Biennale de la Langue Française

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26e Biennale de la langue française

CLUJ-NAPOCA

ROUMANIE

9 et 10 octobre 2015


Marinella COMAN : La préparation des étudiants au français des affaires

Nous savons tous que l'avance technologique des États-Unis dans le domaine de l'information a permis à l’anglais d'exercer une position dominante sur le plan mondial. Mais le français aussi est une langue qui répond aux critères de modernité, aux tendances et aux besoins du monde actuel. Dans le monde des échanges économiques, on parle de « français des affaires ». Il faut donc définir premièrement le concept.


1. Le concept de « français des affaires »

L’appellation « français des affaires » désigne une terminologie, une syntaxe et une organisation discursive qui visent la communication dans un domaine particulier, celui de l’économie et des échanges économiques. Le langage des affaires est le reflet d’un marché mondial en continuel développement et, si l’on parle du français, tous les documents rédigés dans les secteurs d’activité concernant le secteur économique, le commerce et les relations commerciales, la science de l’économie (micro et macroéconomie), le secteur des finances et du crédit, celui du tourisme et de l’hôtellerie, les secteurs de communications en affaires (transactions commerciales, négociations, conférences, correspondance commerciale, etc.), ainsi que les publications de spécialité (journaux, revues, littérature de spécialité, cursus universitaires, etc.), s’inscrivent dans ce qu’on appelle « français des affaires ».

Il est difficile de délimiter très strictement tous les domaines et les sous- domaines du langage économique parce que certains concepts se retrouvent dans plusieurs secteurs. Ce langage économique est un ensemble divers de sous-systèmes marqués par la spécificité du type d’activité de chaque secteur à part. Généralement, on parle du français des affaires parce qu’il couvre plusieurs types de notions et de relations. Comme le signale fort justement Sophie Moirand dans L’évaluation sans les discours scientifiques et littéraires (1993), cette appellation couvre toute une série de situations de communication et, donc, toute une diversité de discours, car « à l'intérieur des situations de communication dans le monde des affaires on rencontre, en communication interne ou externe, des interactions de négociation, des rapports et des bilans, des entretiens en face à face ou à distance, des journaux d'entreprise (…), des réunions diverses ». En fait, il faudrait parler des FA. Cependant, en dépit de ce flou, l'étiquette a fini par s'imposer. C'est la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris qui aurait lancé le terme « FA » à la fin des années soixante-dix, s'inspirant peut-être du terme Business English qui existait déjà pour l'anglais. Depuis 1980, c'est en tout cas la dénomination « français des affaires » qui figure sur les diplômes de la CCIP » (Jean Binon, Un quart de siècle d’enseignement/apprentissage de français des affaires, 2000).


2. Le français des affaires comme discipline universitaire

Le français des affaires est aussi une discipline qu’on enseigne à l’Université de Craiova. Nous voulons présenter les problèmes du cours de français des affaires dans deux situations d’enseignement différentes. Nous ne nous proposons pas d’écrire une histoire de l’enseignement du français des affaires dans notre université mais de vous présenter la situation actuelle en nous appuyant sur les situations réelles, rencontrées au cours de notre activité professionnelle.


2.1. Le français des affaires à la Faculté des Sciences Économiques

À l’Université de Craiova, les étudiants de plusieurs sections de la Faculté des Sciences Économiques étudient le français comme langue étrangère, en deux ans : en première et deuxième années d’études. Ils choisissent d’étudier le français parce qu’ils se sont rendus compte que le français constitue vraiment un avantage pour ceux qui le parlent, une valeur ajoutée, un passeport pour leur avenir, un atout pour leur CV, pour leur future carrière professionnelle car l’anglais, de toute façon, tout le monde l’apprend. Dès la rentrée, les étudiants des premières années font connaissance avec les investisseurs de la région et les besoins de personnel de leurs entreprises, ce qui est motivant pour l’étude des langues étrangères. L’Université est en contact permanent avec le milieu d’affaires et par les programmes proposés les sections tiennent compte des demandes du marché.

Les enseignants qui dispensent des cours de français des affaires se sont spécialisés eux aussi dans les différents domaines du milieu d’affaires pour pouvoir répondre aux exigences. (En 1993, j’ai suivi mon premier stage pédagogique d’initiation au français des affaires à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP).

