Biennale de la Langue Française

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Les Actes
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Communication en langue française dans les entreprises franco-allemandes (en Europe, en Afrique et dans le monde) , le point de vue du praticien

Antoine Broquet

-          Entreprise franco-allemande : la situation linguistique

o   Langue de travail, langue d’échange : le formel et l’informel dans les modes de fonctionnement et relations de travail

o   Quelles langues de référence pour les entreprises franco-allemandes ?

o   Le rôle de l’anglais dans ces entreprises

o   La situation des monolingues français ou allemands

-          Le français une langue transnationale

o   Une langue qui est plus que celle de la France

o   Une langue pour plusieurs cultures en Europe et hors d’Europe

o   La seule langue de travail pour beaucoup hors de France

-          Langue de travail et culture de travail : français et allemand ?

o   La maîtrise des langues n’est pas celle pas des cultures de travail

o   Le rôle des solutions automatisées : l’intelligence artificielle

-          Sommes-nous condamnés au multilinguisme ?


J’ai eu l’occasion depuis 25 ans de vivre cette interculturalité franco-allemande en de nombreuses occasions et elle est devenue un des domaines auquel je suis souvent confronté. Au début de mon parcours professionnel, je suis intervenu deux fois en Allemagne comme consultant en organisation industrielle dans le domaine de la pharmacie à Francfort pour Aventis (fusion Hoechst – Rhone Poulenc) puis à Hambourg auprès d’Airbus. Après un passage au siège parisien de la division logistique de Peugeot et Citroën, j’ai pris en charge la responsabilité opérationnelle d’une entité à Osnabrück (Basse-Saxe) pour ce même groupe. Ensuite j’ai pris en charge la responsabilité de l’audit interne de la partie allemande d’un groupe franco-allemand d’armement pour ensuite être appelé à prendre la direction des filiales suisses et allemandes d’ECOCERT à Constance.

La langue française n’est pas un objet d’étude réservé aux experts et défenseurs de la francophonie mais c’est aussi une préoccupation opérationnelle des organisations au travers de la question des langues et des cultures de travail. Dans quelle langue devons-nous conduire nos opérations et nos affaires ? Selon quelles grilles de lecture culturelles devons-nous appréhender nos organisations ? La maîtrise du français est-elle un point important pour apprécier une candidature ou une évolution professionnelle ?

Il est nécessaire de commencer par la question francophone au sein des organisations comprises comme partiellement ou principalement franco-allemandes, enfin aborder ce qu’évoque cette langue française qui n’est pas que française, et enfin élargir la question de l’interculturalité aux cultures de travail.

La notion d’entreprises franco-allemandes semble pouvoir être élargie aux situations franco-allemandes au sens large par exemple au sein d’Airbus théoriquement bâtie autour de quatre pays mais où les problématiques franco-allemandes sont souvent centrales. Dans ces contextes la question linguistique est d’emblée un ménage à trois avec l’anglais en plus de l’allemand et du français. Dans des domaines comme la pharmacie ou l’aéronautique, la langue sera souvent l’anglais pour tout courriel important afin d’en permettre le partage auprès d’autres parties prenantes internes ou externes. L’écrit non formel (messagerie instantanée) sera lui dans une des deux langues ou dans une troisième l’anglais. Durant un audit suivant une fusion de deux sociétés il avait été demandé de tout faire en anglais y compris les discussions informelles pour éviter les incompréhensions dans un contexte de rapprochement.

Dans des organisations plus petites c’est la langue du lieu qui sera la langue de travail et du quotidien, l’allemand ou bien le français seront la langue du groupe. Ainsi les Allemands parlant le français s’exprimeront avec plaisir dans cette langue et l’utiliseront pour évoluer dans le groupe sans pour autant que ce soit un outil quotidien sur le lieu de travail. Sur un entrepôt à Osnabrück deux employés utilisaient le français (flux entre la France et l’Allemagne) ; nous échangions souvent en français mais sans que ce soit notre langue de travail. Nous restions en allemand pour les questions opérationnelles car nous devions pouvoir intégrer les membres de l’équipe dans nos discussions.

L’anglais n’est pas toujours aussi bien parlé qu’on le suppose un peu trop facilement vu des sièges sociaux et des aires urbaines en général. Un travail de confiance ne pourra réellement advenir qu’en parlant ici l’allemand ou le français, voir une autre langue pivot. Et il me parait important de préciser que ceux qui sont les plus attachés à la langue française ne sont pas forcément les habitants de la France métropolitaine


En effet un des éléments les plus significatifs des organisations franco-allemandes réside dans le fait que si l’allemand est la langue d’une culture, sans rentrer dans les débats sur la proximité culturelle entre la Poméranie et le canton de Schwyz, le français est, lui, celle de plusieurs cultures, y compris même Europe. Il n’est pas toujours facile de faire comprendre que la maîtrise de la langue française n’induit pas nécessairement des éléments de comportement personnels ou professionnels similaires ou même proches.

