Biennale de la Langue Française

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Les littératures francophones du Maghreb et d’Afrique occidentale:

Enrichissement du patrimoine culturel mondial grâce à la langue française.


Mohamed TAIFI

PhD en littérature générale et comparée.

Ancien Professeur de littératures françaises et africaines dans les Universités marocaines.

Directeur de recherches doctorales.

Romancier

Actuellement: Professeur de littérature maghrébine et africaine à l’Institut Militaire de Virginie, USA


Tout d’abord, je tiens à remercier vivement les organisateurs de cette magnifique manifestation culturelle. Et plus particulièrement la présidente de la «Biennale de la Langue Française» : Madame Cheryl Toman et toute son équipe.

Permettez-moi de rentrer, tout de suite, dans le vif du sujet, car le temps ne pardonne jamais et je n’aime pas, tout simplement, que le président de séance me glisse des bouts de papier pour m’annoncer que mon temps de parole est presque achevé. J’ai donc choisi pour cette intervention de parler des littératures d’expression française et plus particulièrement des littératures francophones du Maghreb et d’Afrique occidentale. Comme je l’ai déjà annoncé, ces littératures enrichissent les littératures françaises de l’hexagone, au lieu de les appauvrir. Les auteurs francophones, non seulement, ils utilisent la langue française dans toute sa pureté, mais ils l’utilisent surtout pour transmettre toute une culture et toute une histoire totalement différente des cultures occidentales, pour transmettre des cultures millénaires que les lecteurs du monde entier découvrent avec émerveillement.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais tout d’abord insister sur ce que la langue française nous tout d’abord donné. Bien sûr je me contenterai de parler uniquement de littérature.

La langue française donc, depuis l’éclatement du latin, a commencé à se développer à un rythme exceptionnel. On commence déjà à lire quelques beaux poèmes à la fin du 15ème siècle, comme celui de François Villon: « Que sont mes amis devenus?»

Mais c’est au 16ème siècle, qu’on a eu droit à de grands poètes comme Du Bellay, Ronsar, et autres et beaucoup d’anciens étudiants de ma génération, se rappellent encore le joli poème de Ronsard:«Mignonne, allons voir si la rose qui ce matin avait éclose…Ou encore: «Cueillez, cueillez votre jeunesse, comme à cette fleur la vieillesse fera ternir votre beauté ». Il y a également «les Essais» de Montaigne qui ont marqué cette belle période littéraire.

Au 17ème siècle c’est alors le règne du classicisme, la langue française est devenue pure et limpide. Beaucoup de tragédies viennent nourrir notre culture. Je me contenterai là encore de ne citer que quelques-uns des auteurs de l’époque, comme Racine, avec: Phèdre,:

(Ariane oh ma sœur de quel amour blessé

Vous mourûtes au bord où vous fûtes laissée»,

Corneille, auteur du Cid, avec cette belle tirade:

« Oh rage! Oh désespoir! Oh vieillesse ennemie!

N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?

Ou encore

Rodrigue as-tu du cœur!

Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix

Adieu ce mot lâché me fait rougir de honte.»


Molière avec Tartuffe, le Misanthrope ou encore Don Juan. Citons sa fameuse phrase hypocrite:

Cachez ce sein que je ne saurai voir!

La Fontaine avec ses fables qui ont fait le tour du monde et Pascal avec ses Pensées où nous trouvons beaucoup de sagesse et de bon sens et qui ont appris que l’homme se situe entre les deux infinis: L’infiniment petit et l’infiniment grand. Comme il nous a d’ailleurs appris à considérer que toute vérité n’est que relative: Vérité en deça des Pyrénées, erreur en delà» dit-il dans les Pensées.

Le 18ème siècle lui, se distingue par les philosophes des Lumières, tels que Voltaire, Diderot, Rousseau, Montesquieu et autres qui ont inculqué l’esprit critique au monde entier et qui ont préparé la révolution, les œuvres littéraires; Candide de Voltaire, Jacques le fataliste de Diderot ou encore Le discours sur l’inégalité de Jean Jacques Rousseau et les Lettres persanes de Montesquieu sont enseignées dans presque toutes les universités des pays francophones.

