Biennale de la Langue Française

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La place des militants de la société civile dans la francophonie du XXIè siècle

Ribio NZEZA BUNKETI BUSE


Secrétaire Permanent de la Caravane d’Animation Culturelle pour le Développement durable (CARAC)

Participant au I er Forum mondial de la langue française Québec 2012

Membre du Comité de suivi de la Déclaration des Jeunes francophones et francophiles Québec 2012



« Vous les jeunes, vous la société civile (…) bousculez-nous, étonnez-nous, inspirez-nous pour le présent et pour l’avenir! »

Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, Forum mondial de la langue française, Québec 2 juillet 2012


Introduction

Depuis le Sommet de la Francophonie d’Hanoi au Vietnam en 1997, l’Agence intergouvernementale de la Francophonie a cessé d’être un simple regroupement d’Etats et de Gouvernements ayant en partage la langue française et les valeurs qu’elle charrie. Conscient de grands enjeux et de la géopolitique mondiale, les Chefs d’Etat et de Gouvernements ont décidé de créer ce que l’on connaît aujourd’hui comme « Organisation internationale de la Francophonie », OIF en sigle. D’où, la Francophonie devient politique afin de s’affirmer en tant qu’interlocuteur au sein de la communauté internationale dans les débats concernant la gouvernance mondiale et les problèmes de notre temps.

Par ailleurs, un autre tournant caractérise actuellement la Francophonie et il convient, il faut le souligner, qu’il s’accélère. Il s’agit d’une organisation qui donne beaucoup plus de place aux différentes composantes de la société civile. C’est d’elle que viendront la force et la perspicacité de la Francophonie du XXIe siècle.

Les lignes qui suivent tenteront de le démontrer à force d’exemples et en se basant sur l’expérience du premier Forum mondial de la langue française organisé du 2 au 6 juillet 2012 dans la ville de Québec, berceau de la francophonie des Amériques.

Les grands enjeux mondiaux : trajectoires de la Francophonie

La Francophonie en tant que regroupement des pays disposant du français comme langue de partage, connaît une mutation importante au seuil de ce XXI è siècle qu’elle se garderait de rater. La chronologie nous apprend qu’elle fut d’abord Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT). C’était plus l’amour de la langue française en tant qu’outil de communication entre les peuples éparpillés dans les cinq continents. C’était le trait d’union magique et fantastique dont les écrivains comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Molière, Nadia Tuéni et Yann Martel, pour ne citer que ceux-là, ont chanté grâce à leurs plumes.

L’ACCT cède la place en 1995 à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie qui, à son tour, passera le flambeau à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2007, la forme actuelle de la francophonie. Cette dernière devient donc une organisation internationale ayant à sa tête un Secrétaire général et une structure adéquate permettant de bien remplir sa mission. Ce statut lui sert de levier pour s’engager à côté d’autres acteurs de la Communauté internationale dans la résolution des problèmes mondiaux. C’est ce qui justifie notamment le thème du XIVè Sommet tenu à Kinshasa du 12 au 14 octobre 2012 : «Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ».

En effet, la Francophonie n’est pas que travailler pour l’existence et l’enrichissement de la langue française. Elle n’est pas que le temple des poètes, dramaturges, metteurs en scène, etc. Elle porte également des valeurs et a des thèmes qui lui sont chers à l’instar de la solidarité, du développement durable, de l’égalité des sexes, de la diversité culturelle, du respect des droits de l’homme et de la démocratie (voir la Déclaration de Bamako de 2000).

C’est également pour cela que l’on a vu l’OIF à l’œuvre lors de discussions pour l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO en 2005, à la Conférence des Nations-Unies sur le climat à Cancun en 2010, aux négociations sur le climat COP à Copenhague, aux efforts de reconstruction d’Haïti dévasté par le séisme de 2010, au Sommet de la terre Rio+20 au Brésil pour défendre le bien-fondé du développement durable en 2012. Sur le plan interne à l’organisation, des missions d’informations et de contact sont régulièrement envoyées dans le pays en situation de rupture démocratique. Cela a été le cas de Madagascar. Aujourd’hui, c’est le cas de la République centrafricaine avec la nomination de Monsieur Louis Michel, ancien Ministre belge des Affaires étrangères comme Envoyé spécial. De plus, dans le but de promouvoir la démocratie, l’OIF déploie ses observateurs en appui aux organisations locales afin de veiller à la transparence et au bon déroulement des opérations électorales.

