Biennale de la Langue Française

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Le Français, Deuxième Langue de l'Union Européenne?

Jan Fidrmuc
Brunel University, Grande-Bretagne et CEPR
Victor Ginsburgh
ECARES, Université Libre de Bruxelles et
CORE, Université catholique de Louvain
Shlomo Weber
CORE, Université catholique de Louvain
Southern Methodist University, Texas et CEPR

Résumé

Le cinquième élargissement de l'Union Européenne en 2004 conduit à un "pays" de 450 millions d'habitants, qui doit gérer 20 langues et le défi lancé par des langues supplémentaires dont certaines ont un nombre plus important de locuteurs que les 20 langues officielles. Il faut certes se féliciter du souci d'égalitarisme à la base de ce processus, mais celui-ci coûte cher, aussi bien en termes monétaires (1,2 milliards d'euros par an) qu'en termes d'efficacité de la communication. Nous examinons quelques solutions qui permettraient d'alléger les problèmes posés. Nous commencerons par nous intéresser aux langues les plus représentatives dans le monde et dans l'Union Européenne. Nous verrons que dans l'UE, et à plus d'un égard, même dans le monde, il s'agit, comme on peut s'y attendre, de l'anglais, de l'allemand et du français, qui a malheureusement perdu sa deuxième place suite au dernier l'élargissement. Ces trois langues sont celles qui permettent de réduire sensiblement l'exclusion dans la plupart des pays de l'espace européen et sont par excellence les langues pivot à partir desquelles les traductions peuvent se faire plus aisément vers les autres langues de l'Union. La traduction de ces autres langues pourrait être décentralisée dans les pays concernés, et financée par des transferts en provenance de Bruxelles. A charge de chaque pays de décider s'il faut traduire vers sa langue, ou si les montants mis à sa disposition peuvent trouver une autre utilisation estimée plus judicieuse.

Abstract

The European Union has recently expanded from 15 to 25 countries. In line with this enlargement, the list of official EU languages has grown from 11 to 20. Currently, the EU extends equal treatment to all member countries' official languages by providing translations for documents and interpreting services. This, however, is costly, especially when recognizing that many Europeans speak one of the procedural languages of the EU, English, French or German, either as their native language or as a foreign language. We compute disenfranchisement rates that would result from using only the three procedural languages for all EU business. These three languages could serve as pivotal languages to which and from which the 17 other languages could be translated. We argue that an efficient solution would be to decentralize the provision of translations, so that each country (language) could decide to use the transfer from the EU the way it wants, with translation into its own language as one among the possible uses.

Paru dans Economie Publique 15 (2004), 43-63.

"En Europe, la revendication opiniâtre d'une reconnaissance est une attitude courante chez les utilisateurs d'idiomes dépourvus de statut officiel. Les langues sont les étendards des peuples dominés. C'est sur elles qu'ils veulent voir l'enjeu de leur luttes contre un joug étranger."
Claude Hagège (2000, p. 13).

Introduction

Le cinquième et dernier élargissement de l'Union Européenne en 2004 conduit à un "pays" de 450 millions d'habitants et dont le produit intérieur brut est proche de celui des États-Unis. L'Union doit faire face à de nombreux défis politiques, ainsi qu'à la préservation des identités culturelles, en particulier sur le plan linguistique. Elle adhère à l'idée du multilinguisme, à celle de l'absence de discrimination entre ses citoyens et à la possibilité que ces derniers puissent avoir accès à l'information et aux textes légaux dans leur propre langue. En mai 2004, l'UE est passée de 11 à 20 langues.

L'expansion linguistique n'en restera cependant pas là. Les pays qui frappent à nos portes (Bulgarie, Roumanie et probablement Croatie) viennent ajouter au moins trois nouvelles langues, et la Turquie et l'Ukraine, d'ici quelques années, deux ou trois autres1. Il n'en fallait pas plus (ni moins) pour que l'Irlande exige que l'irlandais obtienne un statut officiel. Que l'Espagne propose que le catalan, le basque, le galicien et pourquoi pas le parler de Valence deviennent aussi des langues officielles. Celles-ci sont, tout compte fait, utilisées par plus de citoyens que le maltais, le lituanien, l'estonien, le letton ou le slovène.

A suivre cette pente, l'UE sera amenée à devoir gérer 25 langues d'ici quelques années. Ce qui signifie des services d'interprétation simultanée lors des réunions officielles et des sessions du Parlement Européen--et sans doute un Parlement dont la partie réservée à l'interprétation sera plus grande que la salle de réunion--, des services qui traduisent les législations et autres documents officiels, et des services permettant de communiquer, dans chacune des langues, avec chaque citoyen de l'Union. En 2002 déjà, 1,3 millions de pages avaient été traduites; ce nombre passera à 2 millions en 2005, reconnaît un traducteur de la DG Traduction2.

