Biennale de la Langue Française

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Pierre C. BÉLANGER

Conseiller principal, Développement des nouveaux médias à Radio-Canada, Aylmer (Québec)


Nouvelles technologies et espace public francophone : la stratégie d'action de Radio-Canada


L'un des phénomènes le plus facilement observables de l'avènement de la société dite de l'information est la mutation graduelle aussi bien de nos comportements d'usage que de nos attentes face aux médias " traditionnels " que sont la radio, la télévision et la presse écrite. L'ubiquité des technologies d'information tant à la maison, à l'école qu'au travail provoque une transformation de nos pratiques médiatiques qui évoluent vers une attitude nettement plus engagée, plus dynamique, plus sélective voire interactive face aux divers contenus avec lesquels nous choisissons de transiger.

Cette lente et constante érosion des comportements d'écoute qualifiés encore hier de " passifs " force ainsi l'ensemble de l'industrie de la radiodiffusion à revoir ses stratégies d'action et à s'investir sur les nouvelles plates-formes numériques. Á peine cinq ans après l'implantation massive d'Internet auprès du grand public, aucun média traditionnel ne risquerait aujourd'hui de ne pas avoir pignon sur le Web. Difficile de s'imaginer qu'il y a quelques années à peine l'un des grands débats des sociétés occidentales consistait à démocratiser l'accès à l'information! Les nouvelles technologies se sont à ce point infiltrées dans nos vies qu'elles posent désormais un double défi aux usagers: se retrouver parmi ce magma d'information dans lequel nous baignons et comment le gérer. Et j'ajouterais : de savoir reconnaître le vrai du faux, le factuel de la rumeur, le rigoureux de l'approximatif, l'éducatif du sensationnalisme, le commercial du sociétal.


La radio publique canadienne de langue française

À titre de radiodiffuseur public canadien, l'essentiel des stratégies de programmation et de diffusion de la Société Radio-Canada gravite autour de trois pôles principaux: renseigner, éclairer et divertir la population francophone et francophile du pays et ce à partir d'un imposant réseau de stations dispersées sur l'ensemble du territoire canadien. Ces dernières années, la forte pénétration des nouvelles technologies d'information et d'Internet en particulier a procuré à Radio-Canada une occasion non seulement d'étendre la portée de ses contenus et services mais également d'accentuer la pertinence de sa programmation à des fins d'apprentissage et de recherche. Quand un phénomène technologique tel qu'Internet parvient à joindre plus de la moitié des foyers Canadiens, le radiodiffuseur public ne peut demeurer indifférent à ce puissant remaniement du budget-média d'une partie aussi importante de son auditoire. Radio-Canada, comme du reste tous les grands groupes médiatiques des pays industrialisés, a pris le parti d'explorer les potentialités que promettent les nouvelles technologies de communication. Une présence marquée sur la toile devient alors un incontournable impératif dans la mesure où les contenus traditionnels subissent une transfiguration qui les rend compatibles avec l'évolution des modes d'usage associés aux nouveaux outils du savoir.

Il est clair que l'informatisation massive des maisons d'enseignement ces dernières années a eu des répercussions significatives sur les méthodes, moyens et horaires d'apprentissage. L'école ne peut plus se réclamer d'être le sacro-saint lieu des connaissances à une époque où celles-ci circulent abondamment et sont accessibles en tout temps et tout lieu pour peu que l'on ait accès à un branchement Internet. Le temps où un enseignant était impressionné par la somme de travail et de recherche consacrée à produire un travail fortement documenté est peut-être révolu. Car, dans un contexte où tous ont un accès facilité aux grands dépôts de connaissances qui pullulent sur la toile, c'est davantage dans la cohérence de l'assemblage et du bricolage que se démarquent les meilleurs travaux.