Le dix-neuvième siècle quant à lui est considéré comme le massif central de la littérature française. Balzac avec sa Comédie humaine et qui a créé des centaines de personnages, du père Goriot aux Misères et splendeurs des courtisanes, à la Peau de chagrin et à bien d’autres ouvrages à caractères philosophiques, nous découvrons la société de l’époque. Emile Zola, avec «les Rougon Macquart» n’est pas moins prolixe et a produit des œuvres d’une beauté incomparable, de Germinal à la Terre, à l’Assommoir, au Ventre de Paris, toutes les couches sociales de l’époque ont été passées au crible. Comment peut-on oublier à la fin de ce grand siècle les poètes maudits; Verlaine, Rimbaud, et Baudelaire. Des poèmes qui marquent les esprits sour toutes les latitudes et qui résistent au temps.

Le vingtième siècle nous offre pour sa part de grands écrivains et philosophes, comme Jean Paul Sartre avec La Nausée, Le Mur et le grand chef d’œuvre: l’Etre et le néant, Albert Camus avec L'Etranger, Le Malentendu et L’Homme révolté, entre autres, mais aussi d’illustres romanciers comme Louis Ferdinand de Céline avec son Voyage au bout de la nuit, André Malraux avec L'Espoir François Mauriac avec Thérèse Desqueyroux , André Gide avec: Les Nourritures terrestres . Nous ne pouvons naturellement pas citer tous les mouvements littéraires qu’a connus le vingtième siècle, des surréalistes avec André Breton jusqu’aux structuralistes, jusque, évidemment, aux œuvres de Roland Barthes. Le cadre d’une conférence ne le permet pas.

La langue française nous a permis également de connaitre de grands poètes et chansonniers, comme George Brassens, avec:Toi l’auvergnat ou encore: Quand Margot dégrafait son corsage… Jacques Brel, avec Ne me quitte pas ou sur le port d’Amsterdam, Léo Ferré avec Le temps va tout s’en va, Serge Reggiani avec: Mon enfant, Charles Aznavour aves sa Bohème ou encore Yves Montand, avec ses Feuilles mortes, Georges Moustaki et sa Gueule de métèque, Gilbert Bécaud avec son guide Nathalie , Jean Ferrat avec sa montagne ou encore Edith Piaf avec Non je ne regrette rien et autres chanteurs et chanteuses qui ont accompagné nos années de jeunesse.

La littérature française nous a également permis de découvrir d’autres littératures étrangères, par le biais de la traduction, telles que les littératures russes, allemandes ou d’Amérique latine. Comment pourrions découvrir Le pavillon des cancéreux, Le premier cercle et Une journée d’Ivan Denisovitch de Soljenitsyne ou encore La montagne magique de Thomas Mann et Le procès de Kafka sans oublier Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, s’ils n’avaient pas été traduits en langue française? On n’a pu donc découvrir toutes ces merveilles, que grâce à la langue française.

Passons maintenant aux littératures francophones écrites par les anciens colonisés, et qui à leur tour, enrichissent de manière certaine les littératures du monde.

Avant de commencer à citer quelques grandes œuvres francophones d’Afrique occidentale et du Maghreb, pour étayer mon approche, je me permets de citer cette légendaire phrase de Jean-Paul Sartre tirée de sa préface à «l’anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française » qui s’intitule Orphée noir, et qui, d’une seule tournure, résume toute la problématique que rencontrent les écrivains africains de langue française.

«L’homme insulté dit-il, asservi, qui se redresse, ramasse le mot qu’on lui a jeté, comme une pierre, et se revendique comme Noir en face du Blanc, dans sa fierté

Les écrivains africains et maghrébins de langue française ont également opté pour écrire en langue française, langue de l’ancien colonisateur pour adresser à ce dernier toutes sortes de critiques sur ses comportements abjects et inhumains durant les périodes obscures de la colonisation. Ils utilisent également cette même langue pour mettre en valeur toutes les spécificités qui caractérisent les cultures et l’histoire des peuples francophones, longtemps asservis et humiliés.

Pour élucider cette idée, je me contenterai tout simplement, et par manque de temps, de donner la parole à certains écrivains francophones du Maghreb et d’Afrique occidentale, pour qu’ils puissent eux-mêmes montrer que la langue française est un outil parfaitement adéquat pour dénoncer toutes les actions entreprises pendant de longues années. Cette même langue leur a permis de redorer le blason de leurs cultures ancestrales. Celle belle langue française se retourne avec aisance et complicité contre ces étrangers venus d’ailleurs pour dominer, réprimer, mépriser et humilier les autochtones, victimes innocentes de tous ces agissements. La langue française donc, permettra aux écrivains francophones de raconter leurs déboires et les vicissitudes de la vie. Et ainsi, de prendre leur revanche en expliquant que leur la civilisation africaine est de loin, la plus juste, la plus humaine et en considérant que l’homme blanc est faible et fragile et qu’il ne résiste pas aux aléas de la nature.

