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XXVIIe BIENNALE DE LA LANGUE FRANÇAISE

PARIS 14-16 SEPTEMBRE 2017

Former à l’enseignement plurilingue : le cas du français dans la zone de l’Afrique australe et de l’Océan Indien

Dr. Karen Ferreira-Meyers


Résumé : Dans cette contribution, je parlerai d’abord de la situation actuelle de la formation à l’enseignement du français de la région de l’Afrique australe pour ensuite me pencher sur les propositions de formation qui font partie des résultats d’une étude de quatre ans (2013-2016).

Il s’agira de présenter le projet de recherche intitulé Curriculum, Formation des enseignants et contextualisation du plurilinguisme, financé par l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) (CCPFE-AUF-BOI-S0195COV0401 ). Au début le projet s’est concentré sur l'analyse de la formation des enseignants de français dans un contexte multilingue dans les pays suivants: l’Afrique du Sud, les Comores, Madagascar, Maurice, et les Seychelles.
La principale question de recherche de ce projet peut être résumée comme suit: comment assurer, par le biais de la formation des enseignants, la contextualisation multilingue et multiculturelle dans une situation de contact linguistique ? Le projet comporte une variété d'outils d'enquête (questionnaires, directives d'entrevue, grille d'observation de classe) et un certain nombre d'intervenants régionaux à différents niveaux (représentants gouvernementaux, enseignants, parents, apprenants) afin de savoir si: 1. Le plurilinguisme est un fait réel dans les cours de français de la zone 2. Les enseignants sont-ils formés/équipés pour faire face au plurilinguisme et au pluriculturalisme ?

La communication se terminera par la présentation d’un des deux livrables du projet, à savoir l’unité de guide de formation consacré à l’évaluation, par les enseignants, du plurilinguisme in situ.

Présentation de l’auteure : FERREIRA-MEYERS, Karen, Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ou Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. , University of Swaziland (Coordinatrice de la linguistique et des langues modernes), University of Johannesburg (Chercheur associé). Les recherches de l’auteure se concentrent principalement sur l’autofiction et l’autobiographie, le roman policier africain, l’enseignement et l’apprentissage des langues, l’enseignement et l’apprentissage à distance et le e-learning, l’interprétation et la traduction.


  1. Introduction

Dans cette contribution, je parlerai d’abord de la situation actuelle de la formation à l’enseignement du français de la région de l’Afrique australe pour ensuite me pencher sur les propositions de formation qui font partie des résultats d’une étude de quatre ans (2013-2016).

Il s’agira de présenter le projet de recherche intitulé Curriculum, Formation des enseignants et contextualisation du plurilinguisme, financé par l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) (CCPFE-AUF-BOI-S0195COV0401 ). Au début le projet s’est concentré sur l'analyse de la formation des enseignants de français dans un contexte multilingue dans les pays suivants: l’Afrique du Sud, les Comores, Madagascar, Maurice, et les Seychelles.

La principale question de recherche de ce projet peut être résumée comme suit: comment assurer, par le biais de la formation des enseignants, la contextualisation multilingue et multiculturelle dans une situation de contact linguistique ? Le projet comporte une variété d'outils d'enquête (questionnaires, directives d'entrevue, grille d'observation de classe) et un certain nombre d'intervenants régionaux à différents niveaux (représentants gouvernementaux, enseignants, parents, apprenants) afin de savoir si: 1. Le plurilinguisme est un fait réel dans les cours de français de la zone 2. Les enseignants sont-ils formés/équipés pour faire face au plurilinguisme et au pluriculturalisme ?

L’article se termine par la présentation d’un des deux livrables du projet, à savoir l’unité de guide de formation consacré à l’évaluation, par les enseignants, du plurilinguisme in situ.

  1. Constats de base

A la base du projet sur la formation des enseignants de français face au plurilinguisme, plusieurs concepts et prises de positions ont été notées. D’abord, le plurilinguisme est vu comme un outil essentiel pour la promotion de la citoyenneté démocratique. Selon les chercheurs investis dans ce projet, chaque système éducatif a la responsabilité de promouvoir le plurilinguisme : les élèves et étudiants doivent pouvoir « profiter » des avantages du plurilinguisme, et ce, dès l’âge précoce. En outre, il est important de développer chez eux les compétences nécessaires à l'apprentissage indépendant (l'apprentissage tout au long de la vie) de nouvelles langues.