Les francophones non européens ne peuvent pas toujours passer par l’anglais et il faut faire comprendre pourquoi. En effet, beaucoup demandent pourquoi ils ne parlent pas anglais s’ils savent le français… Il convient ici d’expliquer que le français est une langue maternelle ou vernaculaire pour beaucoup hors d’Europe et que l’anglais devient ici une troisième langue. J’ai dû le faire notamment pour faciliter les échanges entre des équipes allemandes et ivoiriennes. La situation m’a paru plus facilement comprise avec des interlocuteurs espagnols car connaissant, eux aussi, très bien leur Hispanidad.

La maîtrise du français est ici un moyen indispensable pour travailler dans certaines régions hors d’Europe et s’impose alors, au même titre que d’autres langues mondiales. Vis-à-vis de l’allemand elle apporte ici un avantage net et peut ainsi inviter à valoriser les profils francophones. Il est plus difficile de le faire quand il s’agit de travailler avec l’Europe (France, Suisse, Belgique…) où la solution anglophone s’impose plus facilement.


La question de la langue n’est évidemment pas le seul déterminant culturel dans quelconque organisation. Les modes de fonctionnement et les méthodes de communication. Je prendrai comme exemple le monde de l’industrie pharmaceutique qui n’est pas seulement inter-national mais global dans le sens où les polarités nationales m’ont semblé moins prégnantes que dans d’autres secteurs. J’ai vécu une situation qui m’a toujours paru significative du fait que la dimension culturelle d’une organisation n’était que partiellement liée à la langue. Au début des années 2000 Aventis issue de la fusion de deux géants pharmaceutiques français et allemands organise, dans le cadre du rapprochement, un atelier à Kansas City aux Etats-Unis. Des équipes étaient venues des Etats-Unis, du Japon, du Brésil, de France, d’Allemagne et d’Angleterre. Un restaurant a été organisé avec toutes les équipes. Comment se regroupèrent les participants ? Tous les européens ont mangé ensemble et les américains, brésiliens et japonais ont constitué trois autres groupes. Il est important de préciser que le niveau d’anglais de tous était excellent. La clef était culturelle : les européens sont restés entre eux alors même la ligne de fracture culturelle du groupe (fusion franco-allemande) était intra-européenne et, surtout, les anglophones d’Europe n’avaient pas rejoint ceux du Kansas. Le facteur d’agrégation culturelle était ici européen. Une fois revenue en Europe, la grille de lecture franco-allemande est revenue et les blocs linguistiques français et allemands redevenaient « lisibles ». Confrontée au reste du monde, nous étions des européens, sans lui nous redevenions français et allemands, consultants compris.

La grille de lecture des interactions était celle de la culture de chacune des organisations fusionnées, dont la langue n’est qu’un des paramètres, elles sont les descendantes directes des matrices culturelles des entités fusionnées, françaises ou allemandes. On travaillait en bon allemand ou en bon français mais en anglais, tout simplement.

La question de la langue de travail unique, l’anglais, ne pouvait donc qu’être une fausse solution et même un rideau de fumée noyant les échanges dans une fausse simplicité. Ainsi la diffusion massive des solutions de traduction automatique, très performantes, continue à propager ce mythe de la traduction comme solution. Un courriel structuré en allemand traduit en français restera un courriel « allemand », les machines ne comprennent pas très bien les précautions de langages entre autres. Il est ici conseillé de savoir relire la traduction ou, au moins, d’être conscient des risques de l’exercice.

Nous pourrions développer cette approche j’imagine dans un contexte franco-ivoirien ou bien maroco-malgache. Même sans être soumis à la question de la traduction, il me semble nécessaire de soumettre à une rapide analyse culturelle les messages importants. Mais les connaisseurs des questions interculturelles le font sans même y penser.


Voici quelques éléments qui s’imposent à moi dans le cadre. La langue française n’est plus la langue étrangère qu’on apprenait au début du siècle dernier dans les écoles tchèques ou polonaises. Elle n’est plus une langue dominante et elle doit être défendue avec de très bon arguments en Europe (et un peu de militantisme). Elle s’imposera d’elle-même bien plus loin de son lieu de naissance. Ceci me semble valable dans les contextes franco-allemands. La langue française n’est plus celle des siècles derniers et le monolinguisme francophone n’a plus d’avenir. En revanche, le français dans les entreprises est une deuxième langue qui permet d’aller loin et c’est ainsi qu’elle trouvera sa nouvelle place avec des centres de gravité sur plusieurs continents.