On ne peut pas parler des débuts de cette littérature de langue française sans songer à Batouala, sous-titré: véritable roman nègre de René Maran et qui a été le premier écrivain à constater et à enregistrer. René Maran était pratiquement le premier noir de France à oser crier la vérité sur certaines méthodes de la colonisation, à révéler la vraie mentalité des noirs et ce qu’ils pensent des Européens. Dans Batouala, les allusions aux manières des blancs abondent:

«Aha! les hommes blancs de peau. Qu’étaient –ils donc venus chercher, si loin de chez eux, en pays noir? Comme ils feraient mieux, tous, de regagner leurs terres et de n’en plus bouger: Batouala page 21.

Plus loin il ajoute: ce n’est pas d'aujourd’hui qu’on sait que les hommes à peau blanche sont plus douillets que les hommes à peau noire «Les blancs pestent contre les piqures des moustiques, celles des Fourons les irritent, ils craignent les mouches maçonnes, ils ont peur de cette écrevisse de terre qu’est «Pakongo», le scorpion» En un mot, tout les inquiète et il termine ; «Ah les blancs, n’affirmait-on pas que leurs pieds n’étaient qu’une infection!»

Paul Hazoume quant à lui, dans son chef d’œuvre: Doguicimi », toujours grâce à la beauté et à l’efficacité de cette même langue française, insiste également sur les comportements des blancs. Par la bouche de son personnage Toffa, il expose les faiblesses des blancs qui venaient s’installer en Afrique et Toffa ne comprenait ni leur langue, ni leurs agissements et s’étonne de voir les noirs courageux et forts, écrasés par ces hommes de rien: Drôles d’amis dit-il, pour répondre au roi Guezo qui essaye de le convaincre…«Drôles d’amis que des gens qu’on entoure d’affection et qui n’en rendent jamais la réciproque mais qui, pour s’enrichir encouragent les ‘Dahamenouis» à se faire tuer dans d’incessantes guerres et à s’empoisonner par l’alcool. Critiquant leur manière de faire la guerre, Toffa continue: On assure pourtant qu’ils font la guerre chez eux. Mais tout nous dit qu’ils n’affrontent pas leurs ennemis et ne soutiennent pas des luttes corps à corps, le sabre à la main. N’est-ce pas dans ces combats qu’on reconnait les hommes forts ?

Toutes ces invasions ont été déjà pressenties par des vieillards visionnaires qui ont la capacité de lire l’avenir. Mogo Wa Kebirio raconta sur le ton qui lui était habituel: «Des étrangers arriveraient, venant de la mer, leurs habits ressemblent à des ailes de papillons, leur bâton magique sont capables de produire du feu, leur serpent de fer cracherait des flammes. Bien des années avant Mogo Kebiro, le vieillard de Diderot dans «Supplément au voyage de Bougainville », disait en s’adressant aux Tahitiens: Pleurez!, mais que ce soit de l’arrivée et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants. Un jour, vous les connaitrez mieux. Ils reviendront vous enchainer, vous égorger, vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices.

Dans «le Royaume des sables», Mbengue Mamadou Seyni, ridiculise quant à lui le chef blanc désabusé et qui songe malgré lui:«Après tout, je suis peut-être en proie à une illusion d’optique et s’adressant à son capitaine: Qui sait capitaine, peut être que ces gens que nous poursuivons se sont à présent confondus avec la nature», grâce à quelques procèdes magiques de leurs sorciers. Dans la conception des combattants blancs, les nègres se confondent avec le soleil.

Yambo Ouolguem, utilisant toujours, cette langue française qui lui appartient aussi, s’exprime pour sa part, dans Devoir de Violence, et avec son style violent et sur cet état de chose:«De l’envahisseur, plus de cent éclaireurs explosèrent pour avoir bu un peu d’eau des étangs empoisonnés, maints tirailleurs noirs épouvantés à ce spectacle désertèrent l’armée des blancs tirés par des fléchettes également empoisonnées ». Il dit plus loin décrivant la caravane des souffreteux fuyant la guerre: «enfants, malades, invalides tués à coups de crosses et de baïonnettes et leurs cadavres laissés au bord de la route. Une femme est trouvée accroupie, elle est enceinte. On la pousse, on la bouscule à coups de genoux. Elle accouche debout en marchant. A peine coupé le cordon et jeté d’un coup de pied hors la route, l’on avance sans s’inquiéter de la mère hagarde, qui boitille, titube…tombe cent mètres plus loin écrasée par la foule. «Avec l’avancée vertigineuse des armées blanches, la marche macabre des souffreteux continue aussi et l’on voit des caravanes de negriers poussant devant eux la lamentable théorie d’hommes et de femmes, d’enfants couverts d’ulcères étranglés par le carcan.