Selon l’équipe de recherche, l’enseignement plurilingue devrait promouvoir divers éléments. Tout d’abord, la prise de conscience du pourquoi et comment on apprend les langues que l’on a choisies. Ensuite, la prise de conscience et la capacité d'utiliser des compétences transférables dans l'apprentissage des langues afin de s’assurer du respect du plurilinguisme des autres, de la valeur des langues et variétés quelles que soient leur statut perçu dans la société et du respect des cultures contenues dans les langues et les identités culturelles des autres. Enfin, l’approche globale intégrée à l'enseignement des langues dans le curriculum devrait mener à une capacité accrue à percevoir et faire la médiation des relations qui existent entre les langues et les cultures.

  1. La formation à l’enseignement du français en Afrique australe/Océan indien

La région de l’Afrique australe et de l’Océan indien s’étale sur plusieurs milliers de kilomètres carrés et a, en son sein, une diversité linguistique et culturelle certaine. Bien que le statut du français soit très différent d’un côté de la zone, par exemple les Seychelles, à l’autre, par exemple l’Afrique du Sud, des ressemblances au niveau de la formation (ou du manque de formation) et de l’utilisation des compétences langagières des enseignants aussi bien que des apprenants.

Peu de recherches ont été publiées dans ce domaine. En ce qui concerne la formation des enseignants de français en Afrique du Sud, l’étude entreprise par Sophie Delena-Le Roux et Vanessa Everson est intéressante. Selon elles, la demande de français en Afrique du Sud ne cesse d’accroître après 1994 (l’année de la fin officielle de l’Apartheid et le début de l’ouverture vers le continent africain), et il y a donc un réel besoin en professionnels du français langue étrangère (FLE) dans ses systèmes éducatifs et de formation. Malheureusement, jusqu’en 2008, les universités sud-africaines et les autres institutions de formation supérieures n’offraient que des formations à l’enseignement centrées sur des compétences pédagogiques généralistes. En 2007, la Section de français de l’École de Langues et de Littératures de l’Université du Cap, suite à une demande du directeur de l’Alliance Française du Cap, a entamé le processus de mise en place d’une formation pouvant pallier le manque d’enseignants formés à l’enseignement du FLE. Aux Seychelles et aux Comores la situation quant à la formation des enseignants de français n’a été analysée que très récemment aussi, alors qu’à Madagascar, à cause de diverses réformes et changements politiques, il est assez difficile d’examiner la position nationale par rapport à l’enseignement des langues, notamment du français, et, en conséquence directe de cela, la formation à l’enseignement du français souffre.

  1. Le Projet intitulé Curriculum, Contextualisation et Formation des Professeurs de Français

    1. Les premiers pas

      A l’origine de ce projet intitulé Curriculum, Contextualisation et Formation des Professeurs de Français (CCFPE), il y le séminaire de didactique des langues et des cultures qui s’est tenu à Maurice, les 26 et 27 février 2013 sous la coordination de Philippe Blanchet, Marielle Rispail et Rada Tirvassen. Ensuite, une convention a été signée entre six pays de la zone AAOI (l’Afrique du Sud, les Comores, Madagascar, Maurice, le Mozambique et les Seychelles) et l’AUF (l’Association universitaire de la Francophonie).

    2. La convention

      En 2014, une convention a été signée entre l’Ecole Normale Supérieure (porteuse du projet) et le Bureau de l’Afrique australe et de l’Océan indien. Dans cette convention plusieurs paramètres étaient convenus quant au cadrage épistémologique, au cadrage méthodologique et protocole d’enquêtes, à l’acquisition de matériels informatiques et d’ouvrages, à la passation des enquêtes : questionnaires décideur, parent, formateur, enseignant en exercice, élève-professeur, apprenant, aux deux ateliers de régulation et, enfin, à la rédaction de rapports, d’un article collectif et d’une unité de guide de formation.

    3. Les objectifs

      Vu le manque de données déjà indiqué plus haut, le projet a voulu se concentrer sur deux objectifs principaux, notamment la collecte de données pertinentes en matière de formation des enseignants de langues ainsi que la manière dont les curricula réinvestissent les caractéristiques des contextes plurilingues où ils s’inscrivent, et la formulation de recommandations permettant une meilleure prise en compte de tels contextes à partir d’une analyse sociolinguistique et didactique des données. Deux livrables ont été définis dès le début du projet, un article collectif (accepté pour publication en août 2018) et un guide de formation (plus tard réduit à une unité de formation, voir ci-dessous).