Bref, toutes ces actions confirment l’OIF en tant qu’acteur des relations internationales. Ces différentes rencontres auxquelles elle participe lui donnent l’occasion d’affirmer haut et fort les valeurs communes liées à la communauté linguistique francophone disséminée à travers le monde. Elle joue son rôle dans la mondialisation. Comme l’affirme le Professeur Michel Guillou, Directeur de l’Institut pour l’étude de la Francophonie et de la Mondialisation (IFRAMOND) et auteur de Francophonie-Puissance :

«Outre la liberté individuelle et le dialogue, la Francophonie prône la solidarité et la diversité. Ce faisant, elle rencontre les besoins qu’engendrent les effets pervers de la mondialisation qui agrandit le fossé entre riches et pauvres et uniformise à tout va. Elle s’affirme, au fil du temps, en laboratoire de l’autre mondialisation : la mondialisation humaniste. Elle est devenue une puissance d’influence au service de la promotion des biens communs de l’humanité ».


La société civile et les militants : nouveaux acteurs

Malgré toutes ces avancées sur le plan interne de la Francophonie et sur le plan international, le tournant à ne pas rater est que l’institutionnel n’est plus le seul acteur sur la scène. Aujourd’hui dans le monde, seuls les Etats ne sont plus les acteurs uniques des relations politiques et économiques internationales. Il faut désormais compter avec les organisations non gouvernementales comme Green Peace pour citer le domaine de l’environnement, les agences de notation comme Standard & Poor’s et Moody’s dans le domaine économique et les entreprises multinationales dans le monde des affaires.

Dans le circuit des médias, on parle du journalisme citoyen. Les individus participent à la production et à la circulation de l’information grâce aux possibilités offertes par les Technologies de l’Information et de la Communication. Les médias traditionnels semblent être, dans certains cas, pris de cours par les médias alternatifs aux mains de simples individus.

La Francophonie en tant qu’organisation ne doit pas seulement compter sur ses structures établies pour mener l’aventure francophone. Il faut désormais davantage compter sur les militants, mieux sur la société civile francophone éparpillée à travers le monde et appartenant à divers corps de métiers et rassemblant toutes les générations.

Le rôle de la société civile et des militants dans la francophonie du XXIe siècle

Le premier Forum mondial de langue française du 2 au 6 juillet 2012 à Québec au Canada a été, sans conteste, un des premiers grands laboratoires d’expérimentation de ce tournant. La francophonie institutionnelle a côtoyé, dans un esprit de cordialité, la société civile francophone venue nombreuse.

C’est ce qui a rejoint l’idée des initiateurs de ce Forum comme l’a signalé le Secrétaire Général de la Francophonie, Son Excellence Abdou Diouf, à la fin de son discours d’ouverture du Forum: « Je forme donc le vœu, en terminant, que ce Forum soit le lieu d’un dialogue ouvert et franc, le lieu d’expression d’une parole libre, dérangeante même, car c’est dans cet esprit que nous avons voulu vous entendre, vous les jeunes, vous la société civile, loin des précautions oratoires du langage diplomatique. Alors bousculez-nous, étonnez-nous, inspirez-nous pour le présent et pour l’avenir ! ».

En partant de ce vœu exprimé, que peut être la place de la société civile, de la jeunesse dans la francophonie qui est appelée à s’ajuster tous les jours aux grands défis de la planète sur les plans social, économique et politique ?

La place de la société civile francophone et autres militants est grande dans ce monde caractérisé par des mutations et par une mondialisation qui ne fait que s’accélérer et dont les effets sont de plus en plus ressentis par les populations à travers le monde. C’est un monde qui fait face aux défis de la coexistence pacifique, de la cohabitation culturelle, vecteur de L’Autre mondialisation comme l’a si bien écrit Dominique Wolton, sociologue des médias et ancien membre du Haut Conseil de la Francophonie.