«En vol serrés, corbeaux, charognards, vautours chauves au long cou pelé les suivent certains qu’à chacune de ces étapes, ils auront à se repaitre

Racontant les balafres de l’Histoire, Sembene Ousmane quant à lui dans les ‘Bouts de bois de Dieu’ Edition Pocket Paris 1971 nous dit:«Depuis ma naissance et bien avant celle de mon père et du sien, tout le pays ne vécut que dans l’attente d’être capturé et vendu aux blancs. A des lieux de là, la nouvelle se répandit on venait des villages les plus reculés pour consulter, la grand –mère et au long des ans, et des siècles; voilà comment nos ancêtres eurent des masques

A l’instar de beaucoup d’autres romanciers africains de langue française, Sembene Ousmane dénonce en outre le racisme instauré par les colonisateurs. Il donne l’exemple incontournable des villes qui sont un signe absolument fort de l’injustice sociale et du racisme. Le quartier occupé par les blancs, dit-il, dans Les bouts de bois de Dieu et appelé ironiquement «Le Vatican» est décrit ainsi: «Toutes semblables avec leurs toits de série, leurs pelouses vertes bien entretenues, leurs allées ratissées, leurs perrons que ceinture une balustrade de ciment, les villas des employés blancs de la régie s’alignaient pour former un quartier bien à part de la ville.

A l’opposé, tout à fait à l’opposé du quartier chic où résident les blancs des bidons défoncés, …des sommiers des plaques de tôles cabossées et lacérées, des blocs de moteurs des amas d’ordure de carcasses de chats de rats de poulets dont les charognes se disputent les rares lambeaux: Thiès.

Dans le vieux nègre et la médaille, Ferdinand OYono insiste sur la cruauté avec laquelle les blancs traitent les indigènes qu’ils surprennent dans leurs quartiers» «Quand péniblement il revint à lui Meka, un faisceau de lumière l’inondait. Il perçut les visages balafrés des policiers qui braillaient au-dessus de lui:»

Lève-tôt! cochon malade! Tes papiers? Heiin! tes Papiers? d’où sors-tu? Qu’est-ce que tu fais par ici… Hein par ici au quartier des blancs? A minuit, pendant l’orage! et tes complices? ou sont tes complices?»

Franz Fanon dans son chapitre intitule «Le nègre et la psychopathologie, affirme que ce sentiment d’infériorité inculqué aux noirs qui se contentent de dire «Messi, Messi»: ne manquera pas d’avoir des conséquences néfastes tant au niveau culturel qu’au niveau du vécu même physique et psychique. Il affirme que cette morbidité se situe déjà au niveau de la famille. Dès le bas âge, l’enfant européen blanc encore malléable, adopte la vision du monde de son entourage. Une conception raciste lui est donc inculquée. Les parents inculquent également aux enfants l’idée du noir violeur. Les nègres ont la puissance sexuelle, Fanon pousse l’analyse jusqu’à considérer que le lynchage du nègre est peut-être une vengeance sexuelle.

Un autre écrivain, d’expression française, mais cette fois au Maghreb, au Maroc exactement, Mohamed Taifi, dans son roman intitulé : La source enragée publié aux éditions Marsan à Rabat, décrit quant à lui l’arrivée des colonisateurs sur les terres de ses ancêtres: «Armées jusqu’aux dents, les forces destructrices de l’ennemi, avançaient pourtant à grands pas, envahissantes chants de blé. Des moineaux s’envolèrent devant les chars, les chevaux hennissaient, les chiens aboyaient, les hommes, eux se taisaient. Village après village, région après région, le ronronnement des moteurs et le bruit de bottes remplissaient l’air et, derrière les caravanes meurtrières, dans les champs dévastés, les cadavres puaient. Le douar brulé, il ne resta plus bientôt à la place de ces demeures pleines d’objets intimes et de vie, qu’une montagne de cendre grise sur laquelle, après les pluies, poussèrent de belles fleurs roses et vertes, bleues et jaunes. Pour les Ait Ali Ou Hammou, une page était tournée.»


