axe culture, langue, éducation

Au niveau fédéral, l'Ambassade / Institut français d'Allemagne proposent chaque année du matériel pédagogique clef-en-main et des formations afin de toucher de manière large les enseignants, et les élèves par une approche culturelle actuelle tournée vers la francophonie.

Les projets phares de l’Institut français d’Allemagne sont les suivants :

-       FrancoMusiques, une compilation (playliste) de musiques francophones actuelles en écoute libre avec des fiches pédagogiques associées ;

-       Cinéfête, une sélection de films francophones (souvent sous-titrés en allemand) pour la jeunesse avec des thématiques actuelles dans 85 cinémas en Allemagne, accompagnée de matériel pédagogique pour les enseignants ;

-       Prix des Lycéens allemands (PDLA), dans l’esprit du « Prix Goncourt des Lycéens » organisé en France, ce prix a lieu tous les deux ans à l’issue d’un processus de sélection par des élèves et de débats entre lycéens ;

-       Concours Francomics, prix de la bande dessinée francophone des élèves allemands, organisé tous les deux ans en alternance avec le PDLA, et touchant un public d’élèves plus large que ce dernier (niveaux collège et lycée).

Tous ces projets ont pour objectifs de modifier l’image du français, qui reste considéré comme très littéraire et très difficile à maîtriser correctement (orthographe, grammaire), en influant sur les pratiques pédagogiques en classe, parfois encore très axée sur la maîtrise du code linguistique. Ces projets évoluent chaque année vers toujours plus de numérique éducatif pour également accompagner l’évolution des systèmes scolaires allemands qui ont pris conscience de leur retard en équipements et en formation durant la pandémie, lorsqu’il a fallu mettre en place le télé-enseignement.


5.4. Changer l’image du français par la francophonie

En concurrence avec l’anglais et l’espagnol, la langue française souffre, en Allemagne, de n’être pas suffisamment reconnue comme une langue-monde. Le poste agit donc pour promouvoir la francophonie et la diversité du français dans le monde, en particulier en mettant en avant les intérêts culturels, touristiques et économiques associés à la maîtrise de cette langue globale. On notera dans ce contexte la création à Berlin de la Maison des Francophonies, soutenue par le Centre français de Berlin, mais toujours en recherche de son modèle économique. Dans chacun des projets éducatifs et linguistiques mis en place, la dimension francophonie est présente par la variété des auteurs et des approches. Les manuels scolaires allemands pour l’enseignement du français font également une part de plus en plus importante à la francophonie, mais des marges d’évolution sont encore possibles. L’Ambassade de France et l’Ambassade de Tunisie ont été co-présidentes du Groupes des Ambassades Francophones en 2019 et en 2020 et c’est sous cette impulsion forte qu’un festival des francophonies a pu être organisé à la Maison des francophonies en novembre 2020. L’ensemble du réseau de coopération en Allemagne (Ambassade, consulats, institut français et ses antennes dans les Länder…) proposent des événements et des projets dans le cadre de la semaine de la francophonie en mars de chaque année. Le travail de diffusion de la diversité des francophonies est donc un enjeu fort du travail de coopération éducative et linguistique de l’Ambassade de France et de l’Institut français d’Allemagne.


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Philippe GUILBERT

Attaché de coopération éducative

Service culturel de l’Ambassade de France / Institut français d’Allemagne


Referatsleiter Bildungs- und Sprachkooperation

Kulturabteilung der Französischen Botschaft / Institut français Deutschland


Pariser Platz 5

D-10117 BERLIN

Tél : +49 (0)30 590 03 92 02

https://de.ambafrance.org

https://www.institutfrancais.de/

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXIXe Biennale

SOMMAIRE DES ACTES XXIXe BIENNALE

LIVRE XXIX :

Sommaire


Séance d'ouverture de la XXIXe Biennale

Cheryl TOMAN, Présidente de la Biennale de la langue française

Cyril BLONDEL, Directeur de l’Institut français d’Allemagne

Christoph BLOSEN, Ministère fédéral des Affaires étrangères


1ère séance de travail : « Les apports de la langue germanique dans la langue française »

Présidence de séance : Lamia BOUKHANNOUCHE

Anne-Laure RIGEADE, Docteur en littérature comparée, (France) «L'oeuvre bilingue de Anne Weber, une épopée franco-allemande »

Line SOMMANT, Journaliste, auteur, linguiste, Université Paris 3-Sorbonne nouvelle, Paris (France), « De l’influence des langues germaniques sur la langue française »

Claire Anne MAGNÈS, Poètesse, critique littéraire, journaliste (Belgique) , « Comment vous appelez-vous ? les prénoms français d’origine germanique » lu par Cheryl Toman


Table ronde : « Réalités des francophonies en Allemagne:

Quelles pratiques pour la langue française dans un contexte où son usage est minoritaire. »

Modération : Luc PAQUIER, Directeur de la Maison des Francophonies à Berlin

Alexander HOMANN, Délégué général de la Communauté germanophone de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie à Berlin

Delphine de STOUTZ, Autrice Traductrice, directrice de projets, et maman Suisse vivant en Allemagne

Anne-Chrystelle BAETZ, Présidente de l'association Emploi Allemagne.


