Biennale de la Langue Française

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Simon COMPAORÉ
Maire de Ouagadougou


Le jumelage Ouagadougou-Loudun


Permettez-moi tout d'abord de remercier tous ceux qui, dans cette assemblée de la XVIIIe Biennale de la langue française, sont venus, parfois de fort loin jusqu'à à Ouagadougou. Pour un maire, c'est un plaisir toujours renouvelé que de recevoir des hôtes dans sa cité. Nous sommes donc très heureux de vous avoir reçus, d'autant plus que notre ambition est de faire de Ouagadougou la plaque tournante de l'Afrique de l'Ouest.

Ouagadougou est une ville de plus d'un million d'habitants dont 65% ont moins de 35 ans. C'est donc une population jeune. Cette ville n'a pas été gâtée par la nature. Nous sommes à mille kilomètres de la mer. Toutes nos exportations doivent donc franchir cette distance, qu'elles transitent par la Côte d'Ivoire, le Togo, le Bénin ou le Ghana. Cela pèse évidemment sur le coût des marchandises et explique les difficultés que nous rencontrons en matière économique. Cette ville est caractérisée par ce que certains ont appelé l'économie populaire, que nous appelons le secteur informel, et qui participe pour une bonne partie à la formation du produit intérieur brut. Ceux qui ont pu parcourir la ville ont eu le spectacle de l'importance de ce secteur informel.

Ouagadougou a vécu pour la première fois une expérience de démocratie à la base avec les élections municipales du 12 février 1995. C'est à la faveur de ces élections que j'ai été élu maire. La ville comporte cinq arrondissements. A la tête de chacun il y a un maire élu et un conseil d'arrondissement. Les 197 conseillers d'arrondissement forment le conseil municipal de la ville, son instance décisionnelle, avec à sa tête, le président de ce conseil qui est le maire de Ouagadougou. Notre taux de croissance est de l'ordre de 5,71'an. La superficie de la ville est de 52 000 hectares, zones urbaines et rurales comprises.

Cette ville a beaucoup d'ambition. Elle a présentement un certain nombre de jumelages avec des villes du Sud comme avec des villes du Nord. Au Sud, nous sommes jumelés avec la ville de Lomé et nous entretenons des relations avec les villes de la sous-région. Au Nord, nous sommes jumelés avec la ville de Loudun et nous avons des partenariats formalisés avec la ville de Lyon, très bientôt avec Grenoble. Nous allons prochainement recevoir une délégation de la ville de Québec pour établir là aussi des relations d'amitiés et de coopération.

De plus, par l'Association des maires du Burkina, nous avons conclu une convention avec la Convention des maires noirs des villes des États-Unis et des villes comme Ouagadougou sont ainsi jumelées avec des villes américaines.


Pour ce qui concerne le jumelage Loudun-Ouagadougou, il faut d'abord évoquer sa petite histoire. C'est en 1967, à l'occasion du Conseil exécutif de la Fédération mondiale des villes jumelées que Monsieur René Monory , maire de Loudun et le docteur, maire de Ouagadougou - à l'époque villes de 5000 et 1000000 d'habitants -, ont décidé de lier les destins de leurs cités. Le «mariage » eut lieu la même année, le 27 janvier, donc sans tarder!

Très vite le cadre du partenariat a été arrêté. Il concernait d'abord la formation. Tout de suite des représentants de Ouagadougou ont pu se rendre à Loudun pour y recevoir une formation qui leur a permis d'être plus performants dans les services municipaux. Le second point était la culture. Loudun a créé ce qu'elle appelait la Case de Haute- Volta, le nom du pays à l'époque, c'est-à-dire un lieu où ont été exposés des objets symboles de la culture du Burkina et de Ouagadougou afin d'y sensibiliser les habitants de la ville française. C'était également un lieu de vente de divers produits de vannerie, des bronzes, des sculptures, ventes dont les bénéfices ont permis de financer des envois de médicaments dans les maternités et les dispensaires de Ouagadougou. Toujours sur le plan
de la culture, le prestige de Ouagadougou dans le cinéma, avec l'organisation du Fespaco, a permis d'organiser à Loudun des séances de cinéma africain où la projection de films burkinabè permettait, elle aussi, de faire connaître notre ville et notre culture dans la Vienne.