Il faut certes se féliciter de ce souci d'égalitarisme. Une nation ne peut pas se voir pénalisée parce qu'elle n'est pas suffisamment grande, et on ne peut priver ses citoyens de l'accès, dans leur langue, aux documents officiels, aux lois ni de la possibilité de communiquer avec l'administration de Bruxelles dans leur propre langue. On ne sera pas surpris que ce souci soit coûteux et nécessite une armée de traducteurs et d'interprètes. Suite au dernier élargissement, la facture s'élèvera à quelque 1,2 milliards d'euros par an, ce qui peut paraître dérisoire par habitant (et c'est le calcul que l'on s'évertue à faire pour faire passer la pilule), mais ce calcul est peu convaincant. Ce qui est plus significatif, c'est que les coûts de traduction représentent plus de 30% du budget de fonctionnement de l'Union, que néanmoins, fin 2004, 60.000 pages de documents étaient en attente de traduction, que les rapports sont censés ne pas dépasser une quinzaine de pages, que des instructions particulières ont été données aux parlementaires pour qu'ils s'expriment de façon simple, par phrases courtes, pour qu'ils évitent les plaisanteries, etc.

Le régime linguistique de l'Union a été imposé par son premier conseil des ministres en 1958, qui a défini les langues de travail et les langues officielles, mais le texte est assez vague. Comme le souligne Mamadouh (1998, p. 5), "le texte établit une distinction entre les deux, mais ce n'est pas une définition. Il n'est pas clair quelles sont les langues qui doivent être utilisées, et la liste des langues n'implique pas nécessairement qu'elles soient toutes utilisées à tout moment. Le texte ne mentionne pas non plus ce qui touche à la communication orale. Les institutions de l'UE ont par conséquent une très grande latitude dans le choix de leur régime linguistique." Avec pour résultat évident que certaines langues sont et seront ignorées.

Notre article examine quelques solutions auxquelles on peut penser pour résoudre ou tout au moins, alléger les problèmes posés. Nous commencerons par nous intéresser aux langues les plus représentatives dans le monde et dans l'Union Européenne. Nous verrons que dans l'UE, et à plus d'un égard, même dans le monde, il s'agit, comme on peut s'y attendre, de l'anglais, du français et de l'allemand. Nous aborderons ensuite le problème du nombre de citoyens exclus dans l'Union si l'on cessait de traduire certaines langues, ou plus exactement, si l'UE se bornait à privilégier trois langues: l'anglais, le français et l'allemand. La troisième partie suggère une façon de compenser les citoyens des pays dont les langues ne feraient plus l'objet d'une traduction systématique. La compensation serait destinée à leur permettre de décider s'ils veulent eux-mêmes assurer la traduction ou s'ils préfèrent consacrer à d'autres causes les montants qui sont ainsi mis à leur disposition. Une dernière section sera consacrée à quelques conclusions

1. Les Langues utilisées dans l'Union Européenne

Le Tableau 1 donne un aperçu des 7 langues les plus utilisées dans l'Union Européenne. La première colonne donne la population des pays dont la langue est originaire et où celle-ci est parlée comme langue "naturelle". Les deuxième et troisième colonnes résultent des calculs faits par Ginsburgh et Weber (2005) et Fidrmuc et Ginsburgh (2005), qui sont basés sur les enquêtes auxquelles a fait procéder la Direction Éducation et Culture de la Commission Européenne sur l'utilisation des langues dans l'Europe des Quinze et des Vingt-cinq. Les chiffres qui apparaissent dans la quatrième colonne résultent simplement de la division des chiffres de la troisième colonne par ceux de la première: ils donnent le "coefficient multiplicateur" de la langue, très élevé pour l'anglais (le nombre de citoyens européens qui connaissent l'anglais est 3,6 fois plus élevé que la population du Royaume-Uni). Ce coefficient s'élève à 2 pour le français et tombe à 1,06 pour le polonais, qui n'est pratiquement parlé qu'en Pologne3. La dernière colonne donne l'estimation faite par Crystal (2001) pour le monde.

Le Tableau 2 fournit quelques indications sur l'utilisation des langues dans le monde et dans des domaines variés. Qu'il s'agisse de l'indice fourni par le Rapport Graddol commandité par le British Council, du nombre de pages sur la toile, de l'utilisation d'une langue dans un domaine scientifique tel que la chimie (mesuré par la proportion d'articles indexés suivant la langue dans laquelle les articles ont été écrits),4 de la proportion des langues utilisées dans les premiers jets des textes écrits par l'administration de l'UE, ou encore du nombre d'étudiants qui apprennent les langues en Europe Centrale, la chose est claire. L'anglais domine très largement. Et l'allemand précède le français, sauf dans un cas, celui des textes écrits par l'administration de l'UE. Mais il y a plus grave si l'on examine la dynamique dans les deux cas où elle est disponible dans le Tableau 2: l'utilisation de l'anglais augmente sensiblement, et celle du français se réduit.