En termes de fourniture de matériel à caractère éducatif, une partie non-négligeable de la programmation diffusée à l'antenne des diverses radios de Radio-Canada s'avère être congruente avec la poursuite de plusieurs objectifs pédagogiques. Nous prendrons à témoin la fréquence et le volume des requêtes que reçoit le service aux auditeurs en provenance d'enseignants qui souhaitent obtenir soit la version audio soit le texte d'entretiens qu'ils ont récemment entendus à l'antenne afin de l'intégrer à l'une de leurs activités d'enseignement. Si l'on en juge par cet indicateur, il y aurait donc sur les ondes de Radio-Canada de nombreux segments d'émission qui s'apprêteraient à des exploitations en contexte d'apprentissage dès lors que l'on pourrait imaginer un appareillage qui en favorise à la fois l'accessibilité et la facilité de repérage.

La radio de Radio-Canada, c'est d'abord deux grandes chaînes: la Première chaîne qui se veut généraliste et rassembleuse et la chaîne culturelle dédiée aux grandes manifestations musicales et artistiques. Ce sont également 19 stations régionales qui diffusent l'équivalent de quelque 650 heures hebdomadaires de contenus originaux. C'est aussi Radio-Canada International, cet imposant réseau radiophonique qui diffuse en 7 langues aux quatre coins de la planète à l'intention aussi bien des Canadiens vivant outre-mer que des étrangers qui s'intéressent à la perspective canadienne. Et c'est depuis 1995 le secteur des nouveaux médias, cette immense fabrique de contenus numériques dont le site-mère, Radio-Canada.ca, compte plus de 130 000 pages de texte dont 350 sont ré-actualisées quotidiennement. Reconnu comme l'un des sites francophones les plus fréquentés au Canada, Radio-Canada.ca possède également un imposant répertoire audiovisuel avec plus de 1 500 heures de diffusion simultanée, quelque 500 heures de programmation en direct et une collection de segments audio et vidéo avoisinant les 3 000 heures.

On voit d'ici tout le potentiel éducatif, sinon informatif, d'un tel volume de production surtout lorsque l'on considère la nature des contenus que diffuse la radio de Radio-Canada: pour l'essentiel, le choix des éléments gravite autour d'une volonté de donner sens aux actualités quotidiennes, qu'elles soient d'ordre régional, provincial, national ou international. La personnalité de cette radio tient donc principalement au fait qu'elle analyse, commente, réfléchit et contextualise les grands événements du jour, en ayant en tête un auditoire qui recherche une information de fond et qui apprécie les dossiers bien étayés. Á ce titre, l'accès à quelque 65 ans de matériel archivistique sonore constitue une exceptionnelle passerelle sonore entre la société d'hier et celle d'aujourd'hui, tout en faisant revivre les voix des gens et des événements qui ont façonné le monde dans lequel nous vivons.


www.universia.ca : porte d'entrée aux archives radio de Radio-Canada

C'est dans un esprit de recherche de nouvelles avenues pour élargir la circulation et la pertinence des contenus mis en ondes que le secteur des nouveaux médias de la radio française de Radio-Canada a mis sur pied à l'automne 1999 le site Universia. Ce site Web constitue le principal jalon d'un vaste programme de collaboration qu'a initié Radio-Canada avec les différents milieux d'enseignement du pays. À ce jour, une dizaine d'institutions universitaires canadiennes et près de cinquante collèges du Québec ont accès à du matériel archivistique sonore qui a été sélectionné par les professeurs des institutions participantes, à partir de leurs exigences et besoins spécifiques.

L'un des buts principaux d'Universia consiste à explorer la complémentarité des médias traditionnels avec les technologies d'information et d'éducation pour créer un réseau francophone consacré aux hypersavoirs. Implicite dans le déploiement du dispositif technique associé à Universia est la reconnaissance du fait que, pour plusieurs utilisateurs potentiels, l'adjonction d'une énième technologie ne viendra que complexifier davantage la tâche de l'enseignant, en accroissant les occasions où son enseignement devra être adapté aux capacités du nouvel outil proposé. Cette résistance naturelle est prise en compte dans le mode de développement d'Universia, par le fait que les concepteurs accordent un rôle de premier plan aux recommandations exprimées tant par les professeurs que par les étudiants-usagers dans l'orientation des procédures de navigation du site et d'activation des segments audio qui y sont disponibles.