L’objectif de ces cours de français des affaires à la Faculté des Sciences Économiques n’est plus l’acquisition du français commun, général. L’accent est mis sur l’acquisition des savoir-faire qui seront utiles pour leurs études et pour leur future vie professionnelle en même temps avec le perfectionnement du français. Ils doivent s’informer eux-mêmes sur l’économie et le monde des affaires. Ceux qui s’inscrivent pour suivre ces cours viennent des lycées de la zone où ils ont étudié le français comme première ou deuxième langue étrangère, donc ils ont un niveau correspondant au moins à A2, parfois B1 ou B2 pour ceux qui viennent des sections bilingues. Heureusement, il y a parmi eux de vrais passionnés de la langue française qui ont un niveau très élevé et avec lesquels on peut avoir vraiment une conversation de spécialité en français.


2.1.1. Organisation du cours

En ce qui concerne les plans d’études universitaires, ceux-ci consacrent très peu de temps pour les classes de français des affaires. Les programmes ne prévoient que deux heures de français par semaine mais si les étudiants sont motivés, ils consacrent plus de temps chez eux pour améliorer leur français. Nous avons à l’université un Lectorat de français, une Association des étudiants francophones et un Centre de Réussite Universitaire et tous les étudiants peuvent participer à des cours de français et aux activités organisées.

Les groupes sont assez hétérogènes et (nous avons déjà mentionné) la plupart des étudiants doivent faire des efforts chez eux pour mettre au point leur lexique mais surtout leur grammaire. En classe on n’insiste plus comme pour les philologues, sur la conjugaison des verbes, l’emploi du subjonctif, les règles du « si » conditionnel ou la concordance des temps, par exemple. Cela ne veut pas dire qu’on les laisse parler un français incorrect mais leurs collègues se chargent toujours de les corriger, donc ils se corrigent réciproquement et l’enseignant n’intervient que rarement dans leurs conversations. À la fin des activités proposées l’enseignant fait l’analyse des erreurs les plus fréquentes et explique les règles ou propose des outils pour l’approfondissement de l’apprentissage du problème visé. D’ailleurs, au début de l’année, on donne à nos étudiants une boîte à outils, on leur indique les sites et toute une bibliographie à consulter.

Le programme prévoit des textes et des activités en concordance avec chaque spécialisation. Nous avons traité, par exemple, des sujets visant l’entreprise, les différents types de raison sociale, le statut juridique, le logo, la taille, le secteur d’activité, le siège social, l’étude de marché, les sondages et les autres instruments d’étude du marché, la politique interne de l’entreprise, l’accomplissement des formalités pour la création d’une entreprise, la relation avec les banques ou la bourse, l’achat et la vente des produits, etc. En classe ils ont la possibilité par des jeux de rôles ou des simulations globales de recréer un univers calqué sur le monde réel des affaires, de créer des personnages, des identités fictives, de présenter différents types de CV, des lettres de motivation, de publier des annonces d’offres ou de demandes d’emploi, de se présenter à une interview pour un poste, etc. Dans tous les groupes il y a des étudiants qui travaillent déjà et ils peuvent parler aux autres de leurs situations réelles avec lesquelles ils se sont confrontés, il y a des personnes qui travaillent dans les entreprises fondées par leurs parents et connaissent en détail la situation sur la création et le fonctionnement de cette entreprise. Heureusement, dans notre ville il y a assez d’entrepreneurs français qui sont souvent invités à parler à nos étudiants.

Pour les classes de français, les sujets leur sont communiqués d’avance et ils ont la possibilité de s’informer sur le thème donné, de chercher sur internet ou dans les dictionnaires la terminologie de spécialité. Ils peuvent trouver à la bibliothèque tous les livres dont ils ont besoin en français, des dictionnaires ou des glossaires de termes de spécialité. Sur internet il y a des exemples de CV ou des documents authentiques divers: factures, documents bancaires, documents de transport, etc. L’enseignant leur propose un texte sur le sujet à travailler, leur donne les consignes et ils sont libres de préparer le sujet, de former des groupes de travail parce qu’ils doivent travailler en équipe, se documenter pour préparer une présentation en classe.