Un autre aspect est illustré dans le Tableau 3 qui donne pour chaque pays de l'Union des Quinze (UE15 par la suite) la proportion de tous les citoyens et de ceux de moins de 40 ans qui disent connaître l'anglais, le français et l'allemand. Même si les pourcentages absolus peuvent paraître exagérés, la dynamique est claire: la connaissance des langues étrangères est en général bien plus importante chez les jeunes (même au Royaume-Uni, pour lequel on peut regretter que la connaissance de l'anglais ... diminue), mais c'est surtout l'anglais qui en bénéficie. Et encore, s'il faut en croire le rapport publié récemment par le Ministère de l'Éducation Nationale (2004), la connaissance des langues étrangères chez les jeunes de 15 à 16 ans est en diminution en France, par comparaison avec d'autres pays européens.5

Cette dynamique est-elle irréversible? Une réponse possible à cette interrogation est fournie par Ginsburgh, Ortuno-Ortin et Weber (2005b) qui étudient les déterminants "macroscopiques" de l'apprentissage d'une langue étrangère (ces déterminants peuvent être différents des incitations micro-économiques qui poussent à l'apprentissage opportuniste d'une langue parce qu'elle donne accès à des emplois plus nombreux et/ou mieux rémunérés). Leur modèle, inspiré de celui de Selten et Pool (1991), est basé sur l'idée que trois facteurs sont déterminants: le nombre de ceux qui parlent la même langue (disons, maternelle) que celle de l'étudiant de la langue étrangère (plus cette population est importante, moins grande est l'incitation), le nombre de ceux qui parlent la langue étrangère (la langue est d'autant plus attractive qu'elle est parlée par une population nombreuse), et le degré de difficulté de la langue abordée (le degré d'attirance de la langue étrangère est d'autant plus faible que la langue est difficile d'accès). C'est évident, mais ce qui l'est moins c'est de montrer que les données disponibles et l'analyse économétrique à laquelle on peut les soumettre donnent un support empirique à cette approche. Toutes autres choses égales, l'anglais exerce un pouvoir d'attraction beaucoup plus élevé que le français, l'allemand et l'espagnol: une augmentation d'un pourcent de la population qui connaît l'anglais augmente de 3.6% la part de la population attirée par l'anglais dans un pays non anglophone; ce pourcentage tombe à 2,2 et 1,8 pour le français et l'allemand. Étant donné que le nombre de locuteurs anglais dans le monde est, aujourd'hui, dix fois plus élevé que celui des deux autres langues,6 la dynamique d'évolution est claire.

Rien de très neuf ici, malheureusement. L'anglais domine et le français cède sa deuxième place à l'allemand. Tout cela avait été largement prévu par Alphonse de Candolle,7 homme de science genevois né à Paris, dans son essai Avantage pour les sciences d'une langue dominante et laquelle des langues modernes sera nécessairement dominante au XXe siècle, paru en 1873:

"Pour le comprendre, il faut réfléchir aux causes qui font préférer une langue, et à celles qui en propagent l'emploi malgré les défauts qu'elle peut avoir. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il existait des motifs pour faire succéder le français au latin dans toute l'Europe. C'était une langue parlée par une grande proportion des hommes instruits de l'époque; une langue assez simple et fort claire. Elle avait l'avantage d'être voisine du latin, qu'on connaissait à merveille. Un Anglais, un Allemand avait tout naturellement appris la moitié du français en apprenant le latin. Un Espagnol, un Italien en savait d'avance les trois quarts. Si l'on soutenait une discussion en français, si l'on publiait dans cette langue, tout le monde comprenait.
Dans le siècle actuel, la civilisation s'est beaucoup étendue au nord de la France et la population s'y est augmentée plus qu'au midi. L'emploi de la langue anglaise a triplé par le fait de l'Amérique. Les sciences sont de plus en plus cultivées en Allemagne, en Angleterre, dans les pays scandinaves et en Russie.
Sous l'empire de ces nouvelles conditions, une langue ne peut devenir dominante que si elle réunit deux caractères: (1) avoir assez de mots ou de formes germaniques et latines pour être à la portée, à la fois, des Allemands et des peuples de langue latine; (2) être parlée par une majorité considérable d'hommes civilisés. Outre ces deux conditions essentielles, il serait bon, pour le triomphe définitif d'une langue, qu'elle eût aussi des qualités de simplicité grammaticale, de brièveté, de clarté.
L'anglais est la seule langue qui puisse, dans cinquante ou cent ans, offrir toutes ces conditions réunies (...) La prépondérance future de la langue anglo-américaine est évidente: elle sera imposée par le mouvement des populations dans les deux hémisphères."

Et Candolle apporte dans la suite des chiffres montrant qu'entre 1873, date de son essai et 1980, la langue anglaise aura progressé de 93 à 450 millions d'individus, alors que l'allemand et la français auront progressé respectivement de 58 à 116 et de 42,5 à 64 millions.

2. L'exclusion des citoyens de l'Union

Annoncer, comme nous l'avons fait dans la section précédente, que certaines langues sont attractives implique que d'autres le sont moins, ou pas du tout, et peut suggérer qu'il faut peut-être accélérer le passage vers certaines langues, étant donné le coût économique imposé par le multilinguisme. Cette proposition mérite d'être examinée, même si nous suggérerons, in fine, une alternative qui nous semble largement préférable.