La meilleure manière de saisir l'essence du site Universia est de le concevoir comme un conglomérat composé d'institutions d'enseignement à qui la Société Radio-Canada a accordé le privilège d'effectuer la sélection de segments audiophoniques à partir de la presque totalité des archives dont elle est titulaire des droits. Sont derechef exclus du catalogue disponible tous les concerts, prestations musicales, lectures d'œuvres littéraires et autres documents sonores similaires auxquels sont rattachés des droits d'auteur.

Ce qui distingue Universia.ca du grand portail radio-canadien est la dimension sur mesure des contenus qu'il offre. Alors que le site principal offre des contenus étroitement liés à la programmation courante, récemment diffusée ou à venir, Universia.ca est le résultat de ce que les institutions participantes ont choisi d'y inclure. D'une offre généraliste dans le site principal, on obtient ici une sélection hautement spécialisée qui repose aussi bien sur les archives récentes de la radio (de quelques semaines à quelques mois tout au plus) que sur des contenus tirés d'émissions qui ont été diffusées il y a plusieurs mois, voire plusieurs années.


Universia.ca: son mode de fonctionnement

L'idée de mettre sur pied un site qui s'adresse prioritairement à la communauté éducative constitue en soi un défi, que l'on provienne du milieu public ou du privé. À ce titre, l'idée de créer un triumvirat universités/collèges/radio publique où la matière de l'un sert à appuyer les objectifs pédagogiques de l'autre est une initiative dont le rayon d'action est jusqu'ici inégalé au sein des milieux d'éducation post-secondaire canadiens. Non seulement chaque étape de la constitution de ce site se fait entièrement via Internet, mais Universia.ca fonctionne véritablement comme un consortium intégré puisque, d'une part, il rend disponible à tous les membres de l'initiative les documents développés par chacun des participants et, de l'autre, le financement du projet est réparti parmi les diverses institutions membres qui cotisent des sommes proportionnelles au volume de matériel qu'elles mettent en ligne.

La première université canadienne à répondre à l'invitation de Radio-Canada fut celle d'Ottawa par le biais de la faculté des arts. Á l'automne 1999, le doyen de cette faculté a senti la pertinence d'offrir à ses professeurs la possibilité d'aller puiser dans les archives de la radio de Radio-Canada pour y repérer du matériel qu'ils pourraient par la suite inclure à leur enseignement ou à leurs activités de recherche. L'expérience menée cette année-là auprès de cinq professeurs a servi de rampe de lancement au développement d'un site qui regroupe aujourd'hui des professeurs associés aux universités d'Ottawa, Montréal, Toronto, Sherbrooke, Laval, Moncton, de la faculté St-Jean de l'Université de l'Alberta, du Centre collégial de développement de matériel didactique ainsi que du centre culturel canadien à Paris. Collectivement ces professeurs et chercheurs ont réquisitionné la numérisation de plus de 1 200 extraits audio dont la durée varie entre 1 et 15 minutes par item, pour un total de plus de 75 heures d'enregistrements sonores disponibles en ligne. Ces segments sont répartis en plus d'une vingtaine de thématiques associées aux champs d'étude universitaires traditionnels dont: histoire (430 minutes), sports et loisirs (300 min.), communication (200 min.), sociologie (200 min.), politique (150 min.), nouveaux médias (125 min.), philosophie (90 min.), géographie (55 min.), etc.. Point important à rappeler, chaque item de la banque de données a été sélectionné par un professeur qui y a reconnu un potentiel d'enrichissement de son enseignement. La mécanique d'intégration au cours est simple et ne requiert qu'un minimum d'expertise technologique. Le défi se pose plutôt dans la méthode d'utilisation de ces clips en complément de la matière enseignée de même que des mesures d'évaluation de leur compréhension. Sur ce plan, des partenariats spécifiques sont en voie d'achèvement avec des institutions participantes afin d'optimiser la pertinence des procédures actuellement en vigueur.