Les étudiants peuvent aussi s’imaginer des catégories de professions et de profiles, ils peuvent établir l’organigramme de leur entreprise, donner une vie à celle-ci à travers des appels téléphoniques, des courriels, des conversations, discuter des questions d’éthique dans le monde des affaires, faire connaître l’entreprise par l’organisation d’une campagne publicitaire ou même organiser une participation à un salon. Les classes sont très actives, interactives, les étudiants participent nombreux parce qu’ils connaissent ce qu’ils doivent faire en roumain, le cours leur permet d’étaler leurs connaissances sur le sujet mais aussi de mettre en valeur leurs capacités créatives, et parfois ils s’amusent tout en travaillant.

Les sujets de discussion en classe peuvent être extrêmement variés et les étudiants peuvent faire appel aux moyens modernes d’apprentissage, ils peuvent même créer des événements, poster des affiches de présentation sur les réseaux sociaux, faire des projets d’affaires, peuvent simuler même des grèves avec leurs conséquences, des licenciements, allant jusqu’à simuler des crises économiques qui affectent leur entreprise virtuelle.

Il est important pour l’enseignant de savoir organiser les étudiants en équipes de travail, de leur donner le sujet et les consignes pour la semaine prochaine mais de ne pas leur imposer les partenaires de discussion. Ils peuvent tous réagir à une situation imprévue, s’ils ne sont pas d’accord avec les solutions proposées par leurs collègues ou tout simplement s’ils veulent ajouter quelque chose à ce que leurs collègues ont préparé. Si au début du cours il y a des étudiants qui refusent de s’impliquer, peu à peu la peur du ridicule devant les collègues et la timidité de certains disparaissent et ils entrent en jeu pour lancer un produit sur le marché par exemple, donner des conseils aux partenaires d’affaires pour bien vendre ou acheter, etc. Le professeur intervient toujours quand il constate un blocage dans la conversation ou quand il doit expliquer certains concepts qu’ils ne connaissent pas. Les spécialistes peuvent critiquer les méthodes que nous avons employées, ils peuvent dire que cette méthode pratique la pseudo-communication, dans un local imaginaire où tout est artificiel… Au contraire, nous avons constaté que ce genre de cours a stimulé la motivation de nos étudiants et les a rendus très actifs pendant les classes de français. Et quand ils y a parmi eux des personnes qui travaillent déjà le succès des discussions et des débats est assuré.

En ce qui concerne les manuels, nous avons utilisé au début de notre carrière plusieurs méthodes de Français des Affaires parues en France mais nous avons constaté que les réalités économiques changent très vite et certaines informations étaient périmées l’année suivante ou ne répondaient pas à nos attentes et aux objectifs de notre cours, donc nous avons renoncé à les utiliser intégralement, mais nous avons gardé beaucoup de documents authentiques qui n’ont pas perdu de leur valeur d’actualité. Nous avons publié même nos propres manuels mais ils n’on plus été réactualisés et certaines informations ne sont plus valables. C’est pourquoi dernièrement on a commencé à employer des dossiers qui comprennent nos propres matériaux, articulés autour des modules thématiques sur nombre de situations propres à la communication en affaires axés sur des tâches précises. Ces dossiers peuvent être actualisés facilement, nous pouvons renoncer à certains documents en faveur des autres, on peut facilement ajouter ou changer de sujet si on veut traiter un autre plus intéressant. Les étudiants doivent présenter à la fin de chaque semestre un petit glossaire de termes de spécialité (20-25 termes) utilisés dans les contextes d’un sous-domaine économique de leur choix. Nous devons préciser que nous n’avons jamais demandé aux étudiants d’apprendre des mots isolés ou la terminologie hors contexte pendant les classes de français des affaires.


2.2. Le français des affaires à la section de Traducteurs-interprètes

Le français des affaires est aussi une discipline d’étude pour nos étudiants de la Faculté des Lettres, mais seulement pour ceux de la section de « Traducteurs-interprètes ». Pour cette section il n’y a pas la même structure du cours que pour les étudiants en économie, les méthodes employées sont différentes parce que les compétences visées sont elles aussi différentes. Cette section prépare des futurs traducteurs et interprètes du français qui ne connaissent pas d’autres domaines de spécialité. A l’Université de Craiova nous formons des traducteurs qui sont extrêmement nécessaires sur le marché du travail, donc le secteur économique a été prioritaire quand on a créé la spécialisation de Traducteurs-Interprètes, c’est pourquoi on a prévu le français des affaires et des traductions économiques dans le programme d’études pour familiariser les étudiants traducteurs-interprètes avec les concepts du monde des affaires pour qu’ils soient capables d'utiliser le français dans un contexte professionnel.