Nous nous basons pour ce faire sur l'enquête INRA (2001) dont il a déjà été question plus haut, ainsi que sur celle réalisée en 2001 dans les 10 pays dont l'admission était prévue en 2004.8 Essentiellement, ces deux études fournissent des données sur les langues maternelle(s) et étrangère(s) parlées dans chacun des 25 pays. Tout en n'étant pas tout à fait comparables, et contestées par certains auteurs9 qui estiment que les enquêtes exagèrent le nombre de citoyens qui disent parler ou connaître les langues, nous utiliserons ces deux études qui ont l'avantage évident de fournir des résultats, alors que l'on joue souvent à deviner sur la question. Faire mieux nécessiterait de soumettre à des examens linguistiques quelque 25.000 citoyens (environ 1.000 individus dans chacun des 25 pays), ce qui est évidemment impensable.10

Ces deux enquêtes permettent de calculer le nombre de citoyens qui pourraient se sentir exclus de l'Union Européenne, parce que leur langue est ignorée. C'est ce qu'écrit avec grande justesse Claude Hagège (2000, p. 13) et qui est reproduit dans l'exergue à notre article. Et il conclut son ouvrage par les propos suivants:

"...la défense des langues nationales qui ne bénéficient pas d'un statut officiel au sein des États où vivent leurs usagers n'apparaît plus comme une démarche rétrograde. Elle est, par ailleurs, un acte de pure prudence dans les cas où l'inégalité des chances entre langue minoritaire et langue dominante met la paix en péril, comme cela s'est produit [en 2000] en Moldavie et risque de se produire encore non seulement dans les pays baltes..., mais dans d'autres régions de l'ex-Union Soviétique où vivent des minorités russophones. On objectera que cette partie du continent, puisqu'elle n'appartient pas, ou pas encore, à la Communauté proprement dite, n'est pas un bon exemple. Mais ce qui s'y produit doit servir d'avertissement."

Avertissement sévère. Au mieux, les "exclus linguistiques" seront indifférents aux décisions prises à Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. Au pire, ils se sentiront aliénés par le processus politique, avec les conséquences auxquelles Hagège fait allusion, et qui pourraient aller jusqu'à une remise en question de l'Union. Un fait qui date de la fin février 2005 est exemplaire. La Commission aurait décidé que les conférences de presse, traduites jusqu'ici dans les 20 langues, ne seraient plus traduites qu'en anglais, français et allemand. Aussitôt l'éditorial de première page du Corriere de la Sera suggère que "l'opinion publique italienne doit savoir qu'aujourd'hui [l'Italie] ne fait plus partie des nations importantes de l'Union, mais se trouve reléguée au second rang."11

Les Tableaux 4 et 5 fournissent des estimations des pourcentages d'exclus par pays si l'anglais (E), le français (F) ou l'allemand (G) seuls, ou en combinaison (EF, EG, EFG), étaient utilisés comme langues officielles dans l'Union.12 Ces résultats appellent deux observations. Premièrement, en dépit du fait que l'anglais domine, 50% des citoyens seraient exclus si l'anglais devait devenir l'unique lingua franca dans l'UE 25, comme le suggère Van Parijs (2005) par exemple. Mais tout autre choix serait pire, puisque ce pourcentage passerait à 71%, avec le français ou l'allemand, et à bien plus si l'italien, l'espagnol le néerlandais ou le polonais (nous nous limitons ici aux 7 langues les plus parlées dans l'UE) étaient choisis comme seule lingua franca. En deuxième lieu, les taux d'exclusion seraient particulièrement élevés dans certains pays d'Europe Centrale, mais aussi en France (58%), en Allemagne (46%), en Espagne (64%) et en Italie (61%), les quatre pays les plus peuplés d'Europe, et dont trois sont fondateurs de ce qui allait devenir l'Union Européenne.

Il importe dès lors d'examiner ce qui se passerait en combinant plusieurs langues et en comptant le nombre de locuteurs qui parlent l'une ou l'autre.13 C'est ce que nous faisons dans les trois dernières colonnes des Tableaux 4 et 5. Les chiffres mènent aux remarques suivantes. D'abord, alors que le français était deuxième langue dans l'UE 15, il se retrouve en minorité par rapport à l'allemand dans l'UE 25. En effet, le taux d'exclusion s'élève à 38% dans la combinaison anglais-français et à 37%, soit un peu moins, dans la combinaison anglais-allemand. La combinaison des trois langues fait tomber les exclus à 19% de la population dans l'UE 15 et à 26% dans l'UE 25. Ce qui n'empêche nullement que les taux d'exclusion par pays demeurent très élevés en Grèce, en Italie, au Portugal, en Espagne ainsi que dans la plupart des pays d'Europe centrale.