 


Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXIXe Biennale

SOMMAIRE DES ACTES XXIXe BIENNALE

LIVRE XXIX :

Sommaire


Séance d'ouverture de la XXIXe Biennale

Cheryl TOMAN, Présidente de la Biennale de la langue française

Cyril BLONDEL, Directeur de l’Institut français d’Allemagne

Christoph BLOSEN, Ministère fédéral des Affaires étrangères


1ère séance de travail : « Les apports de la langue germanique dans la langue française »

Présidence de séance : Lamia BOUKHANNOUCHE

Anne-Laure RIGEADE, Docteur en littérature comparée, (France) «L'oeuvre bilingue de Anne Weber, une épopée franco-allemande »

Line SOMMANT, Journaliste, auteur, linguiste, Université Paris 3-Sorbonne nouvelle, Paris (France), « De l’influence des langues germaniques sur la langue française »

Claire Anne MAGNÈS, Poètesse, critique littéraire, journaliste (Belgique) , « Comment vous appelez-vous ? les prénoms français d’origine germanique » lu par Cheryl Toman


Table ronde : « Réalités des francophonies en Allemagne:

Quelles pratiques pour la langue française dans un contexte où son usage est minoritaire. »

Modération : Luc PAQUIER, Directeur de la Maison des Francophonies à Berlin

Alexander HOMANN, Délégué général de la Communauté germanophone de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie à Berlin

Delphine de STOUTZ, Autrice Traductrice, directrice de projets, et maman Suisse vivant en Allemagne

Anne-Chrystelle BAETZ, Présidente de l'association Emploi Allemagne.


2ème séance de travail : « Interculturalités franco-allemandes : aspects économique, géopolitique, linguistique et numérique »

Présidence de séance : Christian TREMBLAY

Daddy DIBINGA , Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, « Une Approche comparative de la diplomatie culturelle « occidentale » en Afrique francophone subsaharienne à travers les plateformes numériques de l’institut français et du Goethe institut, de Dakar »

Philippe KAMINSKI, statisticien économiste (France),« Economie sociale : le grand dos-à-dos entre France et Allemagne »

Yves MONTENAY, Docteur en Démographie politique (France),« L’Interculturalité à l’épreuve de la géopolitique en francophonie africaine »

Antoine BROQUET, Directeur d'Ecocert, filiale allemande d’Airbus, entreprise franco-allemande, « Témoignage sur la communication en langue française dans les entreprises franco-allemandes »


3ème séance de travail : « Plurilinguisme et interculturalités du français hors de France »

Présidence de séance : Line SOMMANT

Lamia BOUKHANNOUCHE, Etoile Institut, Paris, « Repenser le programme de français langue étrangère à Modern Languages et Literature – CWRU, Cleveland »

Ahmed MOSTEFAOUI et Fatima MOKHTARI, Université Ibn Khaldoun à Tiaret (Algérie), « Des impacts de la dimension interculturelle dans l’enseignement supérieur algérien : le cas de recherche en didactique du FLE et interculturalité »

Maryse NSANGOU-NIJKAM, Université de Yaoundé 1 (Cameroun), «Le multilinguisme dans la francophonie: le cas du Cameroun »

Karen FERREIRA-MEYERS, Université d'Eswatini (Eswatini, Afrique australe), « Que faire pour améliorer les compétences des enseignant(e)s du FLE en contexte exolingue? »


4ème séance de travail : « Accès à la langue française via les arts, la littérature, la langue scientifique »

Présidence de séance : Cheryl TOMAN

Christoph Oliver MAYER, Université Humboldt de Berlin (Allemagne), « Quand l’Allemagne chante de la France et vice-versa »

Métou KANÉ, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody (Côte d’Ivoire), « Le translinguisme dans la poésie ivoirienne : cas de Les Quatrains du dégoût de Zadi Zaourou et de Wanda Bla ! de Konan Roger Langui »

Patrick OUADIABANTOU, Université Marien Ngouabi, ( République du Congo), « Mots francophones: liens inextricables et destins croisés »

Ousmane DIAO, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), « Analyse lexicale de la terminologie médicale au Sénégal »

Myriam HILOUT, Université Humboldt de Berlin (Allemagne), « L’influence d’un séjour à l’étranger sur l’identité professionnelle et linguistique des enseignants/es de français du secondaire allemand »


Philippe GUILBERT, Ambassade de France en Allemagne, « Les apprenants de français en Allemagne »


5ème séance de travail : « La Francophonie et ses influences : passé, présent, futur »

Présidence de séance : Line SOMMANT

Saholy LETELLIER, Musée de Tadio (Madagascar), Université de Rouen Normandie Grhis, et Sciences Po Paris (France), Le musée francophone des Deux Guerres à Tadio « Musée Johanesa Rafiliposaona », un musée vivant, un musée humaniste.

Didier OUEDRAOGO, Université Paris-Saclay, « La francophonie, entre héritage traumatique et syncrétisme identitaire dans l'espace sahélien »

Christian TREMBLAY, Observatoire européen du plurilinguisme, « Réflexion sur la différence entre « interculturalité » et « multiculturalisme ». Le plurilinguisme en Afrique »

Françoise BOURDON, Cercle des Solidarités francophones en Normandie (France) et Saholy LETELLIER, Musée de Tadio (Madagascar), Université de Rouen Normandie Grhis, et Sciences Po Paris (France), « Échange culturel et linguistique entre Tadio (Madagascar) et Le Houlme (France) »


Clôture de la XXIXe Biennale

Cheryl TOMAN, Présidente de la Biennale de la langue française




A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93