Il y a une multitude de documents en ligne qu’on pourrait exploiter en classe de français des affaires. Et les étudiants de la section Traducteurs –Interprètes connaissent très bien cela. Les traductions du français des affaires sont incontournables dans ce monde toujours en mouvement, qui a besoin d’échanges économiques à tout pas. Bien que les traductions du monde des affaires soient destinées à un public assez limité, pour assurer la transmission correcte des informations dans les différents sous-domaines du langage des affaires, nos traducteurs doivent avoir plusieurs types de compétences mais aussi des connaissances du domaine respectif, pour être capables de transposer des idées et des informations d’une langue vers une autre.

Comme dans la plupart des cas, nos traducteurs sont formés dans la Faculté de Lettres, ayant une formation générale, sans aucune connaissance du domaine de l’économie et des affaires que celles de leur culture générale. Ils commencent à faire en Ière année des traductions grammaticales, ensuite littéraires et en IIe et IIIe années, après avoir suivi des cours théoriques de Français et d’Anglais de spécialité ils font une sorte d’initiation à la traduction de spécialité ‒ les programmes d’études prévoient des traductions techniques et économiques ‒ et ils peuvent continuer leur perfectionnement par un master en langage juridique, donc nous n’avons pas de master centré sur le langage économique.

Or, nous savons très bien que pour pouvoir faire une traduction de bonne qualité un traducteur doit maîtriser très bien premièrement la langue respective, mais, même une très bonne connaissance d’une langue ne suffit pas pour faire une bonne traduction de spécialité, cela exige aussi une connaissance approfondie du domaine respectif. Pour pouvoir parler, écrire dans une langue de spécialité, on ne peut se limiter à l'assimilation et à la maîtrise des notions et de leurs dénominations. Pour accéder au discours de spécialité il faut d'abord en maîtriser la terminologie, mais surtout connaître certaines particularités de son fonctionnement syntaxique.

Quant à ceux qui étudient dans les universités à l’étranger, ils reviennent toujours avec un riche bagage de connaissances en français et ce qui est beaucoup plus important, ils ont une autre vision sur la vie, sur le monde, sur les études et sur le marché de l’emploi.

Un autre facteur qui contribue à l’intérêt des étudiants de la section des traducteurs pour le français des affaires concerne la politique économique de l’Union Européenne en général et de la Roumanie en particulier, dont le but est de conquérir de nouveaux marchés internationaux et pour cela on a besoin de spécialistes bien instruits. Nos étudiants veulent avoir accès après la fin de leurs études à des emplois bien payés. Et quand ils partent avec des bourses à l’étranger, la plupart d’entre eux entrent en contact avec des collègues qui travaillent déjà, qui ont des emplois bien rémunérés, donc au retour dans notre université ils ne veulent plus apprendre le français tout simplement, mais du français pour réaliser des besoins bien précis dans un domaine donné, pour faire face ensuite à des situations de communications déterminées qui répondent à leurs besoins spécifiques au niveau universitaire et ensuite professionnel.

À cela s’ajoute un autre facteur motivant pour nos étudiants, la tendance de délocalisation de certaines entreprises françaises qui cherchent à s’installer à l’étranger, notamment en Europe de l’Est pour fuir les taxes et les charges élevées en France, pour la main-d’œuvre bon marché aussi (par exemple : Dacia-Renault de Piteşti, ou de nombreux hypermarchés comme Auchan, Carrefour, Leroy-Merlin, etc.), qui ont besoin de professionnels en français commercial. Nous avons donc l’espoir que nos étudiants trouvent rapidement des débouchés professionnels à l’issue de leur formation et ils doivent être prêts à faire face à toutes les provocations.