C’est la société civile et autres militants qui font et feront vivre la francophonie d’aujourd’hui et de demain. En effet, ce sont eux qui sont en contact permanent avec la base. Ils viennent des milieux associatif et éducatif, du monde culturel et artistique, de l’environnement économique, de la galaxie numérique, etc. Ils sont les relais indispensables de grandes orientations politiques et stratégiques décidées lors des Sommets et de rencontres importantes de l’OIF.

A travers les poèmes, les chansons, les leçons de français dispensés chaque jour, les concours de dictée, la formation des maîtres des écoles primaires pour l’apprentissage au niveau élémentaire, la production des contenus numériques en français, le soutien aux jeunes francophones dans les rencontres et organisations internationales, la mobilité des jeunes francophones (Programme de Volontariat international de la Francophonie), l’entreprenariat visant la production des biens étiquetés en français, le plaidoyer des ONG pour une économie verte et le développement durable, l’on verra une Francophonie active dans tous les coins et domaines de la vie et prête à répondre aux défis du monde actuel.

Par le canal des réseaux sociaux et d’autres plateformes numériques d’échange, la société civile francophone, en particulier les jeunes, disséminent et partagent la langue française ainsi que ses valeurs.

Il est donc question de ne pas se focaliser uniquement sur le travail d’encadrement des structures officielles de la Francophonie. Il est utile d’encourager, de donner du tonus, de donner davantage d’espace aux organisations de la société civile et aux militants qui permettront l’appropriation de la francophonie, de la langue française et des valeurs qu’elle sous-tend par les populations. Celles-ci n’ont pas toujours les ressources ni pour accéder aux salles de débat ni pour saisir tous les contours des stratégies sophistiquées.

Pourtant, c’est vers elles que les actions de la Francophonie du XXIe siècle doivent converger ; c’est à elles que ces actions doivent bénéficier. Loin de grands centres de décision, ce sont la société civile et les militants qui vont user de pédagogie et les entraîneront, dans leurs activités quotidiennes les plus simples, non seulement à parler français autant que les langues locales, mais également à incorporer les valeurs francophones de solidarité, de partage, de respect de l’autre et de la gestion responsable des ressources naturelles.


L’expérience du premier Forum mondial de la langue française

Le premier Forum mondial de langue française Québec 2012 a été effectivement un des chantiers de la place accordée à la société civile et aux militants. Comment cela s’est-il manifesté concrètement lors dudit Forum?

La programmation de cette fête de célébration de la beauté de la langue française dans le berceau de la francophonie en Amérique a tenu compte de cet aspect. Quatre thèmes ont focalisé l’attention des participants dans les ateliers en dehors des exposés en séance plénière :

L’économie, le travail, la formation

S’enrichir de la diversité linguistique

Les références culturelles

Le nouvel univers numérique.

Ces thèmes ont été développés par nombre de personnes venant à la fois du monde universitaire, du monde des affaires, du monde des Technologies de l’Information et de la Communication, etc. Par ailleurs, les jeunes ont été particulièrement nombreux et le Secrétaire général de l’OIF leur a lancé un appel auquel ils ont répondu à travers la Déclaration des jeunes francophones et francophiles.

Quoique la cérémonie de clôture du 6 juillet n’ait pas prévu de discours de jeunes, l’organisation a accepté d’accorder quelques minutes aux jeunes pour exprimer leurs points de vue, de dresser quatre priorités pour l’avenir de la Francophonie. Cette ouverture témoigne de la place accordée à la jeunesse francophone, bras actif de la société civile. La considération à apporter la société civile a été lisible dans les propos du modérateur de la cérémonie de clôture, Michel Venne, Directeur de l’Institut du Nouveau Monde « la société civile francophone existe, elle veut agir, elle est impatiente ».

Autre point témoignant de la place non négligeable accordée à la société civile et aux militants a été l’espace réservée aux exposants qui, chacun à son niveau et chez lui, fait parler et vivre la francophonie. Il s’agissait des organisations des jeunes, des associations, des médias, des villes francophones, les spectacles, etc.