Cette situation suggère de retenir la langue ou le groupe de langues qui minimise le taux d'exclusion individuelle (par pays) le plus grand (critère dit du minimax).14 Il est facile de voir que c'est sans conteste l'anglais si l'on choisissait une seule langue, aussi bien pour l'UE 15 que pour l'UE 25. Dans le cas d'une combinaison de deux langues, c'est le groupe anglais-francais qui réalise ce minimum dans l'UE 15 (avec une exclusion maximale de 59% au Portugal, alors que le groupe anglais-allemand exclut 64% des portugais). Mais les choses changent dans l'UE 25, où la combinaison gagnante est le couple anglais-allemand (qui exclut au maximum 75% des hongrois, alors que le couple anglais-français exclut 86% des Slovaques--et 84% des Hongrois).

On peut évidemment songer à ajouter d'autres langues à ces trois premières, par exemple l'italien (57,6 millions de locuteurs en Italie), l'espagnol (39,4 millions de locuteurs en Espagne), le polonais (38,6 millions de locuteurs en Pologne), ou le néerlandais (21,9 millions de locuteurs aux Pays-Bas et en Belgique néerlandophone), mais en se reportant aux résultats du Tableau 1, on se rappellera qu'aucune de ces langues n'est largement pratiquée en dehors de son environnement d'origine. Leur introduction réduit évidemment le degré d'exclusion dans le pays d'origine, mais a peu d'influence dans le reste de l'UE.15

Le doute exprimé sur les résultats d'enquêtes relatives à la connaissance des langues a fait opter Ginsburgh, Ortuno-Ortin et Weber (2005a) pour une approche tenant compte de la proximité entre langues, basée sur les distances calculées par Dyen, Kruskal et Black (1992).16 Le Tableau 6 classe les langues selon leur degré d'exclusion, dans les cas où une, deux ou trois langues sont "officielles".17

Ces calculs ont été faits pour l'UE15 et restent à faire pour l'UE 25 pour laquelle il est très vraisemblable que le polonais pourrait apparaître. Ces calculs montrent que l'anglais seul est très mal situé, puisqu'il arrive en dernière position après l'allemand, l'italien, le français, l'espagnol et le néerlandais. Ceci ne doit pas trop nous surprendre, du fait que la population naturelle qui le parle est relativement faible (15% dans l'UE 15), qu'il se situe à une distance importante des langues latines, qui constituent 45% de la population, alors que l'allemand, parlé par 24% de la population, est plus proche que l'anglais des autres langues germaniques telles que le danois, le suédois et le néerlandais. C'est aussi conforme à ce que Claude Hagège dit de l'anglais pour ceux dont la langue maternelle est d'origine latine: une des langues les plus difficiles à apprendre.18 Même si l'on passe à deux langues officielles, l'anglais n'est pas parmi les premiers choix que sont l'allemand et une langue latine, l'italien, le français ou l'espagnol. Lorsque l'on passe à trois langues, l'anglais est présent dans les quatre combinaisons qui excluent le moins de citoyens dans l'UE 15, et le groupe anglais-français-allemand est à peu de chose près aussi bon que la combinaison gagnante anglais-allemand-italien. Ginsburgh, Ortuno-Ortin et Weber (2005a) montrent que cette combinaison reste (presque) optimale même si le degré d'aversion à l'exclusion devient élevé.

3. Le coût marginal des traductions et une proposition de décentralisation

Affirmer que la traduction dans 20 langues coûte seulement 2 à 3 euros par citoyen européen est trompeur. Ce qui compte, c'est le coût par citoyen exclu parce qu'il ne connaîtrait aucune des langues à laquelle on donnerait un statut privilégié.

Fidrmuc et Ginsburgh (2005) se sont livrés à un calcul basé sur les hypothèses suivantes: (a) les coûts de traduction sont identiques quelle que soit la langue, soit 65,1 millions d'euros par langue (1.236 milliards/19 langues); (b) les langues privilégiées sont l'anglais, le français et l'allemand, et tout citoyen qui parle ou comprend au moins l'une des trois langues n'est pas exclu. Cette deuxième hypothèse est sévère, parce qu'il se peut qu'aucune des trois langues ne soit la langue maternelle du citoyen. C'est néanmoins ce qui est demandé à l'heure actuelle à un Basque, ou à un Catalan qui ne connaîtrait pas l'espagnol, ou à un Irlandais ignorant de l'anglais.

Pourquoi l'anglais, le français et l'allemand? Parce qu'aujourd'hui, plus de 90% des documents sont d'abord écrits dans l'une de ces trois langues, et ne nécessitent donc aucune traduction supplémentaire (voir Tableau 2), et que plus de 75% (81% dans l'UE 15 et 36% chez les nouveaux arrivés) de la population de l'UE actuelle comprend au moins l'une d'entre elles (voir Tableaux 4, 5 et 6).