Au titre du sport, point important vu la jeunesse de la ville de Ouagadougou, se sont établies très vite des actions de coopération. De jeunes footballeurs de talent allèrent relever le niveau du football à Loudun et surent s'intégrer à l'équipe locale. Ces jeunes apprenaient en même temps un métier, la menuiserie, la soudure, la plomberie. Revenus au pays, ils pouvaient participer à l'économie de la ville en créant leur propre affaire. Enfin, en ce qui concerne la santé, de nombreuses délégations de Loudun sont venues visiter nos infrastructures sanitaires. Elles ont ensuite pu collecter des produits pharmaceutiques pour les ravitailler.


Après 1995, une nouvelle dynamique s'est créée qui a succédé à ces premières réalisations du jumelage. Il a été décidé de mettre sur pied un programme pluriannuel et multisectoriel. Le premier programme s'est étendu de 1996 à 1999. Il s'achève bientôt. Il s'est intéressé au secteur de la santé, la construction des kiosques, la construction des latrines, la création d'un centre d'accueil pour les entreprises, la création d'un centre de lutte contre le paludisme par moustiquaires imprégnées et la construction d'infrastructures sportives. Ce programme triennal couvrait un montant global de cent millions de francs CFA, programme auquel la Mission française à Ouagadougou s'est intéressé et a
contribué pour une trentaine de millions.

On est donc passé d'actions ponctuelles à un programme d'actions suivies. Tout ce que nous avons pu réaliser dans ce programme triennal, et qui sera visité par une forte délégation de la Vienne qui nous rend visite la semaine prochaine, est digne d'éloge.

Nous avons pu dépasser le stade du verbe, des discours pour aller dans le concret, par exemple dans le domaine de l'emploi, ce cancer des villes africaines ou du Nord. On sait combien le chômage frappe les jeunes. Avec l'aide de Loudun, nous avons créé ce centre qui permet aux jeunes de se faire aider pour pouvoir monter leur petite entreprise. Il y a là un tel succès que nous avons l'appui du ministère de l'Emploi qui pourrait même mettre un agent à notre disposition pour continuer à animer le centre. Beaucoup de jeunes qui sont partis à Loudun et sont ensuite revenus ont trouvé leur compte dans ce centre. Cela, c'est du concret.

En matière de santé, je voudrais souligner l'aspect novateur de l'aide à la lutte contre les moustiques. Vous savez que le paludisme tue. Avec l'aide de Loudun, nous avons pu monter ce projet qui fait son petit bonhomme de chemin et qui, si tout va bien, sera vulgarisé dans tous les arrondissements de la ville.

Nous avons aussi des échanges culturels. Nous envoyons des troupes culturelles à Loudun. Celle de la Maison des jeunes et de la culture s'y est produite au moins deux fois. Cela a été apprécié et tous ceux qui ne peuvent pas venir ici ont ainsi un moyen de connaître notre culture.


Pour nous, le jumelage avec Loudun a été le jumelage précurseur. Il date de trente deux ans. Autour de lui se sont tissés une centaine de jumelages entre des villes du Burkina et des villes françaises. Ce jumelage a fait tant de bien que partout nous le présentons à titre d'exemple. Et que le maire de Loudun ait exercé une très haute responsabilité dans la République française en tant que président du Sénat a été très important. A ce propos, permettez-moi de vous raconter une petite anecdote.

Lorsque j'ai été élu, en 1995, j'ai décidé d'aller à Loudun. Monsieur Monory m'a fait l'honneur de se déplacer de Paris à Loudun pour me recevoir. Il m'a demandé ce qu'étaient mes ambitions pour Ouagadougou. Bien sûr, je m'étais préparé à cette question et je lui ai dit que, en tant que jeune, je voulais que les infrastructures sportives soient dignes de ma ville et que j'avais l'ambition, avant la fin de mon mandat, de construire un stade municipal, un complexe sportif pour les jeunes de Ouagadougou. Et j'ai cité un terrain de football, de tennis, de volley, de handball et une piscine. J'avais évalué le tout à près de six cent millions.

Monsieur Monory m'a regardé au fond des yeux et il m'a dit: Monsieur le maire, je vais vous donner un conseil. En matière de piscine nous mêmes nous avons des difficultés. Je vous demande de revoir votre copie. Quand ce sera fait, on pourra en reparler et je verrai dans quelle mesure je peux vous aider à monter ce projet.