2ème séance de travail : « Interculturalités franco-allemandes : aspects économique, géopolitique, linguistique et numérique »

Présidence de séance : Christian TREMBLAY

Daddy DIBINGA , Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, « Une Approche comparative de la diplomatie culturelle « occidentale » en Afrique francophone subsaharienne à travers les plateformes numériques de l’institut français et du Goethe institut, de Dakar »

Philippe KAMINSKI, statisticien économiste (France),« Economie sociale : le grand dos-à-dos entre France et Allemagne »

Yves MONTENAY, Docteur en Démographie politique (France),« L’Interculturalité à l’épreuve de la géopolitique en francophonie africaine »

Antoine BROQUET, Directeur d'Ecocert, filiale allemande d’Airbus, entreprise franco-allemande, « Témoignage sur la communication en langue française dans les entreprises franco-allemandes »


3ème séance de travail : « Plurilinguisme et interculturalités du français hors de France »

Présidence de séance : Line SOMMANT

Lamia BOUKHANNOUCHE, Etoile Institut, Paris, « Repenser le programme de français langue étrangère à Modern Languages et Literature – CWRU, Cleveland »

Ahmed MOSTEFAOUI et Fatima MOKHTARI, Université Ibn Khaldoun à Tiaret (Algérie), « Des impacts de la dimension interculturelle dans l’enseignement supérieur algérien : le cas de recherche en didactique du FLE et interculturalité »

Maryse NSANGOU-NIJKAM, Université de Yaoundé 1 (Cameroun), «Le multilinguisme dans la francophonie: le cas du Cameroun »

Karen FERREIRA-MEYERS, Université d'Eswatini (Eswatini, Afrique australe), « Que faire pour améliorer les compétences des enseignant(e)s du FLE en contexte exolingue? »


4ème séance de travail : « Accès à la langue française via les arts, la littérature, la langue scientifique »

Présidence de séance : Cheryl TOMAN

Christoph Oliver MAYER, Université Humboldt de Berlin (Allemagne), « Quand l’Allemagne chante de la France et vice-versa »

Métou KANÉ, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody (Côte d’Ivoire), « Le translinguisme dans la poésie ivoirienne : cas de Les Quatrains du dégoût de Zadi Zaourou et de Wanda Bla ! de Konan Roger Langui »

Patrick OUADIABANTOU, Université Marien Ngouabi, ( République du Congo), « Mots francophones: liens inextricables et destins croisés »

Ousmane DIAO, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), « Analyse lexicale de la terminologie médicale au Sénégal »

Myriam HILOUT, Université Humboldt de Berlin (Allemagne), « L’influence d’un séjour à l’étranger sur l’identité professionnelle et linguistique des enseignants/es de français du secondaire allemand »


Philippe GUILBERT, Ambassade de France en Allemagne, « Les apprenants de français en Allemagne »


5ème séance de travail : « La Francophonie et ses influences : passé, présent, futur »

Présidence de séance : Line SOMMANT

Saholy LETELLIER, Musée de Tadio (Madagascar), Université de Rouen Normandie Grhis, et Sciences Po Paris (France), Le musée francophone des Deux Guerres à Tadio « Musée Johanesa Rafiliposaona », un musée vivant, un musée humaniste.

Didier OUEDRAOGO, Université Paris-Saclay, « La francophonie, entre héritage traumatique et syncrétisme identitaire dans l'espace sahélien »

Christian TREMBLAY, Observatoire européen du plurilinguisme, « Réflexion sur la différence entre « interculturalité » et « multiculturalisme ». Le plurilinguisme en Afrique »

Françoise BOURDON, Cercle des Solidarités francophones en Normandie (France) et Saholy LETELLIER, Musée de Tadio (Madagascar), Université de Rouen Normandie Grhis, et Sciences Po Paris (France), « Échange culturel et linguistique entre Tadio (Madagascar) et Le Houlme (France) »


Clôture de la XXIXe Biennale

Cheryl TOMAN, Présidente de la Biennale de la langue française




A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93