Le tableau 7 donne un aperçu des 20 langues officielles retenues par l'UE. La troisième colonne donne la population des pays dans lesquels la langue est la langue usuelle (souvent maternelle). Dans la quatrième colonne figure le nombre de citoyens qui ne comprennent ni l'anglais, ni le français, ni l'allemand, et pour lesquels une traduction dans la langue du pays pourrait être nécessaire. La dernière colonne donne le coût de traduction par citoyen exclu, obtenu en divisant le coût de traduction moyen d'une langue (65,1 millions) par le nombre de citoyens exclus. Ces coûts varient considérablement d'une langue à l'autre. Ils sont nuls pour l'anglais, le français et l'allemand, conformément à notre hypothèse, faibles pour l'italien, le polonais et l'espagnol, étant donné la taille de la population qui serait exclue, mais supérieurs à 25 euros pour 8 des 20 langues. Le record de 980 euros par citoyen est détenu par le maltais, du fait que très peu de résidents de l'île ne connaissent pas l'anglais et qu'il faudrait traduire en maltais pour un peu plus de 60.000 individus seulement.

Les réglementations actuelles de l'UE permettent à un pays membre d'exiger les services de traduction et d'interprétation pour autant que la langue soit officielle, ou d'y renoncer, comme l'ont fait jusqu'ici le Luxembourg et l'Irlande. Ceux-ci ont été généreux et ont sans doute eu tort, puisque même si le gain lié aux services de traduction et d'interprétation est faible, il est néanmoins positif, alors que le coût est supporté par l'ensemble de la population de l'Union.

Décider si 100, 400 ou 1.000 euros est acceptable pour éviter l'exclusion de certains groupes de citoyens relève du politique. Nos calculs sont simplement destinés à illustrer des situations très différentes, tout en faisant remarquer que chaque langue coûte en moyenne 65,1 millions d'euros. On peut cependant se demander si certains pays ne trouveraient pas plus indiqué d'allouer un tel montant à d'autres projets tels que santé, instruction, etc. si on décidait de le leur transférer. C'est alors chaque pays qui assurerait, ou déciderait de ne pas assurer, la traduction des textes dans sa langue,19 ce qui permettrait d'éviter ou de réduire les nombreux retards de traduction auxquels font face les services centralisés à l'heure actuelle20. Et c'est le gouvernement du pays en question qui porterait, devant ses citoyens, la responsabilité de ne pas traduire. Cette solution paraît acceptable et efficace, puisqu'elle élargit les choix actuels. Elle permettrait aussi à la Commission d'alléger la gestion de ce qui est, aujourd'hui déjà, le plus grand service de traduction et d'interprétation du monde. Il importe cependant de vérifier, in fine, si l'ensemble des traductions est conforme à l'esprit, et si nécessaire, à la lettre du texte original, ce qui nécessiterait sans doute l'intervention des services centraux de Bruxelles21.

Conclusions

Faut-il craindre que le nombre de langues se réduit lorsque certaines langues prennent la place d'autres? S'il est vrai qu'au cours du temps certaines langues disparaissent, d'autres se créent. Le latin, langue fédérative de l'Europe il y a quelques siècles à peine, a disparu, mais il est remplacé par l'espagnol, l'italien, le français, le portugais, le roumain, auquel on peut rajouter, notamment, le catalan, l'aragonais, le galicien, le wallon, le provençal, le corse, le français parlé par les Canadiens, et pourquoi pas, le ladino et le djudesmo, ainsi que les dizaines de créoles, y compris celui utilisé à la Nouvelle-Orléans, dans le plus grand pays anglophone. L'anglais lui-même éclate en plusieurs dizaines d'idiomes, suivant l'endroit où il est parlé: l'anglais britannique qui diffère selon qu'il s'agit de l'Écosse, du Pays de Galles, ou de la BBC; l'anglais américain, différent dans les Appalaches de ce qu'il est à Boston et à New York; l'anglais canadien utilisé à Québec qui diffère de celui parlé par les Inuits, l'anglais des Caraïbes, celui de l'Afrique, du sud ou de l'est de l'Asie.22 Sans oublier le spanglish.23 Rien ne nous garantit que dans deux mille ans ces langues ne seront pas aussi différentes l'une de l'autre que ne le sont aujourd'hui la multitude des langues indo-européennes.24

Peut-on comparer, comme c'est souvent fait par les écolinguistes, la disparition de certaines langues à la réduction de la diversité biologique? On a sans doute trop tendance à oublier que l'homme parle depuis cinquante à cent mille ans à peine, et que la diversité dont il est question aujourd'hui (quelques 6.000 langues) provient très vraisemblablement d'une langue unique.25 On est passé de l'unicité à une grande diversité en cent mille ans. La faune et la flore dont on regrette la disparition a mis bien plus de temps à se diversifier, et mettra plus longtemps à se reconstituer, même si on lui en donne la possibilité. Comme le suggère Kebbee (2003, p. 51), l'équivalence "langage égale espèce" dont le débat remonte aux années 1860, est aussi fausse aujourd'hui qu'elle l'était alors: "Une langue est un comportement, pas une caractéristique physique," explique-t-il. "Lorsque deux langues sont en contact, elles s'influencent. Lorsqu'un chien vit à côté d'un oiseau, il ne lui pousse pas d'ailes, et l'oiseau ne se verra jamais doté de pattes velues. Deux langues peuvent en créer un troisième. L'influence d'une langue sur l'autre ne doit pas être perçue comme une dégradation de l'une ou de l'autre". Ce qu'écrit Streeten (2005) au sujet de la culture, s'adapte parfaitement au langage:

"Bien que l'on dise de la diversité qu'elle contribue à la créativité, on ne peut l'invoquer de façon abstraite. Il nous faut montrer pourquoi celle-ci accroît le progrès économique, les opportunités sociales, la stabilité politique et la résolution des conflits et pourquoi elle a de la valeur, pourquoi elle est belle et peut même être délectable. Dans le processus de globalisation, certaines cultures disparaissent, mais d'autres naissent. L'effacement des cultures anciennes peut aller de pair avec une grande variété de nouvelles formes de vie humaine (...) Nous devons apprendre à apprécier la variété des habitudes sociales et culturelles, pour autant que ces différences ne rentrent pas en contradiction avec les principes éthiques universels, en particulier le respect du droit à la vie, à la liberté, au droit à la parole, à la religion."

Il ne peut donc être question d'ignorer certaines langues, mais il faut songer à simplifier la communication entre ethnies de langues différentes. A la question "anglais comme lingua franca" il faut résolument répondre "non". Le degré d'exclusion de certains citoyens européens serait insupportable. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille cesser de les encourager à apprendre l'anglais (de même que d'autres langues, d'ailleurs), ce que Claude Hagège (2000, p. 13) exprime si bien en écrivant que "charger son parler maternel d'une valeur de symbole ne signifie pas que l'on soit aveugle à l'utilité des langues fédératrices". L'apprentissage à l'école est sans doute nécessaire, mais il ne faut rien négliger et la recommandation faite par Van Parijs (2003) de ne plus doubler les films produits en langue anglaise dans les pays dont la langue est dérivée du latin (de même qu'en Allemagne et en Autriche) est certainement excellente, d'autant plus que le sous-titrage coûte moins cher que le doublage. L'écoute, même si elle reste passive, est utile. Combien de fois n'entend-on pas dire que les jeunes se font à l'anglais en écoutant du rock!

La traduction et l'interprétation sont coûteux, mais ce qui l'est sans doute tout autant, ce sont, comme le souligne de Swaan (1993, 2001, p. 173) les coûts subjectifs de communication, les erreurs qui s'ensuivent, les retards de traduction qui peuvent finir par paralyser le fonctionnement des institutions.

La solution que nous proposons dans la Section 3, consiste à gérer de manière centralisée trois langues de travail, l'anglais, l'allemand et le français, parce que ce sont celles qui permettent de réduire sensiblement l'exclusion dans la plupart des pays de l'espace européen et parce que ce sont par excellence des langues pivot à partir desquelles les traductions peuvent se faire plus aisément vers les autres langues de l'Union. La traduction de celles-ci serait décentralisée dans les pays concernés, et financée par des transferts en provenance du budget général de la Commission. Mais on pourrait aussi imaginer que les pays de langue anglaise, allemande et française soient taxés par l'UE, puisque leurs langues ont un traitement préférentiel, et que ces taxes soient reversées aux autres langues.

On pourrait aussi imaginer de passer à cinq langues "centrales" en incluant l'espagnol et le polonais. L'espagnol, parce qu'il est parlé par 340 millions de citoyens dans le monde et le polonais parce qu'il s'agit d'une langue slave qui ouvre la porte à un grand nombre des langues parlées dans les pays d'Europe Centrale.

Le français a perdu sa place de deuxième langue dans l'administration de l'Union. Son influence, assez large avant l'accession de la Grande Bretagne en 1973 n'a cessé de s'effriter depuis, mais l'insistance de l'Allemagne pour que l'allemand soit adopté comme troisième langue n'a pas ému grand monde jusqu'ici. De Swaan (2001, p. 171) estime qu'en 1991, plus de 90% des officiels des Directions Générales parlaient couramment le français, 70% l'anglais et seulement 16% l'allemand. Près des deux tiers de la communication interne se faisait en français, un tiers en anglais, les autres langues n'étant pratiquement pas utilisées. Ceci est cohérent avec les chiffres rapportés dans le Tableau 2, mais ceux-ci montrent aussi que les choses ont changé depuis, non pas en faveur de l'allemand, mais certainement en défaveur du français. L'addition des dix pays d'Europe Centrale pourrait modifier cette tendance en faveur de l'allemand, qui rappelons-le, a, dans la nouvelle Europe, plus de locuteurs que le français.