J'ai tout de suite obtempéré, je suis revenu et je suis reparti à la charge avec une copie révisée à deux cent millions, en prenant soin de supprimer la piscine. Il m'a reçu au Sénat. Et sur place il pris son téléphone, devant moi, pour appeler la Caisse française de développement. Au directeur il a dit: Voilà, j'ai un problème avec mon ami de Ouagadougou. Je souhaiterais que vous puissiez me donner un coup de main. Il veut construire un stade. Ça fait deux cent millions de francs CFA. Combien vous mettez ? La réponse a été: soixante à soixante-cinq millions. Monsieur Monory a raccroché et il a appelé le ministre de la Coopération. Même discussion. Ensuite appel au département de la Vienne. Enfin à la mairie de Loudun. Puis il m'a dit: Il faut que vous aussi vous annonciez la couleur. Il faut que vous participiez. J'ai dit : Soixante millions. C'est ainsi qu'on a pu boucler un projet qui est maintenant une réalité: un complexe sportif que nous avons nommé en remerciement Complexe René Monory, où se déroule aujourd'hui beaucoup d'activités sportives.

Vous voyez donc bien qu'au-delà des actions ponctuelles nous sommes passés à des actions organisées qui permettent de dégager une plus-value, de développer les métiers, de mieux faire connaître Ouagadougou. La plupart des jeunes de Loudun qui sont venus ici, par exemple pour créer un jardin que nous avons baptisé Jardin amitié Ouaga-Loudun, n'étaient jamais venus en Afrique. Ils ont pu mieux comprendre les réalités africaines et je crois que c'est une bonne chose.

J'ai eu l'occasion de faire mes études en France, à Dijon. Je me suis rendu compte que les jeunes Français ignoraient tout de l'Afrique alors que les étudiants africains pouvaient dessiner la Seine. Les jumelages et les coopérations sont des expériences qui permettent un brassage au niveau des jeunes comme au niveau du troisième âge. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, la création de la Fédération des villes jumelées voulait travailler dans le sens du brassage des cultures pour cultiver la paix dans le monde. C'est ce que nous faisons à Ouagadougou et à Loudun.

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XVIIIe Biennale

SOMMAIRE

XVIIIe Biennale de la langue à Ouagadougou 1999

L'expression du droit. Le français, langue africaine et internationale.

La jurisfrancité. Le Burkina-Faso et la francophonie


Préface de Roland ELUERD

Remerciements de Roland ELUERD


SEANCE SOLENNELLE D'OUVERTURE

Allocution de Roland ELUERD

Allocution d'Hélène GUILLERMOU

Allocution de Jeanne OGEE

Discours de bienvenue de Filiga Michel SAWADOGO

Allocution de S. E. Maurice PORTICHE

Discours solennel d'ouverture de S. E. Youssouf OUEDRAOGO

Message de Sheila COPPS

Message de René MONORY

Message d'Anne MAGNANT

Message de Stelio FARANDJIS

Message de Franck BOROTRA

Allocution de Marcel BEAUX

Message de Jacques LEGENDRE


I L'EXPRESSION DU DROIT

Le français, langue africaine et internationale

Jean CLUZEL

A. Le temps et l'espace

Jean-Claude TAHITA

Albert DOPPAGNE

Yvaine BUFFELAN-LANORE

Ouango Paul ZEMBA

Paul SABOURIN


B. Les domaines et les nouvelles technologies

Edmond JOUVE

Pierre LERAT

Jean-Paul BUFFELAN-LANORE

Karl CROCHART


C. La jurisfrancité

Shaheda PEEROO

Pierre DECHEIX

Michel DOUCET

Alain A. LEVASSEUR

Alain LANDRY

Floiran TAVARES

Ridha MEZGHANI


D. Expressions littéraires du droit

Oumar KANOUTE

Mariana PERISANU


II. LE BURKINA FASO ET LA FRANCOPHONIE

A. Structures institutionnelles

Paul Ismaël OUEDRAOGO

Baba HAMA

Salaka SANOU

Urbain AMOA

Herman ZOUNGRANA

Patrick BERGEN

Jean R. GUION

Simon COMPAORE


B. Langues, littératures et enseignement

Michel TETU

Lise SABOURIN

Alain VUILLEMIN

Gisèle PRIGNITZ

Youssouf OUEDRAOGO

Auguste Robert NEBIE


C. Table ronde «La littérature burkinabè: présence de l'oralité, place dans l'enseignement »

Jacques CHEVRIER

Alain Joseph SISSAO

Joseph PARÉ

Louis MILLOGO

Maître Titinga Frédéric PACERE


Discours de clôture de Roland ELUERD

Vœux de la XVIIIe Biennale

Liste des participants


A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93