2.2.1. Organisation du cours

L’enseignement de la traduction économique à des étudiants qui n’ont pas de connaissances d’économie est une tâche très difficile. Dans le programme d’études pour cette section on a prévu pour les étudiants en IIIème année un semestre de travaux dirigés pour faire des traductions économiques. Il n’y a que quatorze séances pour l’initiation dans ce très vaste domaine. Le principal problème avec lequel nous nous confrontons à ce cours est le temps insuffisant prévu par le programme. Ajoutons qu’au premier cours les étudiants ne travaillent presque pas, étant donné que le professeur doit les introduire dans le domaine en leur annonçant le programme, il leur explique la démarche à suivre, il leur donne la bibliographie du cours et les domaines et les sous-domaines dont ils vont faire des traductions : l’entreprise et son environnement : textes sur les secteurs d’activité, les marchés internationaux (échanges, réglementation internationale, balances commerciales, politique monétaire, compétitivité), politiques économiques : (textes sur : inflation, récession, dépenses publiques, fiscalité, salaires), constitution et organisation de l’entreprise (types d’entreprises, sociétés de personnes (en nom collectif ou en commandite), société par actions à responsabilité limitée, société anonyme, capital social et actions, assemblée d’actionnaires, regroupement d’entreprises et sociétés multinationales), organisation interne : services et personnel, conseil d’administration, cadres (P.D.G., directeur général, secrétaire, directeurs : technique, financier, commercial, etc.), production et commercialisation : production industrielle, contrôle qualité. Demandes et offres. Demandes de renseignements / appels d’offre (nature de la marchandise ou du service, prix et escomptes, délais de livraison, transport, modalités de paiement, références bancaires), commandes : bon de commande, acceptation des conditions de vente, contrat, exécution de la commande, emballage, transport (documents), assurances, livraison, facturation / règlement de la commande, modes de paiement, litiges, service après-vente ; les banques : la terminologie bancaire.

Une première difficulté rencontrée par l’enseignant cette fois-ci, serait le choix du corpus. Les textes du français des affaires qui constituent le corpus de travail proviennent de divers sous-domaines du langage des affaires pour pouvoir mieux mettre en évidence les spécificités linguistiques et socioculturelles. Le corpus n’est pas du tout homogène, il est constitué toujours de documents authentiques de la presse économique et il change chaque année parce que la situation économique mondiale change et nous voulons toujours traduire des textes très récents (depuis quelques années dans les textes économiques le mot qui apparaît le plus fréquemment dans tous les domaines est celui de crise), pour être au courant des événements aussi. Le Capital, L’Économiste, Le Figaro ou Le Monde (par leurs rubriques d’économie) ne sont que quelques publications françaises qui nous fournissent des textes pour notre corpus, ou Capital, Ziarul financiar, Săptămâna financiară, Economistul pour le roumain, qui sont des sources indispensables pour les textes à traduire en français. Le choix des textes est vraiment difficile, parce que l’enseignant doit tenir compte chaque année de plusieurs facteurs, du niveau initial de français des étudiants, de leur progression, de l’intérêt pour le domaine, sinon il ne réussira pas à intégrer la multiplicité des objectifs et à maintenir un principe organisateur dans la formation. Le choix du corpus est particulièrement crucial pour la réussite du cours.

Malheureusement, le temps ne nous permet pas de nous occuper aussi de la correspondance commerciale, mais on donne toujours à ceux qui sont intéressés des documents sur la présentation générale de la lettre commerciale, les caractéristiques de contenu, zones et structure interne, les formules d’introduction et de fin des lettres, les formules de politesse, les différents types de lettres et leurs caractéristiques, documents concernant la correspondance commerciale par les outils modernes de la communication (courrier électronique, télex, etc.). Ils peuvent trouver aussi sur internet des milliers de modèles de lettres sur des sujets différents.

On pourrait se poser la question pourquoi ne fait-on pas appel pour constituer le corpus de travail aux méthodes qui existent sur le marché, destinés à ceux qui veulent apprendre le français des affaires. Les textes proposés par ces méthodes sont des documents authentiques ou semi-authentiques : des articles issus de la presse économique, des reproductions de pages sur Internet, des documents professionnels (notes de service, fiches téléphoniques, lettres, bons de commande). La présentation du lexique spécialisé se fait à travers des dialogues et des documents divers. Il y a aussi des documents graphiques pour des micro-activités de production orale ou écrite. Les méthodes les plus récentes incluent également de nombreux modèles de courriers électroniques, des moyens très importants de communication dans la vie professionnelle.