Jan Fidrmuc
Brunel University, Grande-Bretagne et CEPR
Victor Ginsburgh
ECARES, Université Libre de Bruxelles et
CORE, Université catholique de Louvain
Shlomo Weber
CORE, Université catholique de Louvain
Southern Methodist University, Texas et CEPR

Notes

1. On voit en effet mal comment l'Ukraine pourra ne pas exiger que l'Ukrainien et le Russe soient considérés toutes deux comme langues officielles du pays. [RETOUR]

2. Cité par David Ferguson, Lost in translation, The Parliament Magazine, November 15, 2004, p. 50. [RETOUR]

3. Il faut noter que le russe est parlé par quelque 24 millions de personnes dans les pays d'Europe centrale qui viennent d'adhérer à l'Union, dont 12 millions en Pologne. Le russe est donc davantage parlé dans l'UE que le néerlandais, mais il n'est bien sûr pas considéré comme langue officielle. [RETOUR]

4. Ainsi que, n'est-il pas, le faible nombre de références bibliographiques en français (6 sur 30) dans cet article-ci. [RETOUR]

5. Voir aussi Le Monde, 22 octobre 2004 et notamment l'article intitulé "Déjà faible, le niveau des élèves français a baissé entre 1996 et 2002". [RETOUR]

6. Voir Crystal (2001) qui estime à 1-1,5 milliards le nombre d'anglophones dans le monde, alors que le l'on estime à 120 millions le nombre de ceux qui parlent le français ou l'allemand. [RETOUR]

7. Avec nos remerciements à Dean Simonton pour cette référence que nous ignorions. [RETOUR]

8. Voir DG Press and Communication (2003), Applicant Countries Eurobarometer 2001: Public Opinion in the Countries Applying for European Union Membership, European Commission, March 2002. [RETOUR]

9. Voir par exemple Piron (1994). [RETOUR]

10. Il faut noter que Ginsburgh, Ortuno-Ortin et Weber (2005a) ont également obtenu des résultats comparables sur base des proximités linguistiques, basées sur Dyen et al. (1992). Cette approche sera brièvement abordée plus loin. [RETOUR]

11. BBC News, Monday February 21, 2005, 18:03 GMT. [RETOUR]

12. Ginsburgh et Weber (2005) donnent également des résultats pour l'italien, l'espagnol et le néerlandais dans l'UE 15. Ces résultats sont ignorés dans la suite, du fait qu'aucune de ces trois langues n'est véritablement "exportée" de son pays d'origine et n'est susceptible de changer de manière importante les conclusions. L'italien est connu par 8% des grecs et 7% des autrichiens, et bien moins dans les autres pays. Il en va de même pour l'espagnol, qui atteint plus de 5% uniquement en France (15%). Le néerlandais est pratiqué par 69% des belges, mais est sans influence ailleurs, si ce n'est aux Pays-Bas. La suggestion de limiter à l'anglais, au français et à l'allemand les langues de travail dans l'UE est aussi faite par Calvet (2002, p. 49). [RETOUR]

13. La difficulté posée par le fait de combiner des langues vient de ce qu'il faut exclure ceux qui parlent deux des langues retenues. Par exemple, un anglais qui parle le français serait compté deux fois dans le décompte des locuteurs qui parlent soit l'anglais, soit le français. Nos calculs sont faits en excluant ces "intersections". [RETOUR]

14. Nous remercions Alain Trannoy de cette suggestion. [RETOUR]

15. Voir à ce sujet Ginsburgh et Weber (2005) pour l'UE 15. [RETOUR]

16. Voici comment ces distances sont établies. Pour chacun des 200 mots de base sélectionnés par Swadesh (1952), censés apparaître dans toutes les langues (père, mère, sang, les nombres, etc.), Dyen a collecté les mots dans 95 langues indo-européennes, qu'il a classés ensuite en classes d'origine supposée commune (cognate classes). Le pourcentage de mots d'origine commune entre deux langues est pris comme mesure de leur proximité. Il faut noter que les mots empruntés ne sont pas pris en compte, ce qui peut évidemment fausser la distance entre deux langues telles que le français et l'anglais par exemple, comme le peut évidemment la structure grammaticale. Il s'agit donc d'une mesure très approximative. Chiswick et ses coauteurs (par exemple Chiswick et Miller, 2004) basent les distances (entre l'anglais américain et les langues maternelles de ceux qui ont immigré aux États-Unis) sur le nombre d'années d'apprentissage de l'anglais par les diverses populations immigrées. [RETOUR]

17. Voir Ginsburgh, Ortuno-Ortin et Weber (2005a) pour le cas de 4 et 5 langues. [RETOUR]

18. Voir l'interview de Claude Hagège dans Le Figaro, 5 avril 2004. [RETOUR]

19. Certains pays partagent la même langue, ce qui pose un petit problème aisé à résoudre par négociation. [RETOUR]

20. Voir De Swaan (2001) et Mamadouh (1998). En 2004, les services de traduction de l'UE admettent un retard évalué à 60.000 pages. [RETOUR]

21. Il va sans dire que cette proposition ne couvre pas les services de traduction simultanée du Parlement Européen. [RETOUR]

22. Voir à ce sujet The Cambridge Encyclopedia of the English Language. [RETOUR]

23. Voir Le Monde, 7 octobre 2003, p. 1. [RETOUR]

24. Voir aussi Calvet (2002, chapitre 4). [RETOUR]

25. Voir par exemple Ruhlen (1994), même si les 27 mots mots qu'il prétend avoir retrouvés de la langue-mère pourraient relever du vouloir plutôt que du savoir. Ce qui n'en rend pas l'idée moins belle! [RETOUR]


Références bibliographiques

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Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93