Conclusion

Bref, la société civile et les militants ont un rôle important dans la francophonie du XXIe siècle. Cette affirmation tient du fait qu’ils sont enthousiastes, créatifs, déterminés et surtout en contact avec les citoyens mêmes ceux des régions les plus reculées. Ils sont en mesure de les aider à vivre l’aventure francophone dans les activités quotidiennes qu’ils mènent, à aimer la langue française et à en faire rayonner les valeurs autour d’eux. Ils sont des relais non négligeables des orientations de l’OIF. A travers leur travail en parallèle, ils renforcent l’action de la francophonie institutionnelle comme acteur des relations internationales dans ce monde où l’on a davantage besoin de diversité de points de vue.

Par ailleurs, la société civile et les militants francophones permettront de faire remonter aux instances les aspirations profondes des populations francophones pour des réponses plus adéquates aux défis du moment. Toutefois, l’appui de l’OIF est important pour cette fin.

Le mot de clôture du Forum mondial de langue française par Monsieur Clément Duhaime, Administrateur de l’organisation confirme la réalité de cet appui: « bon retour dans tous vos pays et gardez cet esprit militant ».

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XXVe Biennale

Sommaire des Actes de la XXVe Biennale

Livre XXV : Quels militants pour la francophonie au XXIe siècle?

Sommaire

Message de Alain Juppé

Ouverture des travaux par Roland ELUERD

Comité d'honneur (titre et patronages)

Programme des travaux



Actes de la XXVe Biennale, Bordeaux, 13 et 14 septembre 2013


Première séance de travail : Le numérique : une chance pour la Francophonie

Présidence de séance : Jean-Alain HERNANDEZ, ingénieur général des mines (H), président d’honneur de l’Association des informaticiens de langue française,
administrateur de la Biennale de la langue française


Adrienne CHARMET-ALIX

Vivre et promouvoir la francophonie au sein des projets Wikimédia.


Marcel DESVERGNE
L’écosystème numérique mondial, la chance de la Francophonie.


Thibault GROUAS
Encourager et accompagner les initiatives de la société civile en faveur de la langue.


Gaid EVENOU
Les approches plurielles d’apprentissage des langues.


Deuxième séance de travail : Enjeux culturels

Présidence de séance : Line SOMMANT, docteur en linguistique française,
chargée de mission à la Langue française au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),
fondatrice des Dicos d’or, vice-présidente de la Biennale de la langue française.


Alain LANDRY
La langue française du 21e siècle : quelle langue française ?


Daniel SAUVAITRE
Francophonie et géographie amoureuse de la pomme et de la poire dans le monde.


Jean-Gervais Yoyo MOUTOUMÉ
La dyscommunication interculturelle.


Troisième séance de travail : Visages de militants

Présidence de séance : Alain VUILLEMIN, professeur émérite de littérature comparée, rattaché au laboratoire « Lettres, Idées, Savoirs » l’université de Paris-Est, membre du conseil d’administration de l’Amopa (Association des membres de l’Ordre des Palmes académiques).


Christophe TRAISNEL
Francophonie(s), francophonisme(s) ? Le militantisme face à la diversité des causes linguistiques.


Cheryl TOMAN
Militante pour une francophonie pan-africaine : Werewere Liking et la Fondation Ki-Yi Mbock.


Quatrième séance de travail : « Société civile » et Francophonie institutionnelle

Présidence de séance : Imma TOR FAUS, directrice de la langue française
et de la diversité linguistique à l’Organisation internationale de la Francophonie.


Fahrida Garga SIDDIKI
La Francophonie telle que vécue par les acteurs de la société civile.


Michèle CARTIER LE GUÉRINEL
Agir ensemble pour la langue française dans les milieux professionnels.


Ribio NZEZA BUNKETI BUSE
La place des militants de la société civile dans la francophonie du 21e siècle.


Cinquième séance de travail : Sud-Ouest en francophonie


Nicolas VAUZELLE
Du laboratoire des usages aux projets coopératifs.


Olivier CAUDRON
Des lieux « francophonissimes » : les bibliothèques


Anne MARBOT
Les vins de Bordeaux : un atout francophone millénaire.


Clotûre


A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93