J’ai constaté que les méthodes dont nous avons parlé, destinés à des adolescents et adultes ayant un niveau avancé de français ne répondent pas aux besoins de nos étudiants traducteurs pour la simple raison qu’elles sont trop techniques. Pour les utiliser il faut avoir des connaissances approfondies dans le domaine. C’est d’ailleurs la grande différence qui existe entre les étudiants traducteurs et ceux qui suivent les cours de la Faculté des Sciences Économiques et étudient le français comme langue étrangère: je peux affirmer sans aucun doute que même les meilleurs étudiants de la section de traducteurs ne se débrouillent pas si bien à traduire des textes économiques (du et en français) que les étudiants en Sciences Économiques qui ont moins de connaissances de langue française, mais plus de connaissances du domaine des affaires. C’est pourquoi nos textes doivent être choisis de telle manière qu’ils ne posent pas trop grandes difficultés de compréhension du sens. D’où l’importance d’adopter une méthodologie capable de réaliser les objectifs des apprenants tout en respectant leurs spécificités.

Au début de notre cours, nous travaillons beaucoup dans le sens du thème, traduction du français vers le roumain, ce qui représente une difficulté pour les étudiants, aussi bien pour le lexique que pour la syntaxe : le sens d’un mot en contexte n’est souvent pas le premier. Le thème reste un exercice très important surtout au commencement du cours car c’est l’unique occasion, dans le parcours universitaire, de travailler le français en profondeur tout en tenant compte des contraintes du texte de départ. Ensuite, nous passons à la traduction du roumain vers le français qui est beaucoup plus difficile.

Dans un cours de traduction économique le temps ne nous permet pas d’expliquer aussi les différents problèmes de grammaire ou de construction de la phrase dans la langue courante. Le bon maniement du français général doit être complété par des notions du vocabulaire commercial usuel comme : mesures, monnaies, publicité, situations de la vie quotidienne concernant la banque, les ventes, les achats, les transports, les assurances, etc. Beaucoup de traducteurs se lancent aujourd'hui dans la traduction économique sans y être réellement préparés, avec les résultats que l'on peut imaginer.

Il paraît donc impératif pour nos étudiants d’acquérir des notions d’économie, ou dans une première étape au moins de chercher sur un moteur de recherche (Google, par exemple) les définitions des collocations ou des termes qu’ils veulent traduire pour comprendre le texte.

On a intégré dans le cursus théorique de traduction spécialisée de la IIe année la terminologie et la phraséologie, la recherche documentaire et l’analyse de corpus. En effet, les étudiants doivent avoir des instruments d’organisation de leur travail. Les nouvelles technologies leur serviront à comprendre le message en allant au-delà du cadre strict du texte aussi bien qu’à le ré-exprimer en leur donnant des moyens pour vérifier la validité de leurs choix de terminologie ou d’expression, non seulement en fonction du texte de départ, mais aussi en fonction de la logique du domaine économique, du mode de pensée et d’expression de ses spécialistes. Les nouveaux moyens de communication, comme Internet, constituent une source d'information importante sur laquelle ne pouvaient compter les traducteurs d’autrefois. Le traducteur de textes économiques, contrairement à la plupart de ses collègues évoluant dans d'autres secteurs, a en effet la grande chance d'avoir affaire à un domaine qui se rapporte parfaitement à l'actualité et pour lequel on dispose d'une riche documentation en ligne. Il existe aujourd'hui une multitude de journaux et de magazines spécialisés sur internet auxquels le traducteur économique peut avoir recours pour approfondir tel ou tel sujet ou trouver des indices susceptibles de l'aider à comprendre le sens d'une phrase complexe. La télévision aussi, française ou roumaine, et bien sûr, la radio, sont d'autres sources d'information très précieuses dans la caisse à outils du jeune traducteur. Le traducteur économique d'aujourd'hui a donc toutes les armes en main pour livrer un travail de qualité : il ne lui est plus possible d'invoquer des « problèmes d'accès à l'information » pour excuser une prestation médiocre. De nos jours, le traducteur exerce une profession parfaitement en phase avec l’Internet et la communication.

Les étudiants traducteurs doivent aussi s’ouvrir sur le monde parce que, surtout au début, ils peuvent se consulter entre eux ou poser des questions à des spécialistes ou du moins à leurs collègues en sciences économiques. La traduction est en fait le contraire d’un travail passif et solitaire. Ils doivent travailler en groupe, puisque personne ne détient toute la connaissance. C’est notamment par les réponses des collègues ou des spécialistes qu’ils vont poursuivre leur formation. Il s’agit de chercher en permanence des informations et d’établir des relations.