    4. Les parties prenants/groups ciblés

      Afin de mieux comprendre le contexte dans les différents pays participant à la recherche, diverses parties prenantes ont participé, à savoir des décideurs en matière d’élaboration et de mise en œuvre de Politique linguistique (PL) et de Politique linguistique éducative (PLE), des parents d’apprenants, des formateurs, des enseignants de langues, des apprenants du second cycle du secondaire et des chercheurs en sciences humaines et sociales, sciences du langage et sciences de l’éducation.

    5. Quelques points clés et défis

      Complexité des situations linguistiques et éducatives en présence ; Décalage persistant entre les textes officiels et les besoins/attentes ; Désir des jeunes de s’ouvrir à la diversité linguistique et culturelle : Besoin de s’investir dans l’innovation en matière de contextualisation plurilingue

      Un programme de recherche complexe tel que celui-ci est riche de par sa thématique et ses enjeux linguistiques, culturels et didactiques. Cependant, il comporte aussi certaines difficultés : d’ordre temporel, relatives aux ressources humaines, liées à la connexion (beaucoup d’éléments de cette recherche se faisant à distance), liées aux limites budgétaires. En revanche, plusieurs points forts sont aussi à noter, notamment la forte cohésion de l’équipe, la volonté de faire valoir les acquis de cette étude, la participation effective aux manifestations scientifiques, et la mobilisation de la réflexion sur les thématiques proposées et de mettre ainsi en perspective les enjeux, la problématique et la démarche de mise en œuvre du programme financé par l’AUF.

  2. Les livrables : 1. Article et 2. Production d’une unité de formation

    1. L’article

      Un article collaboratif (entre les chercheurs de l’Afrique du Sud, de Madagascar, des Seychelles et des Comores) a été rédigé et soumis à évaluation auprès de la revue French Studies in Southern Africa/Etudes françaises en Afrique australe. Il a été accepté pour publication en 2018. L’article répond à la problématique de l’enseignement plurilingue face à l’enseignement du français dans la région, décrit la situation langagière vécue dans les différents pays et la formation des enseignants et demande, dans sa conclusion, un examen de l’évaluation des apprentissages en vue d’une coexistence paisible entre diverses pluralités, à savoir la pluralité des statuts de langues, la pluralité des cultures, la pluralité des communautés, la pluralité des appartenances, la pluralité des instances de socialisation.

    2. L’unité de formation

      Lorsque l’équipe était encore complète (2014-2015) il a été décidé de préparer un guide de formation au plurilinguisme/culturalisme. Lorsque plusieurs collègues n’ont pas pu continuer à œuvrer au sein de l’équipe de recherche (pour des raisons diverses, entre autres personnelles), il a fallu réanalyser l’approche prônée. Ainsi, une réduction de contenu a dû être opérée et nous avons décidé de préparer une seule unité, celle qui nous a semblé la plus urgente. Trois modules ont été intégrés dans cette unité, un premier sur les principes et notions théoriques de base, un deuxième sur les programmes scolaires et un troisième avec des activités d’entraînement en vue de l’évaluation formative des enseignants/apprenants.

      Chaque module ou séquence contient des explications, des activités, une section « Pour en savoir plus », des réponses et des commentaires aux activités. L’unité sera publié sous forme papier et sera aussi accessible en ligne en 2018 (pendant au moins un an). Elle aura une bibliographie et une sitographie, ainsi que plusieurs annexes et un lexique multilingue.

  3. Conclusion

    Plusieurs conclusions et recommandations sont à faire à partir du projet CCFPE. Je me limite à trois idées principales qui seront complétées et développées dans l’article. D’abord, il faut noter l’importance de revisiter les curricula relatifs à l’enseignement/apprentissage du français. Ensuite, soulignons la nécessité de poursuivre la réflexion sur les tensions ou schémas de complémentarité avec les autres langues-cultures en contact, car l’élaboration de politiques linguistiques éducatives adaptées et contextualisées en dépend. Enfin, et cela vaut pour tout programme de recherche, il faudra en analyser l’impact à long terme: visible à partir du nombre d'écoles et d'établissements de formation réinvestissant les recommandations pour la contextualisation plurilingue, le nombre de décideurs informés par pays (ministères), le nombre de centres de recherche informés et qui mobiliseront de nouveaux sujets de recherche.