Les professeurs participants à Universia.ca soumettent une liste de mots-clés correspondant aux principales thématiques d'un de leurs cours à l'archiviste de Radio-Canada. À partir de cette liste, l'archiviste effectue des recherches dans les banques d'archives de la radio afin d'identifier les documents les plus susceptibles de répondre aux besoins du professeur. Une fois le travail de repérage complété, Radio-Canada expédie au professeur le résultat des recherches avec un court descriptif du contenu des segments audio proposés. Ces résumés sont accompagnés d'informations afférentes tels que la date et l'heure de la diffusion, le titre de l'émission d'où provient le clip sonore ainsi que les nom et titre des personnes entendues. À partir de la liste de résumés qui lui est soumise, le professeur effectue une sélection des extraits audio qu'il considère être les plus appropriés à ses besoins. Ces extraits sonores sont alors déposés sur une section du site appelée site d'écoute temporaire où le professeur peut procéder à l'évaluation des extraits qu'il a retenus. C'est à partir de ces écoutes que la sélection finale est exécutée. Le professeur informe alors le service des archives radio de ses choix. Ces segments sont ensuite déposés sur le site Universia.ca dans un espace réservé aux institutions membres du consortium. Le professeur peut dès lors diriger ses étudiants vers ces liens sonores qui deviennent partie prenante des ressources didactiques disponibles pour ce cours spécifique tout en étant également inscrites à la banque de données principales du site et donc, de facto, accessibles à quiconque s'intéresse à la problématique couverte par le segment sélectionné.

Sur le plan financier, Radio-Canada ne retire aucun bénéfice direct de cette initiative. Sa contribution est liée au fait que, pour la première fois de son histoire, elle ouvre gratuitement les portes des ses voûtes archivistiques dans l'intérêt de la transmission des savoirs et d'une circulation des connaissances selon le mode du sur-demande. Si les archives sont offertes gracieusement aux maisons d'enseignement, leur traitement, gestion et numérisation donnent lieu à des frais qui sont l'objet d'un partage entre les membres du consortium. Il a ainsi été convenu que la tarification s'établirait selon les barèmes suivants: a) frais d'adhésion au consortium: la 1ère année 2 500 $ et 1 000 $ les années suivantes, et b) l'engagement de contribuer à la banque collective de documents à raison d'un minimum de 5 heures d'archives à 500 $/heure.

Les sommes investies dans le consortium Universia.ca permettent aux universités et collèges participants de se développer un répertoire de documents sonores numériques entièrement de langue française et en correspondance avec leurs besoins spécifiques. À cette fin, Radio-Canada a mis sur pied un service personnalisé de consultation de ses archives radio afin de permettre à ses partenaires de se constituer un catalogue de ressources pédagogiques sonores. Par ailleurs, pour optimiser le caractère actuel du matériel utilisé, Radio-Canada offre un service de veille pédagogique de sa programmation radio grâce auquel les professeurs participants sont informés de la diffusion prochaine d'une entrevue ou d'un reportage traitant de l'un ou l'autre des sujets sur lesquels ils ont signalé leur intérêt. Cette fonction prospectiviste peut servir notamment à inciter une classe à être à l'écoute de la diffusion cette même semaine d'un entretien avec une personnalité dont l'action est étroitement liée à l'un des axes d'étude principaux d'un cours. Utilisé efficacement, ce type de stratégie pédagogique peut contribuer significativement à opérationnaliser des concepts, événements, décisions, œuvres, etc. selon le point de vue de ceux qui sont au cœur de ces développements. Et comme la radiodiffusion publique souscrit entièrement à la confrontation des perspectives et idéologies dans l'analyse des grandes tendances de notre époque, il y a là un espace fertile pour alimenter sinon prolonger plusieurs des débats qui se tiennent dans les programmes de formation universitaire.


Le patrimoine sonore: l'avenir de notre passé

Dans l'esprit du radiodiffuseur public canadien, la mise en valeur du patrimoine sonore qu'il a conservé au cours des années comporte des dimensions sociales et culturelles de prime importance, surtout lorsqu'au centre de votre action se trouve la promotion de la francophonie en Amérique du nord. Il est indéniable que dans sa configuration technique actuelle, Universia est d'abord et avant tout un objet destiné à l'apprentissage dans un contexte académique formel, orienté vers l'acquisition de connaissances spécifiques et qui, ultimement, est matière à être notée. Au-delà de ces considérations de nature dirons-nous plus administratives, se révèlent des pourtours à caractère foncièrement culturel où l'expression d'un peuple et de son histoire transparaît.