Les traducteurs spécialisés en langage des affaires doivent avoir une double compétence : la connaissance du domaine dans lequel ils sont spécialisés et celle des spécialistes de la traduction professionnelle. Les séjours à l’étranger, la lecture assidue de la presse étrangère spécialisée, la veille sur Internet, sont autant d’éléments qui ne doivent pas être négligés pour pouvoir réaliser une traduction de qualité. Nos étudiants doivent être de très bons spécialistes en français des affaires pour qu’ils puissent être embauchés dans ce vaste espace économique francophone. Et ils ne doivent surtout pas oublier que l'espace européen est une entité économique où la connaissance du français est un atout dans de nombreux pays.


Conclusion


Nous avons essayé de présenter dans ce travail l’importance du langage des affaires dans le contexte actuel et la place, l’organisation et le fonctionnement du cours de français des affaires à l’Université de Craiova, à partir de deux situations différentes d’enseignement : la première, celle de la Faculté des Sciences Économiques et la seconde, celle de la section Traducteurs-Interprètes de la Faculté des Lettres. Bien que la situation dans les deux cas soit différente, l’intérêt des étudiants de ces sections pour apprendre le français des affaires est de plus en plus grand parce qu’ils sont convaincus que le français permet de pénétrer différents espaces économiques où notamment le français des affaires a un rôle dominant. Par tous ces cours de français des affaires nos enseignants participent effectivement à la promotion du français comme outil des échanges économiques, transmettant les savoirs et les savoir-faire à leurs étudiants.

Personne aujourd'hui ne conteste plus l'impérieuse nécessité à maîtriser l’anglais dans le contexte multinational actuel. Mais ajouter à cette langue parlée aujourd'hui par tout le monde une langue comme le français des affaires, c'est ce qui permettra à nos étudiants de faire "la différence". À présent, parler une langue étrangère est un atout indispensable dans la vie quotidienne et professionnelle. La langue française continue ainsi à apporter une valeur ajoutée dans le contexte d'internationalisation des échanges économiques. Et c'est surtout au travers du français des affaires que le français restera une langue de modernité.


Bibliographie

COMAN Marinella, Traduction économique : sur quelques difficultés rencontrées par les étudiants de la section de traducteurs-interprètes in RIELMA, Nr.5/2012 (pp180-195), Cluj-Napoca.


Références électroniques

Olivier Sturge-Moore, « La mondialisation de l’économie : de nouveaux enjeux, de nouveaux contextes culturels », ASp [En ligne], 15-18 | 1997, mis en ligne le 13 novembre 2012, consulté le 04 octobre 2015. URL : http://asp.revues.org/3182 ; DOI : 10.4000/asp.3182

http://www.centredelanguefrancaise.paris/francais-de-specialite-monde-des-affaires/

http://docplayer.fr/5718147-Revue-internationale-d-etudes-en-langues-modernes-appliquees-international-review-of-studies-in-applied-modern-languages.html

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXVIe Biennale

Livre XXVI : LA FRANCOPHONIE VIVANTE : l'enseignement de la langue et des littératures d’expression française, à l’étranger.


Sommaire

Message de Roland ELUERD

Ouverture de Line SOMMANT

Programme des travaux


Actes de la XXVIe Biennale Cluj-Napoca, Roumanie 9 et 10 octobre 2015



Première table ronde : La langue française, un atout dans le monde des affaires

 Première partie : Les approches institutionnelles

Mme Odile Canale

Mme Mariana Perisanu

M. Pascal Fesneau

M. Radu Ciobotea

Deuxième partie : Témoignages individuels

Mme Line Sommant

Mme Marinella Coman

M. Radu Oprean


Deuxième table ronde : La littérature d’expression française en Roumanie

 Première partie : Le roman et le théâtre roumains d'expression française

M. Matei Visniec

Mme Elena-Brandusa Steiciuc

M. Alain Vuillemin

Deuxième partie : La poésie roumaine en langue française

Mme Roxana Bauduin

M. Horia Badescu

M. Constantin Frosin


Clôture de la XXVIe Biennale de la langue française

Synthèse de Line SOMMANT


A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93