Après cette phase du refus du colonisateur et des dégâts immenses qu’il a commis et qui ne seront pratiquement jamais oubliés, vient la phase du refuge dans les traditions ancestrales en d’autres termes, le retour au monde clos, les romanciers francophones se tournent alors vers l’étude des sociétés primitives, celles qui n’ont pas encore subi le viol des civilisations étrangères. Ils nous retracent l’itinéraire de l’africain du berceau à la tombe. Ce faisant, ils exhibent les pratiques sociales, mais aussi les mythes et légendes qui déterminent les agissements et les comportements des africains. Les phases initiatiques par exemple, permettent à l’enfant de s’humaniser et de se socialiser, et l’aident à passer de l‘état de nature à l’état de culture. Contrecarrant l’éducation moderne qui encourage la notion de l’individu et qui isole progressivement l’enfant du cercle familial, l’éducation traditionnelle se trace comme objectif de reproduire des modèles dans le système de valeurs propres à l’Afrique. On se rappelle par exemple, comment L’enfant noir de Camara Laye passe ses journées entières auprès de son père pour apprendre le métier de la caste et lier intimement connaissance avec le serpent, totem de la famille.

On se rappelle aussi les personnages de Nazi Boni sur ces questions de formations. Les écrivains africains considèrent que les vieux sont les possesseurs du savoir qu’ils distribuent par paliers, refusant de délivrer le secret dans sa totalité. Nazi Bon dans «Crépuscule des temps anciens », souligne que pour les vieux, il s’agit de remettre chacun à sa place. Les sages africains pensent que la meilleure manière de respecter le Maitre des Mondes est de se maintenir à sa place. L’irruption du désordre causé par la colonisation et l’implantation forcée de nouveaux modèles religieux, économique, provoquent les malheurs du monde africain. Pour reprendre un terme cher à Louis Vincent Thomas» C’est la vie contrariée, la violence du sacre’.

Le désordre se présente sous une multiplicité de figures, saleté, pourriture, maladies, guerres, orgies stérilité et autres. Le désordre est surtout de n’être pas à sa place. Cheikh Hamidou Kane pour sa part, dans son chef d’œuvre: L’aventure ambiguë ajoute: Le désordre supprime les hiérarchies et détruit les mesures»

Ces écrivains ont également dénoncé la christianisation forcée des peuples noirs, ces derniers ont compris que: «Le prêtre et le commandant, c’est la même chose.» Ils redorent le blason des religions ancestrales et considèrent que l’animisme est une vision du monde où l’on croit à l’existence des êtres et des forces de la nature et au dynamisme des esprits capables d’intervenir dans la vie des hommes. Dans un article sur cette question, Sami BI rapporte: En dépit des diversités, les religions traditionnelles, on s’adresse alors aux nombreux Dieux secondaires chargés des affaires terrestres. Et le mythe continue et explique les raisons de l’éloignement de Dieu». «Jadis nous dit Semi Bi, «le ciel était proche de la terre, Bumblvun vivait avec les hommes si proches même que les hommes ne pouvaient se déplacer que le dos courbé. Par contre, ils n’avaient pas de soucis à se faire pour leur substance; il leur suffisait de tendre la main pour déchirer les lambeaux du ciel et les manger ». Mais un jour, la fille du chef qui était une méchante qui fait tout à l’envers, au lieu de prendre les morceaux de voute céleste pour se nourrir, commença à regarder à terre et à choisir les graines qu’elle y trouvait. Elle se fit un mortier pour écraser les graines qu’elle avait choisies sur le sol. A genoux à terre, chaque fois qu’elle levait son pilon, celui-ci allait frapper le ciel et Dieu. Gênée dans son travail, la jeune fille dit au ciel: Dieu ne vas-tu pas t‘éloigner un peu?, le ciel s’éloigna un peu et la jeune fille put se tenir debout. Elle continua et à mesure qu’elle pilait ses graines, elle levait un peu son pilon plus haut. Elle implora le ciel qui s’éloigna encore un peu. A la troisième imploration, le ciel outré, s’en alla au loin là où il est maintenant. Depuis, ce temps, les hommes marchent et se tiennent debout, ils ne se nourrissent plus des lambeaux du ciel, ils sont devenus mangeurs de mil. De plus, Dieu ne se montre plus aux hommes comme jadis où tous les soirs, il venait régler leurs palabres: C’est la guerre.