Si la littérature et la presse d'information ont traditionnellement incarné les commentaires sociaux et politiques des sociétés d'où elles étaient issues, la radio possède l'avantage de pouvoir faire entendre les voix d'aujourd'hui et d'hier, de faire résonner les tonalités des diverses époques de notre récente histoire. Il y a quelque chose de résolument magique à entendre René Lévesque interviewer Maurice Richard en 1954, le premier ministre Mackenzie King s'adresser à la population canadienne à l'aube de la deuxième guerre mondiale, la fougue et l'intonation de Jean Lesage ou la réaction de la foule à la désormais célèbre déclaration du Général de Gaulle sur le balcon de l'hôtel de ville de Montréal à l’été 1967. À cet égard, la radio constitue un puissant moyen de faire revivre la mémoire du temps.

Le son comme le mot sont de riches stimulateurs d'imagination. Le propre du son est qu'il est également porteur d'émotions: d'abord celles qu'expriment par les gens, celles qui naissent des bruits que l'on entend mais aussi celles qui sont éveillées en nous en vertu des associations personnelles qu'elles génèrent. Quand une collection de segments audio est constituée, quelles que soient ses fins, c'est ni plus ni moins une bibliothèque à sons qui est en chantier. Une bibliothèque dont l'objectif est lié à une volonté de stimuler les intelligences en sollicitant l'imaginaire associé aux voix et aux échos de notre passé collectif.

Universia.ca est une initiative totalement dégagée de considérations commerciales, un fait qui en cette époque d'ébriété technologique et de course à la formation de conglomérats multimédiatiques n'est pas sans intérêt. Aucune publicité, aucune commandite, aucune affiliation politique. Un site indépendant qui se pose en porte-étendard d'une vision francophone des sociétés canadienne et internationale à travers les quelque 65 dernières années. Un agrégat cousu main de contenus triés sur le volet. Des segments audiophoniques culturellement, socialement et académiquement pertinents qui marquent les grands moments de la trajectoire qu'a empruntée la société canadienne-française depuis 1936.

Pour plusieurs critiques, la société actuelle aurait tort d'être autant obnubilée par l'information. À leurs yeux, les techno-prophètes s'évertuent à faire de l'information la pierre angulaire de la nouvelle économie comme si la majorité des citoyens avaient une soif insatiable de tout connaître à tout moment de la journée peu importe l'endroit où ils se trouvent. Jamais auparavant n'avons-nous autant entendu parler de la primauté des contenus sur les grands réseaux. Sil est probable que le contenu puisse en effet être le nouvel empereur de l'espace numérique, on ne peut que difficilement contester la préséance du contexte dans lequel circulent ces mêmes contenus. Une brève session d'exploration sur Internet parvient rapidement à illustrer à quel point le cyberespace est largement encombré d'abondance de redondance. Des dizaines de milliers de sites s'affichent comme méritant notre préférence en matière d'information de tout acabit. Combien parmi eux font appel à la réflexion, à l'analyse, à une meilleure compréhension des enjeux sous-jacents à ces informations livrées en vrac ? Comme si avec l'accroissement quantique d'information découlait une réduction correspondante de réflexion.


Universia.ca: un havre citoyen

Universia.ca est loin d’être une panacée à l'engorgement d'informations qui circulent actuellement sur les réseaux numériques. Il serait plus approprié d'y voir une modeste tentative de développer et de faire évoluer un site de référence multi-disciplinaire francophone conçu dans un esprit démocratique de gestion et de contextualisation de la connaissance. En termes de modèles théoriques, la filiation d'Universia s'inscrit dans l'univers du paradigme transactionnel où l'apprentissage maître-élève fait désormais place à une démarche d'exploration à pôles multiples dans laquelle l'apprenant construit son savoir à partir des diverses sources auxquelles il a accès. Si l'on accepte ce type de conception, on adhère derechef à une remise en cause du rôle de l'école dans le processus de transmission des savoirs. Et à ce titre l'histoire de l'industrie ferroviaire est riche en enseignement.