Bien évidemment, en plus de tous ces romans francophones qui relatent maints détails sur la vie secrète africaine, mais aussi sur les dégâts causés par l‘histoire, il y a les poèmes de Léopold Sedar Senghor, d’Aimé Césaire et de centaines d’autres poètes, jeunes et moins jeunes, qui glorifient la culture et la civilisation africaine.

Ce tour d’Horizon bien bref, cela va de soi, car des centaines de romanciers d’expression française, au Maghreb et en Afrique occidentale, tels que Driss Chraïbi, Abdelkebir Khatibi, Mohammed kheir Eddine ,Tahar Ben Jelloun, Kateb Yacine, Rachid Boujedra, Abdelhaq Serhane entre autres, au Maghreb, et Ahmadou Kourouma , Mongo Béti, Bernard Dadie, Monembo Thierno, Abdoulaye Sadji et bien d’autres romanciers que je ne peux pas mentionner ici, et qui ont pris en charge, dans leurs œuvres, toute cette problématique et fait découvrir au monde francophone des réalités historiques, sociales, culturelles, religieuses ainsi que toutes ces richesses venues d’ailleurs. Ces auteurs ont montré également, qu’il y a d’autres manières de vivre et de penser et qu’il n’y a pas que l’Hexagone qui expose ses richesses historiques et culturelles à travers la langue française. Grâce donc à la langue française, léguée par la colonisation, les pays d’expression française, comme le Maghreb, l’Afrique occidentale, le Canada, le Vietnam, quelques îles en Amérique du Nord, le Golfe du Mexique, ainsi que certains pays d’Amérique latine, peuvent transmettre également leur identité culturelle au monde entier. La langue française, ici relie entre eux, les peuples du monde entier. Elle ne s’est pas enfermée dans ses frontières géographiques, ce qui l’aurait appauvrie énormément.

Si la colonisation a été perçue comme une grave erreur de l’histoire, elle a par contre légué cette belle langue qui n’appartient plus uniquement aux peuples de France, mais aux peuples de la planète toute entière.


 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXVIIIe Biennale

SOMMAIRE DES ACTES XXVIIIe BIENNALE

Livre XXVIII : Bilinguisme, plurilinguisme : mythes et réalités. Quels atouts pour la francophonie ?


Sommaire

Programme de la XXVIIIe Biennale

Discours de Guillaume LACROIX

Discours d'ouverture de Cheryl TOMAN

Discours de John IRELAND


Le bi ou plurilinguisme dans différents pays: état des lieux

Karen FERREIRA-MEYERS

Anida KISI

Mohand Ouali DJEBLI et Saliha AMGHAR

Françoise BOURDON et Saholy LETELLIER


Impact du plurilinguisme selon les contextes

Charles BRASART

Lionel CUILLÉ

Ousmane DIAO et Babacar FAYE

Anne-Laure BIALES


Quand la langue française se suffit à elle-même: ses diverses formes

Gossouhon SEKONGO

Douglas A. KIBBEE


Statut de la langue française et des langues officielles et idéologies

Bechir BESSAI

Eimma CHEBINOU

Cosme FANDY

Djamila HAMIMECHE et Meriem STAMBOULI

Yvon PANTALACCI


Supports, méthodes pour l’apprentissage de la langue française

Dalila ABADI

Mohammad ELMATALQAH

Jessica STURM

Juliette DUTHOIT et Clotilde LANDAIS


Apprentissages scolaire et universitaire de la langue française

Leila SASSI

Karima GOUAICH, Muriel ZOUGS et Fatima CHNANE-DAVIN

Reina SLEIMAN

Yves MONTENAY


Table ronde Le français professionnel

Clotilde LANDAIS

Fabienne PIZOT-HAYMORE

Charlotte SANPERE


Bi et plurilinguisme dans l’œuvre de certains auteurs

Lilas AL-DAKR

Anne-Laure RIGEADE

Julia DILIBERTI

Marcos EYMAR

Sarah KOUIDER RABAH

Fadoua ROH


Bi et plurilinguisme dans la littérature francophone

Mohamed TAIFI

Maribel PEÑALVER VICEA


Le bi ou plurilinguisme dans des lieux géographiques particuliers

Samantha COOK

Vicky BEAUDETTE

Cheryl TOMAN


La langue française et ses métissages linguistiques

Abdelaziz BERKAI

Maurice TETNE

Patrick OUADIABANTOU


Discours de clôture de Cheryl TOMAN



A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93