Au début du siècle, les grandes compagnies de chemin de fer ont englouti des fortunes à étendre leur réseau ferroviaire parce que dans leur esprit il s'agissait là de leur principal champ d'activité. Construire d'imposants chemins de rail reliant le plus grand nombre possible de centres urbains semblait logique, cohérent et tout à fait en résonance avec la définition que l'on se faisait à l'époque d'un grand complexe industriel. Sauf qu'à la réflexion l'industrie ferroviaire est beaucoup plus que l'assemblage de rails sur l'ensemble d'un continent. Il s'agit là d'abord et avant tout d'un secteur qui fait partie intégrante de l'économie du transport. Tout développement dans un secteur périphérique est alors de nature à affecter sa mission première et, par voie de conséquence, sa survie. C'est d'ailleurs ce qui a failli arriver avec l'avènement du transport aérien qui a immédiatement forcé les grands magnats des chemins de fer à repenser leur stratégie d'affaire. Peu de pays fournissent un exemple aussi éloquent que le Canada pour illustrer la profonde métamorphose qu'a subie l'industrie ferroviaire à l'arrivée de l'automobile et de l'avion.

En cette époque d'élaboration de grands réseaux numériques d'information, de communication et de divertissement, l'école doit se garder de devenir la prochaine industrie ferroviaire. Provenant d'une longue tradition instructiviste, les enseignants doivent désormais apprendre à composer avec le fait que leur fonction première n'est pas tant de transmettre des connaissances que d'enseigner des méthodes qui en favorisent une meilleure gestion. L'enseignant apparaît alors comme un intermédiaire dont le rôle consiste à participer à construire chez l'apprenant des connaissances, à mettre en relation le nouveau avec l'acquis, à échafauder des rapports efficients entre les faits, les événements de manière à générer des comportements qui soient à la fois socialement acceptables et édifiants.

À titre de composante du système de radiodiffusion publique canadienne, Universia.ca aspire à occuper une place de choix parmi les divers intermédiaires vers lesquels se tournent les milieux éducationnels francophones. Si pour plusieurs les contenus constituent la denrée la plus recherchée sur les grands réseaux numériques, la centralité de la question identitaire devrait être tout aussi préoccupante, surtout lorsque l'on constate que la place du français sur le Web oscille autour des cinq pourcent. Radio-Canada, comme du reste tous les autres radiodiffuseurs publics francophones, a ici un rôle fondamental à jouer afin d'éviter que ne se reproduise dans le cyberespace un phénomène hégémonique semblable à celui qui prévaut pour le cinéma et la musique en provenance des États-Unis. Dans un tel contexte, il semble essentiel que nous œuvrions à offrir aux générations montantes la possibilité d'étudier le monde à travers nos propres prismes culturels. Nous avons vu précédemment l'ampleur du volume d'information qui émane quotidiennement des divers centres de production de la radio française à travers le pays. Invariablement, ces contenus sont soumis à de rigoureuses normes d'éthique. Ils sont mus par une volonté d'offrir des repères essentiels afin de mieux saisir le sens et la portée des grandes mutations de notre époque et de celles d'hier. Contrairement aux potentiels de désintermédiation que proposent la majorité des nouvelles plates-formes technologiques, Universia.ca se donne comme vocation de galvaniser plus de clarté et de sens, de pédagogie, de réflexion et d'analyse autour des informations quotidiennes qui circulent sur l'ensemble des moyens de communication de masse.

En définitive, le Web n'est rien de plus qu'un immense archipel d'informations et de contenus de toutes sortes. Ce qui caractérise cette collection d'îlots est son caractère éminemment commercial. Un peu comme ces îles enchanteresses où l'équilibre écologique originel a rapidement fait place aux motos-marines, aux mobylettes, au ski-aquatique et kermesses oh! les mains organisées pour un public assoiffé d'action et de divertissement. Serait-il légitime de revendiquer le droit à ce qu'un certain nombre de ces îles demeurent le plus près possible de leur état naturel, c'est-à-dire à l'abri des intérêts commerciaux et à l'intention d'abord du bien commun ? Des havres de détente où règnent des divertissements non pas meilleurs mais d'un tout autre genre: planches à voile, kayak, apnée, vélo, etc., dans le respect de l'intégrité environnementale et de la protection d'espaces publics distincts de tout ce qui existe ailleurs.

La mission de la radiodiffusion publique à l'ère de la convergence technologique passe dorénavant par la mise en valeur de sa différence et de son rejet du journalisme de révérence, phénomène symptomatique des conséquences éditoriales associées à la formation récente de grands groupes multimédiatiques. Universia.ca se positionne comme un service destiné à la francophonie éducationnelle canadienne et qui, de plus, possède un éventail de contenus suffisamment large pour intéresser les canadianistes des pays étrangers. Une initiative résolument citoyenne, idéologiquement et commercialement désintéressée. Du service public à sa plus simple et pure expression.

 

Accréditation OING Francophonie

Sommaire des Actes de la XIXe Biennale

SOMMAIRE

XIXe Biennale à Hull-Ottawa 2001

Jeunesse et langue française. Créer, partager, entreprendre.

Langue française au Canada et en Amérique du Nord.


Préface par Roland Eluerd

Remerciements

SEANCE SOLENNELLE D'OUVERTURE

Messages de:

La très Honorable Adrienne Clarkson

L'Honorable Lise Thibault

L'Honorable Sheila Copps

Allocutions de:

M. Marcel Proulx

S.E. M. Denis Bauchard

M. Marcel Hamelin

M. Francis R. Whyte

M. Roland Eluerd

et Hommage posthume à Henri Bergeron par Roland Eluerd

Résultats de l'enquête par Mme Jeanne Ogée

JEUNESSE ET LANGUE FRANÇAISE

I . Créer

I. A . La poésie

Débat la poésie

I. B . Les technologies de l'information

Alain Vuillemin

Jean-Alain Hernandez

Louise Guay

Frédéric Nolin

Synthèse de René Morin

Remise des prix du concours “Les mordus de la langue”par Alain Landry

II . Partager

II. A . Les mots

Albert Doppagne

Noëlle Guilloton

Claire-Anne Magnès

Débat sur les mots animé par Antonine Maillet

II. B . Les engagements, les O.N.G.

Angèle Bassolé-Ouédraogo

Herman Zoungrana

Gabriela Marcu

Débat

II. C . L'enseignement du français

Micheline Sommant

Pascale Lefrançois

Sally Rehorick

Pierre C. Bélanger

Débat 1 sur l'enseignement

Marius Dakpogan

Mioara Todosin

Cécilia Gaudet

Fabienne Cauchi

synthèse par Ibnou Dia

Débat 2 sur l'enseignement

Hommage à Philippe Desjardins

III . Entreprendre

III. A . Jeunes entrepreneurs

Théodore Boukaré Konseiga

Sidney Ribaux

Daniel La Bossière

Débat 1 sur Entreprendre

III.B . Espace linguistique de la jeune entreprise francophone

Éric Bergeron

Jean-Paul Buffelan-Lanore

Isabelle Plouffe

Débat 2 sur Entreprendre

LANGUE FRANÇAISE AU CANADA ET EN AMÉRIQUE DU NORD

A . Paysage linguistique canadien et nord-américain

Gratien Allaire

Lise Dubois

Paul Dubé

Geneviève Labrecque

Samia I. Spencer

Débat Canada Amérique 1

B . Langue et culture dans le contexte canadien et nord-américain

Lise Gaboury-Diallo

Naïm Kattan

Miléna Santoro

René Cormier

C . Vitalité de la langue française au Canada

Lisa Balfour Bowen

Michel Chartier

Joan Netten

James Thériault

D.Témoignages

Isabelle Chiasson

Luc Lainé

Anne Pham-huy

Débat Canada Amérique 2

Mot de la fin par Norman Moyer

Allocution de Jean-Louis Roux

TABLE RONDE Le choc des cultures

Animateur Jean-Louis Roy


SEANCE DE CLOTURE

Vœux

Discours de clôture par Roland Eluerd

Liste des participants

Échos de la XIXe Biennale


A la Une

« La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d’un épanouissement sans cesse en progrès. »

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d’Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, Éditions de Fallois, 1998, p. 93